Pour une transformation de l’offre de soins périnatals

20/09/2024

Pour une transformation de l’offre de soins périnatals

 

La Mission d’information sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, portée par un groupe de sénatrices a rendu son rapport le 11 septembre dernier. Dans un contexte de baisse de la natalité et de manque de soignants, cette mission répondait au double constat de la dégradation de la santé des mères et des nourrissons, et de la fragilisation du réseau de maternités en France.

I. Santé périnatale en France : quels enjeux ?

Etat des lieux de la mortinatalité et de la mortalité infantile

La France, longtemps bien classée en termes de santé des nouveau-nés, est aujourd’hui en mauvaise posture : depuis une dizaine d’années, la dégradation des indicateurs la place respectivement en 21 et 22e place au niveau européen en matière de mortinatalité et de mortalité infantile.
 
La mortinatalité désigne les enfants nés sans vie après 6 mois de grossesse, que le décès soit spontané ou consécutif à une interruption médicale de grossesse (IMG). Entre 2015 et 2019, le taux de mortinatalité spontané (hors IMG) était en France de 3,8 pour mille (alors que ce même chiffre est compris entre 1,2 et 2,7 pour mille en Finlande par exemple).
La mortalité infantile désigne la proportion d’enfants qui décèdent avant l’âge d’un an, sur le total des enfants nés vivants. Elle est exprimée pour 1000 naissances. En 2022 et en 2023, ce taux est de 4 pour mille en France (contre 1,4 à 1,9 pour mille en Norvège par exemple).
 
Le taux moyen de mortalité infantile sur la période 2020-2022 illustre par ailleurs des inégalités territoriales : les chiffres sont notamment deux fois plus élevés dans les départements et régions d’outre-mer (jusqu’à 9,5 pour mille) et atteignent plus de 6 pour mille dans certains départements de métropole.
Un autre indicateur à observer est celui de la prématurité, qui fragilise la santé des nouveau-nés. En France, 55 000 enfants naissent prématurément (avant 37 semaines d’aménorrhée) chaque année. Ces bébés prématurés représentent 75% de la mortalité infantile pour seulement 7% des naissances.
Concernant les mères, si les décès sont aujourd’hui rares (90 par an), les complications liées au post-partum sont encore fréquentes et nécessitent une meilleure prise en charge.

Une dégradation de la santé des bébés et des mères mal expliquée

 
Dans un contexte de baisse de la natalité, comment expliquer que ces différents indicateurs (mortinatalité, mortalité infantile, prise en charge des prématurés, complications post-partum) aient quant à eux augmenté ?
 
Les causes de la dégradation de ces différents indicateurs sont multiples, et encore mal connues, mais aussi peu rationnalisées au niveau national.
On peut noter entre autres l’augmentation de l’âge moyen des femmes enceintes, un état de santé qui n’aurait normalement pas permis une grossesse (hors intervention de la médecine procréative), l’obésité ou le diabète gestationnel des mères ou encore la précarité ou la vulnérabilité sociale qui conduisent à des parcours de soin inadéquats.
Mais l’état du système de santé n’est pas étranger à l’augmentation de la mortinatalité et de la mortalité infantile : ainsi l’offre de soins en réanimation néonatale est insuffisante, quand le manque de personnel conduit à une mauvaise organisation des soins et à des soins sous-optimaux.

La fragilisation du réseau de maternités

 
Devant la diminution du nombre d’accouchements, et en raison de contraintes financières et de difficultés liées aux ressources humaines (déficit de professionnels de santé), la fermeture de maternités a entraîné une diminution drastique de leur nombre sur le territoire : – 40% en trente ans (- 20% entre 2010 et 2023, voire -30% dans les départements ruraux !). Le « dogme » réaffirmé en 2023 par l’Académie de médecine plaçait un seuil d’activité minimal à 1000 naissances par an pour le maintien en exercice d’une maternité. Certaines structures ont donc fermé leurs portes en raison de ce quota.
 
Par ailleurs, si les naissances sont moins nombreuses, on constate un souhait croissant des femmes de se réapproprier la naissance, se tournant parfois vers des accouchements moins médicalisés et attendant des soignants une prise en charge plus personnalisée.
Des efforts ont bien sûr été faits du côté de l’Etat pour réduire la mortalité néonatale. Les décrets Périnatalité du 9 octobre 1998 par exemple, visaient à garantir une meilleure adéquation entre le niveau de risque de la patiente et du nouveau-né et le type de la maternité d’accueil, en définissant une gradation dans les capacités des maternités :
 
  • Maternité de type 1 = service d’obstétrique
  • Maternité de type 2a = service d’obstétrique et service de néonatologie
  • Maternité de type 2b = service d’obstétrique, service de néonatologie et service de soins intensifs néonatals
  • Maternité de type 3 = service d’obstétrique, service de néonatologie, service de soins intensifs néonatals et service de réanimation néonatale
Toutefois, les sénatrices déplorent qu’une majorité de femmes enceintes ou ayant récemment accouché soit mal informée sur cette diversité de services : 62% d’entre elles « n’ont pas entendu parler des différents types de maternité (1, 2a/b, 3) ou ne voient pas vraiment de quoi il s’agit ». On constate par ailleurs une inégalité dans le niveau de connaissance : les femmes les mieux informées mettent parfois en place une stratégie d’évitement de certaines maternités, creusant des inégalités sociales et territoriales en termes de santé.

II Préconisations pour une transformation de l’offre de soins périnatals dans les territoires

Des données regroupées pour une meilleure analyse

La première préconisation est d’adopter une stratégie nationale de santé périnatale et de rétablir les commissions nationales et régionales des naissances, avec la création d’un registre national des naissances et de la mortalité néonatale ainsi que le rapprochement des bases de données afin de pouvoir analyser les effets induits par l’organisation du système de soins et les pratiques des professionnels sur la santé des bébés et des mères.
 

Réfléchir en termes de « services » dans les territoires

 
Il est par ailleurs nécessaire, selon les sénatrices, de sortir du « dogme » des 1000 naissances par an, et de repenser le réseau de maternités pour répondre aux besoins des bébés et des mères. Le rapport propose ainsi de réfléchir en termes de « services » dans les territoires, par une « transformation de l’offre de soins » qui distingue et répartit les différents actes réalisés en maternité, pour lesquels les priorités ne sont pas les mêmes. Sans réfléchir en seuil de naissance mais plutôt en besoins sur un bassin de naissances, il est par exemple préconisé d’assurer un lit de réanimation néonatale pour 1000 naissances.
 
Ainsi pour le suivi pré et post natal, la proximité devrait être le critère majeur, auquel peut répondre une maternité sur un territoire isolé. Mais pour l’acte d’accouchement, c’est la sécurité qui doit primer, et donc l’envoi éventuel vers une maternité plus lointaine du domicile, mais mieux équipée et plus sécurisée. Bien sûr, il s’agit aussi de garantir des effectifs suffisants en formant davantage de praticiens (gynécologues-obstétriciens, pédiatres, anesthésistes-réanimateurs et sage-femmes).

Une meilleure communication envers les jeunes parents

 
La communication des informations aux parturientes mais aussi aux accouchées dans les premiers mois de vie de leur nourrisson est également essentielle. Une femme sur cinq déclare ne pas être satisfaite des informations communiquées sur cette période périnatale ; il est donc proposé un meilleur accompagnement des parents avant et après la naissance. Quant aux services de protection maternelle et infantile (PMI), ils doivent être mieux financés et insérés dans le maillage territorial pour jouer un rôle pivot dans ce suivi périnatal et plus largement dans l’accompagnement à la parentalité.
 
Les soignants quant à eux seraient davantage impliqués dans le repérage des vulnérabilités chez la jeune mère mais aussi chez le père, afin de prévenir la dégradation de la santé mentale et pas seulement physique. C’est en effet une mère sur cinq, mais aussi un père sur dix, qui souffre de dépression post partum. On dénombre tout de même 15 suicides de mères par an liés au post-partum. Les sénatrices proposent donc de généraliser un questionnement systématique pour mieux répondre à ces enjeux.
On peut espérer que les politiques publiques se saisissent de cette question majeure de santé publique afin d’assurer un véritable accompagnement de toutes les femmes enceintes et de tous les jeunes parents dans ce bouleversement qu’est la naissance d’un enfant.
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