I. 3 grands principes régissent le don d’organes en France :
- Principe du « consentement présumé » : en France, la loi indique que nous sommes tous donneurs d’organes et de tissus, sauf si nous avons exprimé de notre vivant notre refus de donner (en s’inscrivant sur le registre national des refus, possible dès 13 ans, ou si un proche de la personne décédée fait valoir le refus de prélèvement d’organes que cette personne a manifesté expressément de son vivant). Les enfants mineurs peuvent être donneurs d’organes. Toutefois, la loi en France indique que le don d’organes et de tissus ne peut avoir lieu qu’à la condition du consentement des titulaires de l’autorité parentale.
- Gratuité : le don d’organes est un acte de générosité et de solidarité. La loi interdit toute rémunération en contrepartie de ce don.
- Anonymat : le nom du donneur ne peut être communiqué au receveur, et réciproquement. La famille du donneur peut cependant être informée des organes et tissus prélevés ainsi que du résultat des greffes, si elle le demande.
La loi de bioéthique votée en aout 2021, dont les modalités d’application ont été fixées par décrets (n° 2021-1627 et n° 2021-1626 du 10 décembre 2021), introduit quelques nouveautés sur le don d’organes, en particulier le « don croisé ».
II. Qu’est-ce que le don croisé ?
La loi de 2011 qui comportait déjà cette innovation. Le don croisé est une organisation spécifique pour les greffes rénales avec donneur vivant. L’une des principales difficultés dans le domaine de la greffe est celle de la « compatibilité » entre donneur et receveur. Comme il est possible de vivre avec un seul rein, il arrive que des proches d’une personne en attente de greffe souhaitent donner un de leur rein, mais ne sont pas « compatibles ».
C’est là qu’intervient l’idée de « don croisé » : il permet, lorsque le don n’est pas possible au sein d’une même famille, de regrouper deux couples de receveurs-donneurs présentant entre eux une compatibilité afin d’échanger les donneurs respectifs. Il s’agit donc d’une incitation à trouver des donneurs vivants dans l’entourage des personnes en attente de greffe pour pouvoir procéder à « l’échange » de greffons avec d’autres familles.
L’ABM (Agence de Bio Médecine) décrit le processus sur son site :
“Un donneur D1 souhaite donner à son proche, le receveur R1, mais n’est pas compatible avec lui. Par ailleurs, un donneur D2 souhaite également donner à son proche, le receveur R2, mais n’est pas compatible avec lui. Si le donneur D1 est compatible avec le receveur R2 et que le donneur D2 est compatible avec le receveur R1, une greffe peut être envisagée entre le donneur D1 et le receveur R2 et une autre entre le donneur D2 et le receveur R1. C’est cela que l’on appelle le don croisé.”
Dans les dispositions de la loi, le don croisé reste anonyme. Chaque donneur accepte qu’un receveur anonyme soit greffé de son rein pour que son proche accède aussi à une greffe. Ce système contourne une incompatibilité entre le patient en attente d’une greffe et un proche souhaitant donner un rein. Selon l’ABM, cette procédure a aussi des avantages médicaux : accès à un nombre plus élevé de greffons, accès plus rapide à la greffe, programmation de l’intervention, et faible temps où l’organe donné est conservé au froid avant la transplantation.
Or, les données montrent que les risques de rejet de greffe augmentent avec la durée de cette conservation avant transplantation.
La loi de 2021 a assouplit le système de don croisé. Au départ, le don croisé concerne 2 paires de donneurs et receveurs. Entre donneurs vivants, la loi de 2021 autorise désormais le nombre de donneurs et receveurs consécutifs de passer de deux à six. Il ouvre aussi la possibilité d’intégrer à une procédure de dons croisés le recours à un organe prélevé sur une personne décédée.
En pratique, une chaine de dons est initiée par un donneur seul (vivant ou décédé) n’ayant pas de patient spécifique à qui faire un don. Cette première greffe permet d’amorcer une suite de dons parmi des paires patient/donneur incompatibles. Le donneur vivant associé au patient recevant le rein du donneur décédé peut alors à son tour donner son rein qui va bénéficier à une deuxième paire patient/donneur, et ainsi de suite.
Les opérations de prélèvement et de greffe, qui devaient auparavant être réalisées dans le même temps afin de préserver l’égalité des chances, se déroulent désormais dans un délai maximal de vingt-quatre heures.
III. Quelques chiffres sur les greffes de rein
L’ABM a mené une campagne d’information et de sensibilisation à l’automne 2021 “don de rein à un proche, la solution est en nous tous”. En 2020, année perturbée par la crise sanitaire (Covid 19) 2595 greffes ont été réalisées, dont 390 (15%) grâce à un don venant d’un vivant. Un peu plus de 42000 personnes vivent avec un rein greffé.
IV. Quels sont les autres changements apportés par la loi de bioéthique de 2021 ?
- Elle a étendu le devoir d’information à toute personne âgée de plus de 16 ans. Elle impose en particulier aux médecins traitants (art. R.1211-50) de s’assurer que tout patient est informé de la possibilité du don d’organes et de ses modalités, et demande aux médecins de l’éducation nationale et de médecine préventive des établissements d’enseignement supérieur (art. R.1211-51) d’apporter leurs concours à l’action d’information des élèves et des étudiants âgés d’au moins seize ans sur le don d’organes à fins de greffe et les modalités de consentement.
- Elle a modifié les modalités d’organisation des comités d’experts chargés d’autoriser les prélèvements par l’Agence de la biomédecine et leurs conditions de fonctionnement (art. R.1231-5 à R.1231-8 CSP).
- Elle est venue modifier les conditions de prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur mineur ou sur majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, au bénéfice des père et mère. C’est ce qu’on appelle « les greffes de moelle osseuse ». Les cellules souches hématopoïétiques sont fabriquées par la moelle osseuse et sont à l’origine des globules rouges, des globules blancs et des plaquettes. Elles sont donc prélevées aux fins de greffes pour lutter contre les maladies du sang. Jusqu’à présent, un tel prélèvement était autorisé sur mineur ou sur majeur protégé, en l’absence de solution thérapeutique, au seul bénéfice des frères et sœurs ou, à « titre exceptionnel », au bénéfice des cousins/cousines, oncles/tantes, neveux/nièces. La loi du 2 août 2021 ouvre désormais la possibilité de pratiquer un tel prélèvement au profit des parents du donneur sous certaines conditions. Compte tenu de la vulnérabilité du mineur ou du majeur protégé et afin de prévenir tout conflit d’intérêts, le décret organise la désignation d’un administrateur ad hoc pour représenter le mineur (art. R.1241-13 CSP) ou le majeur protégé (art. R.1241-8).
L’augmentation du nombre de dons aujourd’hui insuffisant au regard du nombre de receveurs potentiels est souhaitable, mais ces nouvelles mesures invitent à rester vigilant, notamment sur la délicate question du recueil du consentement.