L’homme aux mille enfants : altruisme ou narcissisme sans limite ?
L’histoire derrière la série documentaire
Jonathan Meijer est un Néerlandais d’environ 40 ans. Se présentant comme un musicien, avec une allure de surfeur décontracté, cet homme a commencé les dons de sperme en 2007. Il a signalé l’avoir fait au départ car il était touché par l’infertilité d’un ami. A travers une douzaine de cliniques néerlandaises et des arrangements en direct avec des femmes, il a contourné le plafond fixé par la loi de son pays pour le nombre d’enfants maximum qu’un donneur peut avoir : 25.
Pour faciliter les rencontres de donneurs et de femmes, il existe en effet de nombreux sites qui fonctionnent comme des plateformes de rencontre directe. Aux Pays Bas, des sites comme « OneWish », ou « Groot Velrangen (Grand désir) » sont facilement accessibles et listent de nombreux conseils et adresses. « OneWish » précise sans hésiter sur sa page d’accueil : « Contactez directement les donneurs. Il n’y a pas de liste d’attente et vous économisez des milliers d’euros par rapport à une clinique».
C’est précisément la démarche qu’une Néerlandaise, Vanessa van Ewijk, a suivie. Elle a confié son témoignage à des journaux. En 2015, cette femme célibataire de 34 ans décide qu’elle veut un enfant. Elle choisit un profil de donneur sur le site « Désir d’un enfant ». Après quelques échanges, ils se rencontrent un mois plus tard et Jonathan Meijer fournit son échantillon de sperme contre 165 euros et le remboursement de ses frais de transports. Elle le recontactera en 2017 pour une deuxième grossesse. La même année, elle est entrée en contact avec d’autres femmes, mères par le même donneur. Deux de ces femmes se sont elles-mêmes rendu compte que leurs enfants se ressemblaient, suggérant un même père biologique.
Une enquête du Ministère de la Santé a révélé à l’époque que Jonathan Meijer avait probablement 102 enfants nés par dons de sperme faits dans 11 cliniques. Ce nombre ne comptait pas les enfants nés à partir de rencontres bilatérales, estimés à 80 à l’époque.
Dans un pays relativement petit comme les Pays Bas, la question de la consanguinité et des risques d’inceste par des adultes ne connaissant pas leurs ascendants est d’autant plus importante que le pays est plus petit et le territoire densément peuplé.
Jonathan Meijer a été condamné par un tribunal de La Haye en avril 2023 et interdit de poursuivre ses pratiques. Malgré une première interdiction de dons décidée par la société nationale d’obstétrique et de gynécologie en 2017, J Meijer avait continué ses pratiques, entre autres avec des cliniques étrangères, en Belgique, en Allemagne, en France, et au Danemark selon des médias. Le tribunal a évoqué une estimation totale entre 550 et 600 enfants, mais sans certitude.
Comment un tel scénario a pu se produire ?
La personnalité de ce donneur a été mise sous les projecteurs. Il a produit plusieurs vidéos accessibles sur YouTube sur des sujets variés (investissements, alimentation, musique…). Questionné sur ses motivations par le journal américain New York Times, il avait répondu « Mais ce qui me motive en tant que donateur, c’est de faire quelque chose de vraiment grand avec juste un peu d’aide, l’appréciation des bénéficiaires et les sentiments chaleureux et les souvenirs que je partage avec les enfants et les bénéficiaires ».
Son cas n’est d’ailleurs pas unique. Un britannique, Simon Watson, avait fait les titres des médias en 2016 avec une estimation de 800 enfants. Dans une émission TV, il a déclaré que « j’ai des enfants de l’Espagne à Taïwan, dans plein de pays. J’aimerais obtenir le record du monde de tous les temps, m’assurer que personne ne va le battre, en obtenir le plus possible ». Un professeur de mathématiques américain a également sa page Wikipédia avec comme sujet principal ses dons prolifiques.
L’absence de contrôle et de réglementation dans de nombreux pays est un facteur expliquant ces situations. Aux Pays Bas, aucun registre national n’était tenu jusqu’à cette affaire, ni en Belgique. Des banques de sperme internationales, comme Cryos, ne semblent pas mettre de plafond au nombre d’enfants qu’un donneur peut engendrer.
Des sites et des groupes sur les réseaux sociaux, pour des échanges de sperme en dehors du circuit médical, se sont aussi multipliés. Adam Hooper, un Australien père de deux enfants a développé un groupe Facebook pour encourager les dons de sperme « direct ». Son site propose de multiples podcasts, produits en vente et « communautés ». Le groupe Facebook compte 15000 membres.
La prolifération de ces sites rendra encore plus difficile une réglementation, aux niveaux national comme international. La logique d’offre et demande s’est emballée, avec une recherche de moindre coût, d’accès rapide et de choix du donneur.
Volonté de toute-puissance, « délire égotique », abus de confiance, mensonges, sont des qualificatifs utilisés par les personnes qui ont dénoncé ces pratiques. Il faut citer aussi la dissociation introduite par la notion de « donneur de sperme », séparée de toutes autres considérations génétiques, émotionnelles, psychologiques de la paternité.
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