Restrictions d’accès à l’IVG et augmentation de la mortalité infantile au Texas

25/07/2024

Hausse de la mortalité infantile au Texas et restrictions d’accès à l’IVG

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D’après une étude publiée en juin 2024 dans le Journal of American Medecine Association (JAMA), les restrictions d’accès à l’avortement instaurées au Texas par une loi de septembre 2021 (loi SB8) auraient fait augmenter la mortalité infantile (moins d’un an) et la mortalité néo-natale (jusqu’à 27 jours après la naissance) dans cet Etat. De nombreux médias français s’en sont fait l’écho, soutenant que loin de favoriser la vie, ces mesures de restriction ont au contraire eu des conséquences mortifères.

Les données du Center for Disease Control (CDC) montrent que la mortalité infantile est passée de 1985 à 2240 décès entre 2021 et 2022, soit un taux de mortalité qui a augmenté de 8.3%.

Si la hausse est bien avérée au Texas en 2022, peut-on pour autant l’attribuer aux restrictions d’accès à l’IVG résultant de la loi de septembre 2021 ?

Quelle est la méthodologie de l’étude ?

Pour valider l’hypothèse de causalité entre les restrictions de la loi et la hausse de la mortalité, les auteurs ont estimé le nombre de décès qu’il y aurait eu au Texas en l’absence de loi entre mars et décembre 2022. Ils ont ensuite comparé ces estimations aux statistiques mensuelles de la mortalité infantile sur cette même période. Or ces statistiques incluent potentiellement des enfants qui sont nés jusqu’à 1 an avant, soit avant la loi SB8 de septembre 2021… c’est déjà un premier biais venant parasiter la fiabilité des conclusions.

Par ailleurs, les facteurs retenus pour simuler la mortalité infantile (femmes de plus de 35 ans, à faibles revenus…) et la sélection des Etats américains similaires au Texas sans restriction ne sont pas justifiés.

Les résultats de la méthodologie valident-elles l’hypothèse de causalité ?

Selon le modèle de l’étude, 1697 nourrissons seraient morts dans un Texas sans restriction entre mars et décembre 2022. Dans la réalité, 1913 enfants sont morts au cours de cette période soit 216 décès « supposément » causés par la loi. Cependant l’estimation de 1697 décès comporte une très grande marge d’erreur : entre 1359 (donc potentiellement 554 décès supplémentaires suite à la loi SB8) et 2025 (donc potentiellement 122 décès en moins suite à la loi) décès estimés. La méthode ne concluant pas à une tendance haussière sur 9 mois, les auteurs ont alors focalisé leur analyse au mois le mois. Les résultats ne sont guère probants :

  1. Pour la mortalité infantile inférieure à un an, seuls 4 mois sur 9 montrent des chiffres de mortalité jugés significativement supérieurs.
  2. Pour la mortalité néo-natale de moins de 27 jours, seuls 2 mois sur 9 montrent des chiffres de mortalité significativement supérieurs.  

L’absence de tendance haussière sur la plupart des mois (5 mois sur 9 pour la mortalité infantile et 7 mois sur 9 pour la mortalité néo-natale) invalide l’hypothèse d’une causalité entre les restrictions à l’avortement et la mortalité infantile.

La méthodologie ne permettant pas d’établir de manière fiable un lien de causalité entre les restrictions d’accès à l’IVG et la hausse de la mortalité infantile, les auteurs de l’étude ont tenté de démontrer que la situation au Texas était significativement différente du reste des Etats-Unis.

 

Qu’en est-il de la mortalité infantile au Texas par rapport à aux autres Etats ?

Selon les auteurs, la mortalité infantile inférieure à un an a augmenté de 12,9% entre 2021 et 2022 au Texas contre une hausse moyenne de 1,8% pour les autres Etats.

Lorsqu’on compare le taux de mortalité infantile (inférieur à un an) du Texas à celui des autres Etats en 2021 comme en 2022, le Texas n’appartient pas aux Etats où le taux de mortalité infantile est le plus élevé.

On ne trouve pas non plus de correspondance entre le taux de mortalité infantile par Etat et les politiques plus ou moins restrictives d’accès à l’IVG dans chacun d’entre eux. Les dynamiques d’évolution de la mortalité infantile Etat par Etat selon le niveau de restriction d’accès à l’avortement, montrent que l’augmentation de la mortalité infantile relevée au Texas entre 2021 et 2022, ne l’est pas dans les mêmes proportions parmi les 14 Etats les plus restrictifs. Inversement, on constate une augmentation de la mortalité infantile parmi certains Etats américains les moins restrictifs (DC, Oregon, New Mexico…).

Enfin non seulement la forte augmentation de la mortalité infantile observée au Texas entre 2021 et 2022 ne se répète pas entre 2022 et 2023 mais on constate aussi une baisse globale de cette mortalité aux Etats-Unis au cours de cette période. Or la révocation de l’arrêt Roe vs Wade en juin 2022 a entrainé une série de restrictions à l’avortement dans plusieurs Etats.

 

Conclusions

Les analyses détaillées de la méthode et des résultats remettent fortement en cause les conclusions sur la relation de causalité entre une hausse de la mortalité infantile (<1 an et <27 jours) et l’instauration des restrictions à l’IVG au Texas en septembre 2021.

Dans les autres Etats américains ayant appliqué des restrictions à l’IVG, il n’y a pas de tendance à la hausse de la mortalité entre 2021 et 2022.

Par ailleurs, il y a de quoi s’interroger sur les liens pointés par les auteurs de l’étude entre les restrictions à l’IVG et les coûts de santé. Ils déplorent en effet que “les coûts associés à la prise en charge des nourrissons présentant une morbidité importante, et en particulier des anomalies congénitales, soient également significatifs”. Que penser de cet argument purement financier pour justifier l’interruption médicale de grossesse ?

les restrictions d’accès à l’ivg mises en œuvre au texas ont-elles causé une augmentation de la mortalité infantile ?

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