L’euthanasie aux Pays-Bas : un élargissement progressif des critères

07/06/2024

L’euthanasie aux Pays-Bas : un élargissement progressif des critères et des personnes éligibles

Alors que le projet de loi pour légaliser l’euthanasie et le suicide assisté est débattu à l’Assemblée nationale, l’expérience néerlandaise peut nous apporter un éclairage quant à l’évolution de la pratique de l’euthanasie au fil des années.

Les Pays-Bas sont historiquement le premier pays en Europe à avoir dépénalisé l’euthanasie et le suicide assisté par une loi en 2001 dite « loi sur l’interruption de la vie sur demande ». Depuis, le nombre de personnes euthanasiées n’a cessé de croître chaque année, dans le cadre d’une évolution culturelle préoccupante, notamment pour les plus fragiles de la société. En 20 ans le nombre d’euthanasies recensé chaque année par les comités régionaux d’examen de l’euthanasie a été multiplié par cinq.

De 1815, la première année, le nombre d’euthanasies est passé à 9 068 en 2023, soit 5,4% du total des décès cette année-là. Selon les régions, elles peuvent représenter jusqu’à 20% des décès. Si les conditions strictes établies par la loi n’ont pas évolué stricto sensu, leur interprétation extensive donne lieu à des situations de plus en plus discutables.

Les comités régionaux d’examen de l’euthanasie ont notamment observé en 2023 une augmentation de 20% des euthanasies de personnes souffrant de troubles psychiatriques. Selon les rapports, l’euthanasie a été accordée à des personnes souffrant de démence, aptes ou non à formuler leur demande, le cas échéant sur la base de leurs directives anticipées.

En 2023, 349 personnes souffrant de polypathologies liées à l’âge ont pu avoir recours à l’euthanasie, et depuis 2020 une proposition de loi en cours de discussion, vise à dépénaliser l’euthanasie pour raison de « vie accomplie » à partir de 75 ans, en dehors de toute condition médicale. D’après le texte ce type de demande serait pris en charge par un « accompagnateur de fin de vie » et non plus par un médecin afin de vérifier que la demande de mourir est « libre, réfléchie et persistante ».

La loi néerlandaise permet dès l’origine l’euthanasie des enfants à partir de 12 ans, et depuis le Protocole de Groningen de 2005, l’euthanasie des nouveau-nés de moins d’un an, atteints d’une grave affection et dont la “qualité de vie” est estimée insatisfaisante est aussi autorisée. En février 2024, un règlement ministériel a autorisé l’euthanasie pour les enfants âgés de moins de 12 ans, souffrant d’une pathologie sans issue, de souffrances insupportables, avec le consentement des parents, mais pas nécessairement celui de l’enfant.

La banalisation progressive de l’euthanasie se fait aussi par la médiatisation d’une « nouvelle forme d’euthanasie » en duo, comme celle de l’ancien premier ministre « main dans la main » avec son épouse en février 2024. En 2023, il y a eu 66 rapports d’euthanasies en duo, ce qui signifie que l’euthanasie a été accordée 33 fois à deux partenaires en même temps.

Pour Theo Boer, professeur d’éthique de la santé à l’université de Groningen : « l’euthanasie a un impact bien plus important que sur les 6% de Néerlandais qui meurent après avoir été euthanasiés. Le regard que nous portons tous sur le vieillissement, la fragilité, la dépendance aux soins et la notion même d’humanité a changé. »

 

Retrouvez le dossier complet : voir la notexpert.

bilan de l'euthanasie aux pays-bas 2023

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