Stratégie décennale des soins palliatifs : publication d’un rapport du gouvernement
Le gouvernement a publié récemment sa stratégie décennale pour renforcer les soins palliatifs. Ce rapport était attendu depuis de nombreuses semaines. Lancée en juin 2023, une Commission présidée par le Professeur Franck Chauvin, ancien président du Haut Conseil pour la santé publique, avait remis un rapport en décembre. Il préconisait d’utiliser une nouvelle terminologie : “les soins d’accompagnement” qui se définissent comme “l’ensemble des soins participant à la prise en charge globale de la personne malade et de son entourage, réalisés par une équipe pluridisciplinaire, afin de préserver sa qualité de vie et son bien-être“. Cette notion se veut plus large que les soins palliatifs.
Cependant, l’OMS (Organisation mondiale de la santé), suivie par les sociétés et associations de soins palliatifs en France, a déjà une approche et une philosophie globales de la personne. Elle a défini les soins palliatifs comme “une approche pour améliorer la qualité de vie des patients (adultes et enfants) et de leur famille, confrontés aux problèmes liés à des maladies potentiellement mortelles. Ils préviennent et soulagent les souffrances grâce à la reconnaissance précoce, l’évaluation correcte et le traitement de la douleur et des autres problèmes, qu’ils soient d’ordre physique, psychosocial ou spirituel“.
De plus “les soins palliatifs sont explicitement reconnus au titre du droit de l’homme à la santé. Ils doivent être dispensés dans le cadre de services de santé intégrés et centrés sur la personne, accordant une attention spéciale aux besoins et préférences spécifiques des individus“.
Le rapport entend faire de cette nouvelle terminologie “soins d’accompagnement” la marque de fabrique de “la singularité du modèle français” au moment où il avance son projet de loi légalisant l’euthanasie et le suicide assisté.
Quelques chiffres
S’appuyant sur le rapport de la Cour des Comptes de juin 2023, le rapport reconnait que 190000 personnes sont actuellement prises en charge, couvrant à peine 50% des besoins. Les projections démographiques du vieillissement font anticiper des besoins accrus. En 2035, c’est 440000 personnes qui en auraient besoin. Sur le sujet sensible des soins palliatifs pédiatriques, le rapport estime que 2500 enfants sont pris en charge, soit un tiers seulement des besoins.
Les “chiffres clés” sur la filière des soins palliatifs sont également présentés :
- 10,000 soignants (médecins, infirmiers, et aides-soignants)
- 166 Unités de Soins Palliatifs (USP) dont 20 départements sont dépourvus
- 412 équipes mobiles en soins palliatifs
La filière hospitalière (avec les unités spécialisées mais aussi des lits affectés aux soins palliatifs) et la filière à domicile (soit HAD hospitalisation à domicile, soit soins de ville) se répartissent la prise en charge des patients.
Les objectifs
Après le rappel de la situation et quelques définitions, le rapport se présente comme un catalogue de 30 mesures regroupées en 4 objectifs.
Premier objectif : “un accès plus juste aux soins d’accompagnement”. 950millions, soit l’essentiel de l’enveloppe promise de 1.1 milliard, y est consacré. Il est prévu, sur “appel à manifestation d’intérêt” de créer d’ici fin 2025 8 “maisons d’accompagnement”‘, structures d’accueil hybride offrant “un cadre adapté et une prise en charge spécialisée à des personnes dont le traitement est stabilisé, et qui ne peuvent plus ou ne souhaitent pas rester à leur domicile, notamment quand ils n’ont pas d’aidant”.
24 USP, et 460 lits hospitaliers en soins palliatifs viendront compléter les soins existants d’ici 2034, ainsi qu’une unité de soins palliatifs pédiatriques par région (18 au total). Répondant à une incitation de la Cour des Comptes, les Directives anticipées (DA) feront l’objet de campagne de publicité “notamment ciblées sur les 18-35 ans, les plus de 55 ans et les professionnels de santé“.
Les autres objectifs s’intitulent “mobiliser les territoires et la société” (104 millions), “développer la recherche et la formation” (33 millions), et “piloter tous les acteurs” (4 millions).
Les moyens
Alliance VITA, dans son communiqué de presse du 6 avril 2024, a déjà souligné un point majeur de ces annonces : les moyens consacrés sont probablement insuffisants pour couvrir les besoins. Un calcul de bon sens le fait pressentir : si à peine la moitié des besoins sont couverts aujourd’hui, il faudrait a priori doubler les moyens existants pour répondre à ces besoins, et cela de façon rapide. Or l’objectif final n’est qu’une augmentation de 2 tiers sur 10 ans. Avec la hausse des besoins (signalés plus haut) et l’érosion liée à l’inflation, il est probable que le compte n’y soit pas.
Questionné par France culture sur l’équation difficile entre la pénurie budgétaire et la nécessité d’avoir des effectifs suffisants dans les services de soins palliatifs, le ministère de la Santé a d’ailleurs répondu que : “ce plan, présenté en Conseil des ministres, n’engagera pas les pouvoirs publics”.
Les moyens alloués sont donc une projection proposée et pas un engagement. Le tableau budgétaire synthétique, publié en annexe, montre d’ailleurs un étalement des moyens : 89 millions en 2024, 106 en 2025, 97 en 2026…
L’effet de ciseau entre des besoins croissants et des moyens insuffisants pourrait ainsi conduire à une dégradation supplémentaire des services dont les personnes en fin de vie auront besoin.
Force est de constater que ce rapport ne répond pas à l’exigence éthique de proposer en France des soins palliatifs à la hauteur des besoins au moment où se discute la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté.