Loi fin de vie : peut-on ignorer les pressions économiques ?
Le débat sur le projet de loi « fin de vie » comporte des aspects économiques qui méritent d’être explicités pour en éclairer toutes les facettes.
Le soutien aux soins palliatifs
Un des engagements forts d’Emmanuel Macron dans son discours annonçant un projet de loi portait sur les soins palliatifs : « Je crois qu’une solution unanimement préconisée doit être maintenant rigoureusement mise en œuvre. Il nous faut mieux faire appliquer la loi Claeys-Leonetti, comme le souligne aussi très bien la mission d’évaluation de l’Assemblée nationale. Nous avons en la matière une obligation d’assurer l’universalité de l’accès aux soins palliatifs, de diffuser et d’enrichir notre culture palliative et de rénover la politique de l’accompagnement du deuil« . Le plan décennal qui était prévu pour décembre 2023 n’est pas encore publié. Il est donc difficile de se prononcer, mais quelques éléments sont déjà disponibles.
La filière des soins palliatifs représente, dans les dépenses publiques, un montant avoisinant 1.5 milliard d’euros. Cette estimation se retrouve dans le rapport de la Cour des Comptes publiés l’an dernier. Par comparaison, le budget annuel de la Sécurité Sociale a été fixé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2024 à 640 milliards d’euros. Les soins palliatifs représenteraient ainsi 0.25% du budget global.
Dans une analyse précédente, nous avons proposé une évaluation des allocations du dernier plan : elles suffisaient à peine à couvrir l’inflation courante. Concernant 2024, la Ministre de l’époque avait évoqué en séance à l’Assemblée Nationale une enveloppe de » 20 millions d’euros supplémentaires pour entamer la création d’une filière de prise en charge palliative, conformément à l’instruction donnée aux ARS. C’est l’une des premières briques du développement des soins palliatifs« . L’insuffisance des montants actuels est bien connue du monde des soignants et des décideurs politiques : au moins la moitié des personnes ayant besoin de soins palliatifs n’y auraient pas accès.
Concernant le futur plan décennal, sa publication est repoussée depuis décembre. Récemment, le chiffre d’un milliard supplémentaire à horizon 2034 a circulé, sans détail sur le rythme et les montants alloués. Une progression linéaire entre 1.5 à 2.5 milliards d’euros sur 10 ans représente une croissance annuelle de 5.2%. En tenant compte de l’inflation qui vient diminuer l’impact positif de cette hausse, il est difficile de voir comment les besoins réels des Français seront couverts d’ici 2034.
Et comme le souligne la société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), ces besoins seront probablement en hausse avec le vieillissement de la population.
Pourtant, le Comité Consultatif National d’Ethique CCNE lui-même, dans son avis 139 donnant un feu vert à une forme de mort administrée, insistait sur le développement des soins palliatifs selon deux axes :
- Imposer les soins palliatifs parmi les priorités des politiques de santé publique.
- Assurer le développement effectif d’une discipline universitaire (idéalement interdisciplinaire) consacrée aux soins palliatifs avec nomination d’un universitaire dans chaque faculté de santé.
Interrogée directement sur ce point par le magazine La Vie le 3 avril, la ministre Catherine Vautrin parle d’un « engagement fort » mais ne donne aucun chiffre ni aucun engagement dans un contexte budgétaire très défavorable cette année. Pour 2023, le déficit budgétaire, prévu à 4.9% par le gouvernement, a atteint 5.5% selon le chiffre officiel de l’INSEE, soit 154 milliards d’euros.
. Pour 2023, le déficit budgétaire, prévu à 4.9% par le gouvernement, a atteint 5.5% selon le chiffre officiel de l’INSEE, soit 154 milliards d’euros.
Le risque est important de voir un dispositif de mort administrée se mettre en place alors même que les carences dans l’accès aux soins augmentent.
Les impacts budgétaires d’une mort administrée
Sans être au cœur des débats, la question des économies budgétaires a déjà été évoquée. Un des soutiens de l’ADMD, le philosophe André Comte Sponville, l’avait abordée dans son argumentaire en faveur de l’euthanasie. Alliance VITA a aussi relevé et questionné le soutien constant que des mutuelles apportent au projet d’euthanasie.
Le risque est non négligeable d’un véritable conflit d’intérêt entre une entreprise qui doit équilibrer ses comptes et les besoins d’un patient à être soigné et pris en charge jusqu’à la fin de sa vie.
Au Canada, l’officiel Bureau du Directeur parlementaire du Budget a publié un rapport sur le dispositif d’euthanasie (dénommée Aide Médicale à Mourir). Sa conclusion chiffrait des économies budgétaires.
Au-delà des erreurs inévitables sur ce type de calcul (une analyse poussée est proposée par Alliance VITA ici), c’est la démarche elle-même qui pose une question. Quelle culture sociale est promue lorsqu’on calcule un bénéfice pour un pays grâce à la mort anticipée des malades ou des personnes en fin de vie ?
Les partisans de l’euthanasie présentent souvent leur revendication comme un pas en avant pour l’autonomie de chaque individu. Les difficultés budgétaires actuelles devraient au contraire alerter sur les pressions réelles que subiront le système de santé et ses usagers, les patients, si le suicide assisté et l’euthanasie sont légalisés.
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