Infections sexuellement transmissibles : une hausse troublante

20/03/2024

Infection sexuellement transmissible : une hausse troublante

Les cas d’infections sexuellement transmissibles (IST) sont en hausse en Europe, selon un rapport publié par le Centre Européen de Prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Cette Agence créée en 2005 et basée à Stockholm a récemment publié des chiffres détaillés au niveau européen sur l’année 2022. Ces rapports sont une partie de sa mission de surveillance annuelle des infections, avec la publication d’environ 65 rapports disponibles sur son site.

 

Comment sont classées les IST ?

Selon le site de l’Assurance Maladie, les IST, autrefois plus souvent désignées par le sigle MST (maladies sexuellement transmissibles) sont « des infections pouvant être transmises lors des relations sexuelles » et « il en existe plus d’une trentaine ».

Toujours selon cette source, les IST les plus fréquentes sont d’origine infectieuse diverses :

  • des maladies sexuellement transmissibles bactériennes. Les plus connues sont la syphilis, la gonorrhée, la chlamydiose et l’infection à mycoplasmes, qui, lorsqu’elles sont diagnostiquées, peuvent être guéries ;
  • des maladies virales : l’hépatite B, l’herpès génital, le VIH et le papillomavirus humain (VPH) responsable de plusieurs cancers selon l’OMS. Ces infections peuvent être difficiles ou impossibles à guérir, selon le type de virus.
  • des maladies sexuellement transmissibles parasitaires comme la trichomonase traitée par des médicaments antiparasitaires.

Que constate le rapport européen ?

Dans son résumé, l’ECDC note que le nombre de cas rapportés a augmenté de façon significative comparé à l’année précédente : +48% pour les gonorrhées, +34% pour la syphilis, +16% pour la chlamydiose. L’Agence s’inquiète aussi de la hausse des cas de syphilis transmise de la mère au bébé. Pour les cas de syphilis, cela représente 35391 cas reportés en 2022.

Dans le détail, pour la syphilis, une infection emblématique, les données indiquent que les hommes sont 8 fois plus touchés que les femmes, la catégorie 25-34 ans étant la plus représentée. Dans 74% des cas, le rapport note que la syphilis touche les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (dit HSH). Cependant, pour la première fois en 10 ans, il y a aussi une augmentation notable des cas chez les hommes et femmes hétérosexuels.

Le Directeur Général a publié un communiqué appelant à un renforcement de la lutte contre ces infections. « S’attaquer à l’augmentation substantielle des cas d’IST exige une attention urgente et des efforts concertés. Le dépistage, le traitement et la prévention sont au cœur de toute stratégie à long terme. Nous devons donner la priorité à l’éducation en matière de santé sexuelle, élargir l’accès aux services de dépistage et de traitement, et lutter contre la stigmatisation associée aux IST ».

Une problématique globale

Une étude publiée par l’Université de Cambridge en 2019 notait déjà la résurgence de ces infections que l’on pensait être reléguée dans le passé, à partir des années 2000, et après des tendances à la baisse dans les années 80 et 90. Les auteurs, dont certains travaillaient à l’ECDC, écrivaient que

« Depuis les années 2000, les taux de syphilis ont de nouveau augmenté dans les pays développés, les taux augmentant plus rapidement chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), mais augmentant également dans d’autres groupes de population. L’interaction avec la co-infection par le VIH, les changements dans le comportement sexuel suite à l’élargissement de la disponibilité d’un traitement antirétroviral efficace contre le VIH, l’évolution des moyens et de la facilité de trouver des partenaires sexuels grâce à Internet et aux applications mobiles de rencontres ont accru la complexité de l’épidémiologie, et particulièrement de son contrôle ».

En 2022, c’était 2.5 millions de cas de clamydiose, gonorrhées et syphilis comptabilisés aux Etats Unis. L’an dernier, les autorités sanitaires américaines (le CDC) lançaient une alerte sur les cas de nouveaux-nés touchés par la syphilis. Plus de 3700 cas étaient répertoriés en 2022, dix fois plus qu’en 2012 (335 cas). Le rapport alerte aussi sur la disparité des situations, les bébés d’origine afro-américaines, hispaniques, et indiennes étant beaucoup plus touchés. La Directrice Médicale du CDC s’est exprimée en ces termes : « la crise de la syphilis congénitale aux États-Unis a explosé à un rythme qui fend le cœur ».

On croyait ces infections d’un temps révolu. Il semble que Charles Baudelaire est mort de la syphilis. Guy de Maupassant, également. Un historien spécialiste du XIX° siècle, Alain Corbin, a pu ainsi déclarer que « l’angoisse de la syphilis hante la littérature ». Les mesures prophylactiques prônées par les autorités : usage du préservatif, notification aux partenaires comme le souhaite la Haute Autorité à la Santé (HAS ) seront-elles suffisantes ?

A l’heure de la mondialisation et des applications de rencontre qui mettent facilement en contact des personnes qui ne se connaissent pas, une stratégie plus globale semble nécessaire, intégrant les comportements au-delà d’une approche purement prophylactique souvent trop privilégiée par les autorités sanitaires.

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