Légaliser le suicide assisté et l’euthanasie : transgression et régression

01/12/2023

Légaliser le suicide assisté et l’euthanasie : des conséquences insoupçonnées

 

Dans une société déjà secouée par la violence, envisager la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté serait « un changement de paradigme anthropologique et sociétal majeur qui peut avoir des conséquences insoupçonnées ».

Ces mots très forts émanent d’une tribune collective publiée par La Croix ce 23 novembre 2023 et cosignée par des médecins, gériatres, médecins en soins palliatifs, avocats, professeurs de droit… Ils viennent alourdir d’un argument essentiel le poids déjà important de ce projet de loi du gouvernement de légaliser le suicide assisté et l’euthanasie, camouflés derrière l’euphémisme « d’aide active à mourir ».

Un texte qui pourrait être présenté en Conseil des ministres avant la fin de l’année et dont on déplore les transgressions qu’il envisage et les régressions qu’il induirait.

 

Une transgression : une extension du domaine de la violence légitime

Alors que l’évolution des démocraties est de tout faire pour limiter la violence légitime, « en autorisant un médecin à supprimer une vie (ou à y contribuer dans le suicide assisté), l’État réaliserait alors une extension du domaine de la violence légitime » s’insurgent les cosignataires de la tribune.

La force légitime, dans un État de droit, est très encadrée. Elle est réservée à certaines professions : armée, police. Les professions de santé n’en font pas partie, bien qu’elles aient pourtant une action directe sur le corps humain, qu’elles peuvent toucher, modifier voire mutiler sans encourir de sanctions.

« Cette transgression n’est cependant autorisée que sous conditions strictes : son but doit être le rétablissement de la santé des personnes, les moyens employés doivent être proportionnés, leur efficacité validée et bien sûr le malade doit être consentant ».

Ces professions sont très réglementées, et ces encadrements – qui ont été patiemment mis en place depuis Hippocrate – constituent un progrès et une nécessité, pour les soignants, pour les malades et pour toute la société.

Une régression : un retour en arrière

Déjà, Hippocrate (460-377 avant J.-C.), père de la médecine moderne, savait qu’il fallait protéger les malades des éventuelles pulsions inconscientes, agressives ou pulsions de mort des médecins et limiter leur toute-puissance. Il a mis au point une méthode clinique et son fameux serment qui constituent des référence éthiques fondamentales. « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément » proclament les étudiants le jour de leur thèse.

« Après la Seconde Guerre mondiale, la Shoah et les horreurs de la médecine nazie, rappellent les cosignataires de la tribune, la prise de conscience de ce que peut faire une médecine sans borne et sans norme a marqué l’évolution de la déontologie médicale avec la publication du code de Nuremberg. Depuis, de nombreux textes nationaux et internationaux sont venus compléter et encadrer les devoirs des médecins et les droits des malades. »

L’affirmation d’une éthique du soin est tellement importante que les professions médicales se sont dotées, au fur et à mesure, de codes de déontologie. Celui du métier d’infirmier, consigné comme celui des médecins dans le code de santé publique, affirme aussi que « l’infirmier ne doit pas provoquer délibérément la mort ».

Tous ces textes et réglementations de l’éthique du soin visent toujours l’humanisation de l’autre. Et plus la médecine est efficace et technique, plus les garde-fous doivent être importants.

Ce projet de légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté qui constituerait une brèche dans cette éthique médicale fondamentale patiemment établie serait un véritable retour en arrière. Pour tous.

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