Baisse de la natalité en France : tendance conjoncturelle ou structurelle ?
D’après les données de l’INSEE, la natalité ne cesse de baisser : en 2023, 678 000 bébés sont nés soit 7% de moins qu’à la même période en 2022. Le taux de fécondité (ou nombre d’enfants par femme), est passé de 2,0 à 1,68 en l’espace de dix ans. Ces chiffres reflètent-ils des phénomènes conjoncturels ou s’inscrivent-ils au contraire dans des tendances plus durables ? Quels sont les facteurs de cette baisse de la natalité ?
Comment mesurer la fécondité d’un pays ?
Il y a plusieurs moyens de mesurer la fécondité des femmes en France selon que l’on se place dans une perspective à court ou à long terme.
Selon la définition de l’INSEE, l’Indicateur Conjoncturel de Fécondité (ICF) “sert donc uniquement à caractériser d’une façon synthétique la situation démographique au cours d’une année donnée, sans qu’on puisse en tirer des conclusions certaines sur l’avenir de la population”.
A l’inverse, un indicateur structurel de la fécondité, appelé aussi la descendance finale, ne s’applique pas à une année de calendrier, mais à une génération de femmes.
Les signaux donnés par l’Indicateur Conjoncturel de Fécondité sont des signaux court terme qui sont à compléter et à mettre en perspective avec des tendances de long terme observables avec la descendance finale de nombreuses années après sur plusieurs décennies.
Lors des 30 dernières années, le niveau de l’ICF, relativement bas au milieu des années 1990 (1,66), venait d’un mouvement de retard des maternités selon une étude de l’Ined de 2020 [1] : “ les femmes des générations les plus âgées avaient déjà eu leurs enfants et elles n’en mettaient plus au monde et les générations plus jeunes attendaient pour avoir les leurs (le nombre de descendance finale étant le même que la génération précédente)”.
Ce mouvement de retard des maternités a été ensuite rattrapé par les générations de femmes qui avaient différé leur projet de naissance entraînant une hausse de l’Indicateur Conjoncturel de Fécondité au-dessus de 2 entre les années 2007 et 2011.
La diminution observée depuis 2012 provient principalement de la baisse significative de la fécondité des moins de 30 ans.
Pour autant ce n’est qu’entre 2024 et 2037 que la descendance finale de la génération née entre 1983 et 1997 sera connue. Reste à savoir si elle se maintiendra à 2 ou baissera comme dans de nombreux pays.
Naissance et fécondité : à quoi s’attendre demain ?
Plusieurs facteurs déjà identifiés dans le passé vont continuer à jouer un rôle dans l’évolution de la fécondité :
- Les normes procréatives (l’arrivée d’un enfant est soumise à des critères comme le fait d’être installé dans la vie, avec des diplômes, un emploi stable, un logement et une vie de couple stable) ont joué un rôle conjoncturel très important dans le recul de l’âge pour procréer. Dans le futur, elles pourraient avoir un rôle structurel accru sur la descendance finale des femmes car la capacité à étendre l’âge de la procréation est limitée par les contraintes biologiques au risque de renoncer au projet d’avoir un enfant.
- Les conditions matérielles et économiques dégradées, en particulier la précarité des emplois des femmes ont et auront un impact direct réduisant la concrétisation des projets d’avoir un enfant.
- L’axe de la politique familiale visant à étendre la couverture de services d’accueil de la petite enfance jouera un rôle essentiel sur la décision des couples d’avoir le nombre d’enfants souhaités (plus important que les aides financières et les congés natalité qui restent cependant des facteurs qui comptent). Il s’agit d’inscrire l’accueil de l’enfant au centre du projet de la société française.
De nouvelles tendances sociétales pourraient avoir un impact sans qu’il soit possible d’en estimer la prévalence :
- L’éco-anxiété qui pousse les jeunes générations et plus particulièrement les “child free” à remettre en question l’arrivée d’êtres humains supplémentaires sur la planète.
- Certains sondages évoquent aussi les difficultés d’engagement durable dans une société qui privilégie la liberté, l’épanouissement personnel et le non-attachement.
- Les évolutions des normes, exigences et injonctions parentales / éducatives qui pèsent sur les potentiels parents.
- Les promesses des technologies de procréations (congélation des gamètes, stimulation ovarienne…)
Pour Alliance VITA, toutes ces analyses soulignent les efforts indispensables pour donner la pleine capacité aux familles d’accueillir des enfants.
[1] Gilles Pison et Sandrine Dauphin, Enjeux et perspectives démographiques en France 2020-2050. Un état des connaissances, Paris, INED, Document de travail, 259, Novembre 2020 https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/30829/dt.259.2020.projections.demographiques.france2.fr.pdf
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