La nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (TND) a été présentée par Emmanuel Macron la semaine dernière. Annoncé à l’occasion d’un déplacement dans une Maison de l’autisme de Seine Saint Denis, ce plan comprend six grands « engagements », détaillés en 81 mesures. Ce plan fait suite au plan de stratégie nationale pour l’autisme établi pour la période 2018-2022. La visée du nouveau plan est donc plus large : aux troubles du spectre autistique, il ajoute les troubles « DYS » (comme la dyslexie), les troubles de l’attention et les troubles du développement intellectuel.
Des chiffres sur le troubles du neurodéveloppement
Selon l’OMS, la prévalence des troubles du neurodéveloppement dans le monde chez les enfants de moins de quinze ans est estimée à 5%. Dans un rapport sur le sujet établi en 2020, la Haute Autorité de la Santé (HAS) rappelait qu’en fonction des définitions, cette prévalence variait entre 5 et 15%. Le dossier de presse de la stratégie 2023-2027 donne également quelques chiffres clés. Une personne sur six serait touchée par un TND.
Les troubles du spectre autistique concerneraient 1 à 2% de la population, les troubles « DYS » 8%. Les troubles de l’attention, avec ou sans hyperactivité, concernent 6% des enfants mais 3% des adultes et les troubles du développement intellectuel 1% de le population. Pour 70% des personnes atteintes de difficultés cognitives dans l’enfance, ces difficultés persistent à l’âge adulte. Enfin, pour plus de 50% d’entre eux, un TND est associé à d’autres maladies (épilepsie, trouble anxieux…) ou un autre TND.
Des facteurs de risque multiples
Dans ses recommandations de bonne pratique pour le repérage et l’orientation des enfants à risque, la HAS rappelle la complexité du développement cognitif :
« le neurodéveloppement est un processus dynamique qui se fait par une série d’étapes successives mais parfois intriquées entre elles. La trajectoire développementale chez l’enfant neurotypique comme chez l’enfant atypique est la résultante d’interactions permanentes complexes entre les facteurs génétiques, c’est-à-dire le programme initial de développement cérébral, et les facteurs environnementaux ».
Son rapport consacre toute une partie aux facteurs de risque. On peut citer entre autres :
- La prématurité, qui concerne 7.5% des naissances selon l’enquête de périnatalité de 2016
- Les infections néonatales (méningites) ou les infections à cytomégalovirus
- Les expositions in utero aux substance psychoactives (alcool, cannabis…)
- L’obésité maternelle.
La HAS souligne également que la vulnérabilité socio-économique et le faible niveau scolaire parental sont des facteurs aggravants, ainsi que la maltraitance ou les négligences sévères.
Que prévoit le nouveau plan pour les troubles du neurodéveloppement ?
« Enjeu de dignité » et « enjeu de société » sont les mots mis en avant dans la présentation du plan par Emmanuel Macron et les ministres en charge, Aurore Bergé et Fadila Khattabi. A l’actif du plan Autisme qui s’achève, la création de 410 classes en maternelle et primaire pour accueillir des enfants autistes. 55,000 enfants ont bénéficié d’interventions précoces et d’un parcours de diagnostic grâce à une Plateforme de Coordination de d’Accompagnement (PCO).
Le nouveau plan a également fait l’objet d’une consultation citoyenne ayant recueilli 96,000 votes et 10,000 contributions. Les six engagements du plan contiennent fondamentalement trois axes :
- La recherche sur ces troubles (suivi fin d’une cohorte de mères, création d’un Institut hospitalo-universitaire sur le cerveau de l’enfant),
- Le repérage et le diagnostic (le repérage deviendra systématique pour les enfants de 0 à 6 ans),
- L’accompagnement et l’insertion (parcours adapté à l’école et formation professionnelle, prévention du suicide, actions de sensibilisation de la société aux personnes atteintes de TND…).
Au total, le plan prévoit 680 millions d’euros de nouveaux moyens sur la période 2023-2027, soit 136 millions par an. C’est plus que le précédent plan qui prévoyait 69 millions d’euros, mais le public est bien plus large puisqu’aux personnes atteintes du TSA s’ajoutent tous les autres TND (DYS, TDAH, TDI).
Beaucoup reste à faire.
La Commission des Affaires sociales du Sénat a consacré un rapport d’information sur les TND en mai dernier. Elle soulignait que les besoins restent très importants. Un exemple est le parcours scolaire. En effet, l’inclusion dans une classe peut être très partielle, et les enseignants encore très peu formés à cet accueil. La Commission écrivait :
« La sensibilisation aux TND, à leur prévalence et éventuellement à leur repérage demeure insatisfaisante. Les 25 heures constituant le module « école inclusive » de la formation initiale des enseignants ne sont pas assurées sur l’ensemble du territoire, faute de formateurs. En outre, le contenu de cet enseignement et les outils numériques dédiés à la formation initiale ou continue des enseignants sont parfois désuets ou incomplets. »
Un autre constat porte sur le logement pour les adultes et leur insertion :
« La prise en charge des adultes atteints de troubles du neurodéveloppement demeure notoirement insuffisante. Les associations estiment que 8 000 adultes sont accueillis en Belgique, tous handicaps confondus, faute de place dans des structures adaptées en France. Ce constat est connu des pouvoirs publics depuis de nombreuses années ; le sujet n’est pas celui de la prise de conscience des autorités mais celui de la mise en œuvre des mesures idoines. Les personnes présentant un TDAH ont un risque d’addiction accru ; ces addictions sont plus précoces et plus sévères qu’en population générale. Et 20 % des détenus souffriraient de TDAH« .
Howard Buten, artiste et psychologue, a consacré une part importante de sa vie à l’accueil des personnes atteintes du TSA. Dans son livre « Il y a quelqu’un là-dedans : des autismes », il compare ces personnes au renard du Petit Prince pour leur capacité à élargir notre regard et apprendre la délicatesse dans la relation. Il écrit :
« Tout comme le renard du Petit Prince, l’autiste vous fera savoir « quand » et « jusqu’où « .
Souhaitons que ce plan puisse permettre à toutes ces personnes et leur famille un bien meilleur accueil dans notre société.
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