Le 12 octobre 2023 est parue la 7ème édition de l’enquête annuelle « La traite des êtres humains en France – le profil des victimes accompagnées par les associations en 2022 ».
Ce rapport a été publié conjointement par la MIPROF (Mission Ministérielle pour la Protection des Femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains) et le SSMI (Service Statistique ministériel de la sécurité intérieure).
Il vient compléter l’analyse du SSMI. (« La traite et l’exploitation des êtres humains en 2022 : une approche par les données administratives ») qui montre un phénomène en augmentation.
La traite des êtres humains, un phénomène criminel international complexe
La traite des êtres humains est un « processus par lequel les personnes sont placées ou maintenues dans une situation d’exploitation à des fins économiques ». Contraire à la dignité de la personne humaine, la traite des êtres humains comprend notamment le proxénétisme, le travail forcé ainsi que les délits et la mendicité forcés.
C’est un phénomène difficile à connaître et à endiguer parce qu’il est international et que les victimes sont très souvent sous emprise de réseaux d’exploiteurs, sans oser ni pouvoir porter plainte. C’est pourquoi le nombre de victimes enregistrées par les services de police et de gendarmerie ne sont que la partie visible de l’iceberg.
Par ailleurs, comme l’indique l’analyse du SSMI, les outils digitaux décuplent les possibilités des exploiteurs et complexifient le travail de recherches des services répressifs :
“les services opérationnels et les associations constatent que le numérique et les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés par les exploiteurs (pour le recrutement, le transport, la logistique, la mise en relation avec les clients, etc.), ce qui rend l’exploitation à des fins sexuelles davantage « ubérisée», donc moins visible. ” (La traite des êtres humains en France, le profil des victimes accompagnées par des associations en 2022, p.4)
Traite des êtres humains : 12% d’augmentation en 2022
Le rapport du SSMI révèle qu’en 2022, le nombre de victimes de traite ou d’exploitation des êtres humains enregistré par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 12% par rapport à l’année 2021.
Parmi les différentes formes d’exploitation, seul le proxénétisme a reculé de 5%, c’est-à-dire le fait de tirer profit de la prostitution, l’exploitation par la mendicité a augmenté de 45% et celle par le travail de 55% en 2022 : une forme de traite qui touche majoritairement les hommes.
Traite des êtres humains et exploitation : les femmes et les enfants d’abord
Les femmes et les mineurs constituent la grande majorité des victimes de traite et d’exploitation : on compte 67% de femmes et un quart de mineurs en 2022.
D’après le SSMI, les mineurs sont davantage victimes de mendicité forcée et d’exploitation par le travail. Fait inquiétant, l’âge moyen des mineurs victimes est en baisse puisque la part des victimes ayant moins de 15 ans enregistre une hausse de 210 % par rapport à l’année 2021.
Les jeunes garçons sont plus touchés que les jeunes filles “une hausse plus prononcée des jeunes garçons victimes (+ 161 %), bien que le nombre de jeunes filles victimes progresse aussi (+ 58 %).”
Les associations interrogées par la MIPROF ont constaté que la plupart de ces mineurs ont un contexte familial complexe avec des événements traumatiques ce qui les a rendus vulnérables aux exploiteurs.
« Ils sont facilement recrutés, exploités et harcelés via les réseaux sociaux. Une grande partie se trouve en situation addictive préoccupante (stupéfiants, psychotropes), qui correspond à une stratégie d’exploitation sophistiquée. » (La traite des êtres humains en France, le profil des victimes accompagnées en 2022, p. 9)
Traite des êtres humains et exploitation : les chiffres des associations accompagnant les victimes
En 2022, 2994 victimes ont été accompagnées par 72 associations. 82 % d’entre elles sont des femmes et 16% des mineurs, une augmentation de 97% par rapport à l’année 2021.
Le rapport de l’enquête montre que parmi ces victimes
- 76% étaient victimes d’exploitation sexuelle,
- 15% d’exploitation par le travail,
- 7% contraintes à commettre des délits, (forcer une personne à commettre des crimes et délits en vue d’en récolter les gains, délits de vols, délit relatif aux stupéfiants)
- 2% à la mendicité forcée,
- 1% à d’autres formes d’exploitation.
Les guerres, les flux migratoires et les réseaux sociaux sont trois grands facteurs d’accroissement de la traite des êtres humains et de leur exploitation d’après le SSMI qui précise que ce phénomène « risque en outre de s’aggraver dans les années à venir. »
Nourrie entre autres par la consommation croissante de pornographie et le harcèlement sur les réseaux sociaux, la traite des êtres humains reste un sujet très préoccupant.
En octobre 2023, un « projet de position » du parlement européen concernant la révision de la directive européenne 2011/36/UE sur la lutte contre la traite des êtres humains a été adopté. Les eurodéputés souhaitent donner plus de moyens aux services répressifs de l’Union européenne pour agir contre la traite d’êtres humains et assurer un meilleur soutien aux victimes. Ils ont ajouté trois pratiques à prendre en compte au titre de la traite la gestation pour autrui à des fins d’exploitation reproductive, l’adoption illégale et le mariage forcé. La transcription de ces mesures dans la directive révisée est aujourd’hui dans les mains du Conseil de l’Union européenne.