Le Canada bat le triste record du nombre d’euthanasies

02/11/2023

Le Canada bat le triste record du nombre d’euthanasies

 

Santé Canada vient de publier son 4ème rapport annuel sur l’Aide médicale à mourir (AMM). Englobant euthanasie et suicide assisté, l’AMM représente 4,1% des décès en 2022, atteignant un record depuis sa légalisation.

La situation du Canada est particulièrement alarmante quand on considère que la première loi date de 2016. En 6 ans, ce pays affiche le pourcentage le plus élevé de décès par euthanasie/suicide assisté parmi ceux qui ont légalisé une mort administrée.

 

Des chiffres en hausse et des critères d’éligibilité extensifs au Canada

En 2022, 13 241 cas d’euthanasie ont été déclarés soit un taux de croissance de 31,2 % par rapport à 2021. L’assistance au suicide demeure très exceptionnelle : moins de 7 personnes se sont « autoadministrés » des produits mortels.

La principale affection médicale est le cancer (63,0 %) : les troubles neurologiques atteignent 12,6 % dont 9% pour démence. Au total, 22,6 % des personnes étaient signalées par les praticiens dans le groupe « autre affection » ou « comorbidités multiples ».

« Un quart des personnes atteintes de ces affections étaient atteintes de fragilité (25,0 %). Les autres affections les plus courantes étaient le diabète (11,9 %), les douleurs chroniques (8,0 %) et les maladies auto-immunes (5,0 %). Un certain nombre de personnes étaient atteintes d’arthrose, d’ostéoporose, de fractures, de perte de vision et d’audition et de dysphagie et faisaient des chutes fréquentes. »

Comme le note une étude parue 2022, les critères d’éligibilité se sont considérablement assouplis depuis 2016.

Les sources de souffrance les plus souvent citées sont « la perte de la capacité à participer à des activités significatives (86,3 %), suivie de la perte de la capacité à accomplir les activités de la vie quotidienne (81,9 %) et du contrôle inadéquat de la douleur ou de l’inquiétude au sujet du contrôle de la douleur (59,2 %) ».

Enfin 35,1% des patients citent le fait d’être une charge pour l’entourage – famille, amis ou aidants – et 17,1% l’isolement ou la solitude comme souffrance conduisant à demander l’euthanasie. Ces constats ne peuvent qu’interroger la société tout entière sur le rapport à la vulnérabilité et aux solidarités intergénérationnelles.

Diversité des lieux et des praticiens pourvoyeurs d’euthanasie

Près de 40% des euthanasies ont lieu à domicile, 30,5 % à l’hôpital et 20,8 % en soins palliatifs. Près de 70 % des praticiens assurant l’euthanasie sont des médecins de famille ce qui correspond au médecin généraliste en France, 9,4 % des infirmiers, 8% des soignants de soins palliatifs. Viennent ensuite différentes spécialités oncologues, anesthésistes, urgentistes etc. et pour 0,8% des psychiatres.

Votée en 2021, l’extension de l’AMM aux personnes souffrant de maladies mentales a vu son application repoussée au 17 mars 2024 en raison notamment de la difficulté à distinguer tendances suicidaires et problèmes de santé mentale susceptible de justifier une demande d’AMM. Pour le psychiatre John Maher, spécialiste des maladies mentales et rédacteur en chef du Journal of Ethics in Mental Health « L’AMM sape profondément des décennies d’efforts de prévention du suicide. »

Doublement des euthanasies sans pronostic de mort prévisible

La loi révisée en 2021 a étendu les critères d’éligibilité à l’AMM aux personnes handicapées souffrant d’une maladie « grave et incurable » sans pronostic de mort prévisible.

463 personnes ont été euthanasiées alors que leur « mort naturelle n’était pas raisonnablement prévisible », soit le double de l’année précédente où ce critère a été rendu légal. Pour la moitié d’entre elles, leurs affections étaient de nature « neurologique ».

Parmi elles, 34,8 % ont reçu des soins palliatifs et 53,8 % ont eu besoin de services de soutien aux personnes handicapées. Plusieurs situations de patients candidats à l’euthanasie parce qu’ils ne parvenaient pas à obtenir des aides adaptées faute de moyens financiers suffisants, ont été médiatisées ces deux dernières années. Des experts de l’ONU ont tiré la sonnette d’alarme dans une déclaration commune à propos de la loi canadienne : « Le handicap ne devrait jamais être une raison pour mettre fin à une vie ».

Une hausse alarmante des euthanasies au Québec

Les plus grands nombres d’administration de l’euthanasie ont lieu au Québec (4801), en Ontario (3934) et en Colombie Britannique (2515). Le Québec et la Colombie-Britannique ont connu le pourcentage le plus élevé de décès par euthanasie (6,6 % et 5,5 % respectivement).

Devant la hausse de près de 46% de l’AMM au Québec, la ministre québecoise Sonia Bélanger, responsable des Aînés et déléguée à la Santé, a demandé des explications au Collège des médecins. Elle lui demande de contrôler les médecins qui ont provoqué la mort de 23 patients qui ne répondaient pas à tous les critères de la loi.

Déjà en septembre dernier, la Commission sur les soins fin de vie avait enjoint les médecins, à suivre la loi avec plus de rigueur. En effet une étude scientifique parue en août 2023 sur le site des Presses universitaires de Cambridge alertait sur les graves lacunes du dispositif d’euthanasie. Les auteurs y dénonçaient le déficit de surveillance et de contrôle du régime canadien.

Nota : Les chiffres indiqués plus bas sont issus du rapport de l’ensemble du Canada sur 2022. Les liens avec des articles parus dans la presse du Québec montrent des variations, car le Québec a simultanément publié son propre rapport annuel d’activités sur une période légèrement décalée du 1er avril 2022 au 31 mars 2023.

L’AMM impacte le développement des soins palliatifs et plus globalement l’ensemble de la société

Au Canada, l’AMM est présentée aux patients même s’ils ne la demandent pas, comme une « option thérapeutique ».

Depuis quelques années, plusieurs études montrent le manque de développement des soins palliatifs. La Société canadienne des médecins de soins palliatifs souligne que seulement 15% des personnes qui en auraient besoin y ont accès. Est pointé également un déficit de praticiens spécialistes de la douleur.

En 2022, 19,6% des canadiens euthanasiés n’ont pas reçu de soins palliatifs.

Un rapport publié fin octobre 2023 par la Société canadienne du cancer (SCC), insiste sur le sous-équipement grandissant « en soins palliatifs de qualité aux personnes atteintes de maladies évolutives comme le cancer, en particulier dans les maisons de soins palliatifs, qui comptent peu de lits et sont dispersées ». Pour assurer des soins palliatifs de qualité, le Canada devrait disposer de 7 lits pour 100 000 habitants. Or le rapport montre que le pays n’en dispose que de 3,97.

« Depuis la légalisation de la mort provoquée, |le Canada] a perdu 10 places dans les classements internationaux » souligne la présidente de la SFAP (Société française d’accompagnement en soins palliatifs). En revanche la mort provoquée a été intériorisée comme une nouvelle norme.

La légalisation de l’AMM aboutit à une évolution inquiétante des mentalités : un sondage de l’Institut Research co. datant de mai 2023 sur la loi fédérale canadienne révèle que 73% des sondés disent approuver la loi actuelle et 20% approuvent l’euthanasie sans condition ; quand on mentionne des situations spécifiques relatives à la situation économique, 28% se disent favorables à étendre les critères à des personnes en raison de leur statut de sans-abri et 27% en raison de leur pauvreté.

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