Suisse : évolutions inquiétantes de la pratique du suicide assisté

20/10/2023

Evolutions inquiétantes de la pratique du suicide assisté Suisse : présentation de la notexpert.

 

Voir la notexpert sur le suicide assisté en Suisse.

notexpert suicide assiste en suisse

 

Alors que le gouvernement français prépare un projet de loi sur la fin de vie avec une éventuelle ouverture au suicide assisté, l’expérience de la Suisse, pays qui en autorise la pratique depuis de nombreuses années, montre des dérives inquiétantes.

 

Le suicide assisté est permis depuis 1937, avec comme seule limite imposée par l’article 115 du Code pénal, que celui qui porte assistance à l’acte ne soit pas motivé par un mobile égoïste. La Suisse prévoit des critères fixés par l’Académie Suisse de Science Médicales (ASSM) : être majeur, disposer de sa capacité de discernement, pouvoir s’administrer soi-même la dose létale, et être atteint soit d’une maladie incurable, soit de souffrances intolérables, soit de polypathologies invalidantes liées à l’âge.

Comme la Suisse ne considère pas le suicide assisté comme un acte médical, ce sont les associations qui en assurent la logistique et la mise en œuvre. En pratique, ces critères font l’objet d’interprétations diverses de la part des associations au point de donner lieu à des pratiques discutables.

Pour les résidents suisses, adhérents aux associations, le coût du recours au suicide assisté est inclus dans leur adhésion, sauf lorsque leur adhésion est inférieure à un an. Dans ce cas, il faut compter quelques centaines d’euros. Pour les étrangers, les sommes varient de 7000 à 11 000€, entraînant ainsi un « tourisme de la mort ».

 

L’Office fédéral de la santé publique et l’Observatoire suisse de la santé publient régulièrement des statistiques sur le suicide en général avec des éléments spécifiques sur le suicide assisté. Le nombre de suicides assistés augmente d’année en année (atteignant 2% du total des décès en 2021) et le nombre de suicides demeure dans le même temps aux alentours de 1000 par an.

 

Si la Suisse a finalement renoncé à légiférer au niveau fédéral, certains cantons ont mis en place des mesures pour assurer la possibilité d’avoir recours au suicide assisté dans les établissements médicaux-sociaux et/ou dans les hôpitaux (cantons de Vaud en 2012, canton de Neuchâtel en 2014, canton de Genève en 2018, canton du Valais en 2022). Même si le personnel n’est pas tenu de prendre part à l’assistance au suicide car les associations s’en chargent, ces lois interdisent, de fait, l’objection de conscience « institutionnelle » (c’est-à-dire concernant tout un établissement).

Cependant, en septembre 2023, le canton de Genève a levé cette obligation en supprimant ces mesures[1].

 

Au fil des années, l’ASSM a révisé les directives en se calant progressivement sur les pratiques des associations. C’est ainsi que les critères pour recourir au suicide assisté ont peu à peu été élargis : de la nécessité d’une fin de vie proche, on a vu des demandes de suicide assisté évoluer en raison de polypathologies liées à l’âge, la fatigue de vivre, jusqu’à ouvrir la possibilité pour des détenus d’y avoir accès aussi.

Plusieurs situations ont été médiatisées comme par exemple celle de deux sœurs américaines de 54 et 49 ans[2] qui ont obtenu un suicide assisté commun via l’association Pegasos en février 2022. Affirmant souffrir de “frustrations” médicales telles que l’insomnie chronique, le vertige et le mal de dos, elles se disaient « fatiguées de la vie » et voulaient partir ensemble.

 

Les pratiques des associations suscitent des controverses : Le département fédéral de justice et police et le Directeur de l’Office fédéral des assurances sociales se sont notamment inquiétés de l’aspect financier des associations censées avoir un caractère non lucratif. Le Neue Zürcher Zeitung (NZZ) a révélé en 2019 que l’actif du bilan de l’association Exit s’élevait à 29 millions de francs (montant qui a triplé depuis 2013).

En outre, les principales associations opérant en Suisse, militent plus ou moins ouvertement pour que la pratique du suicide assisté soit admise dans le maximum de pays. Les actions de la plus active d’entre elles, Dignitas, ont abouti à reconnaître la pratique du suicide assisté en Allemagne en 2020 et en Autriche en 2021. En mai 2023, ses membres ont saisi la Cour européenne des Droits de l’Homme contre la France après plusieurs recours perdus devant le Conseil d’Etat.

 

 

[1]INSTITUT EUROPEEN DE BIOETHIQUE, Genève : Les établissements de santé retrouvent leur liberté de refuser le suicide assisté, Genève : Les établissements de santé retrouvent leur liberté de refuser le suicide assisté – Institut Européen de Bioéthique (ieb-eib.org).

 

[2]RENAUD MICHIELS, 29/03/2022, Double suicide assisté en Suisse : elles étaient « fatiguées de la vie », Etats-Unis, Le Matin, États-Unis – Double suicide assisté en Suisse : elles étaient « fatiguées de la vie » – Le Matin.

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