La Cour des comptes pointe les carences de l’Etat dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes

22/09/2023

La Cour des comptes pointe les carences de l’Etat dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes

 

Dans un rapport récent, la Cour des comptes s’est penchée sur la situation de personnes porteuses de handicap vieillissantes. De plus en plus nombreuses, ces personnes ne bénéficient souvent pas d’un accompagnement adapté à leurs besoins et peuvent subir des ruptures de parcours. La Cour des comptes pointe un défaut d’anticipation de l’évolution démographique et un déficit de pilotage des politiques publiques de soutien au handicap.

Alors que le gouvernement a annoncé la présentation d’une feuille de route pour adapter la société au vieillissement le mois prochain, la Cour des comptes s’est intéressée à la situation particulière des personnes en situation de handicap vieillissantes, dans un rapport publié le 13 septembre 2023. « Une personne en situation de handicap est considérée comme vieillissante si elle a été affectée par ce handicap, quelle qu’en soit la nature ou la cause, avant de ressentir les premiers effets du vieillissement. »

 

La Cour des comptes tire une première conclusion : les besoins d’accompagnement des personnes porteuses de handicap vieillissantes ne sont que partiellement satisfaits. Aujourd’hui, 60 % des demandes d’accompagnement à domicile par un service dédié échouent. Les places dans les établissements spécialisés sont également insuffisantes, puisque seules 65 % des demandes aboutissent. La Cour des Comptes relève que plus les personnes avancent en âge, moins elles ont une chance d’obtenir une place.

Pour les personnes de plus de 45 ans, la probabilité d’obtenir une place n’est plus que de 33%, une chance sur trois. De plus, il existe de très fortes disparités territoriales en matière d’offre en établissements et services médico-sociaux. Dans les départements les moins équipés, les personnes n’ont pas d’autre solution que d’être transférées ailleurs. La Belgique accueille ainsi 7 000 adultes français en situation de handicap dans des structures d’hébergement spécialisées.

 

Des ruptures de parcours

 

Dans son rapport, la Cour des comptes s’est particulièrement intéressée aux ruptures de parcours que peuvent connaître les personnes porteuses d’un handicap en vieillissant. Cela concerne d’abord les personnes vivant à domicile, soit l’immense majorité. La Cour estime que « près de 9 personnes en situation de handicap sur 10 vieillissent à domicile. » Or, leur maintien à domicile suppose souvent une adaptation du logement, qui peut s’avérer coûteuse.

Ensuite, il dépend  bien souvent de la présence d’une aide humaine. Ainsi, selon le rapport, « les aidants jouent un rôle essentiel dans le maintien à domicile. Ils réalisent un travail non rémunéré estimé à 500 000 emplois en équivalent temps plein. » Ces aidants, fortement mis à contribution, ont souvent besoin des services d’aides professionnelles régulières qui « constituent une condition pour une intervention dans la durée de l’aidant ».

Néanmoins, le vieillissement parallèle des aidants place les personnes porteuses de handicap dans une situation fragile. Par manque d’anticipation, les proches sont conduits à rechercher en urgence une place dans une institution pour la personne handicapée, alors que l’accès dans un établissement spécialisé est rare au-delà d’un certain âge. Bien souvent, la seule solution proposée, une entrée en EHPAD, est celle dont les proches voulaient le moins.

Le rapport s’intéresse également à la situation des personnes travaillant en ESAT. Le passage à la retraite constitue pour eux une double rupture, dans la mesure où « l’Esat est un lieu de travail et de socialisation où se tissent des liens amicaux et affectifs durables. » Pour ceux qui vivaient en foyer d’hébergement,  le passage à la retraite les contraint également à quitter leur logement. La Cour relève que dans la plupart des cas, ces travailleurs ne trouvent pas de solution adaptée lorsqu’ils arrivent à l’âge de la retraite.

Pour les personnes vivant dans des établissements spécialisés, l’avancée en âge peut parfois conduire à un changement de résidence, car les établissements ne disposent pas toujours des moyens suffisants pour leur permettre de vieillir en leur sein.

La situation délicate des personnes atteintes d’un handicap psychique ou neurologique lourd

 

Le rapport de la Cour des Comptes relève les insuffisances particulièrement criantes dans l’accompagnement des personnes porteuses d’un handicap psychique, soit deux millions de personnes. Le rapport relève que ces personnes « sont nombreuses à se retrouver en situation de grande précarité. »

Si le nombre de lits en psychiatrie a fortement diminué, « le développement de l’offre médico-sociale spécialisée dans le handicap psychique […] n’a pas suivi le même rythme. » Ainsi, faute de place en structure médico-sociale adaptée, des personnes occupent durablement des lits dans des services hospitaliers de psychiatrie. Pour les patients de plus de 60 ans, certains peuvent être accueillis en Ehpad. Pour d’autres, le transfert vers la Belgique apparaît parfois la seule solution. Ainsi, en 2020, 35 % des adultes français accueillis en Wallonie présentaient un handicap psychique.

La situation est également préoccupante pour les personnes présentant un handicap neurologique lourd, à la suite d’un AVC, par exemple. Bien souvent, les places dans les services de soins médicaux et de réadaptation spécialisés sont insuffisantes.

Des Ehpad insuffisamment outillés pour les personnes porteuses de handicap

 

Si les Ehpad sont la principale structure d’accueil des personnes en situation de handicap, leur budget n’est souvent pas adapté à leurs besoins spécifiques. En effet, le budget « dépendance » qui leur est alloué dépend d’une grille d’évaluation, la « grille Aggir », qui n’est pas adaptée à l’évaluation des besoins des personnes avec des troubles psychiques ou une déficience intellectuelle.

 

En cause, le défaut d’anticipation et de pilotage des politiques publiques

 

Selon le rapport, les situations critiques relevées « tiennent notamment au défaut d’anticipation des pouvoirs publics. »

Le rapport rappelle les différents travaux réalisés depuis 2006, date de la publication du rapport d’information Blanc-Berthod-Wurmser, qui s’intéressait déjà au défi posé par la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes. Les préconisations de ces différents travaux n’ont pas été prises en compte.  Le rapport note également qu’en l’absence de directives nationales, « les ARS ont dû élaborer leur propre stratégie, sans moyens spécifiques ». Cela a conduit à de forte disparités selon les départements.

Le rapport déplore une politique du handicap « construite par adoption de plans successifs » sans une analyse fine des besoins, à la fois par manque de données et du fait de leur « sous-utilisation ».

Un milliard d’euros pour développer le soutien à domicile

 

Afin de pouvoir répondre aux aspirations des personnes en situation de handicap, le rapport préconise d’augmenter substantiellement l’offre d’accompagnement à domicile. Ainsi, pour satisfaire la demande actuelle de services à domicile, le rapport estime qu’il faudrait mettre sur la table plus d’un milliard d’euros. Cette politique permettrait aux personnes de rester plus longtemps chez elles, allègerait la pression sur les établissements, et contribuerait ainsi à une amélioration notable pour toutes les personnes porteuses d’un handicap.

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