Allemagne : les médecins demandent plus de moyens pour la prévention du suicide
A l’occasion de la journée mondiale de prévention du suicide, l’Ordre des médecins allemands, le Bundesärtzkammer, a salué la résolution sur la prévention du suicide votée le 6 juillet à une grosse majorité par le Bundestag, après que les députés allemands ont rejeté deux textes pour encadrer le suicide assisté. L’Ordre des médecins demande que la politique de prévention du suicide soit dotée de moyens financiers suffisants.
Le 6 juillet dernier, deux propositions de loi transpartisanes étaient examinées au Bundestag pour donner un cadre légal au suicide assisté. En effet, depuis la décision de la Cour constitutionnelle du 26 février 2020 qui avait retoqué une loi de 2015 interdisant l’organisation commerciale du suicide assisté, celui-ci est pratiqué par des associations sans qu’il y ait de cadre légal. Selon les chiffres des principales associations qui fournissent aujourd’hui des services d’assistance au suicide assisté en Allemagne, elles auraient aidé près de 350 personnes à mourir en 2021. Les médecins utilisent des médicaments sédatifs tels que le midazolam, par exemple.
Les deux propositions de lois examinées le 6 juillet tentaient d’apporter un cadre légal à cette pratique en fixant des conditions. L’une des propositions de loi, émanant des députés Lars Castellucci, du parti social-démocrate (SPD), et de Ansgar Heveling, du parti chrétien-démocrate (CDU), prévoyait que l’assistance au suicide reste interdite mais que des exceptions soient créées pour des personnes majeures après deux entretiens obligatoires, avec un délai minimal de trois mois entre les deux entretiens.
L’autre proposition de loi, portée notamment par la députée libérale Katrin Helling-Plahr et la députée écologiste Renate Künast, moins restrictive, ouvrait un droit au suicide assisté pour des personnes majeures et autorisait les médecins à prescrire un médicament létal entre trois et douze semaines après un entretien obligatoire.
Les associations d’assistance au suicide étaient opposées à ces deux propositions de loi car elles ne souhaitent pas que l’assistance au suicide soit encadrée, arguant que le cadre légal actuel serait suffisamment « clair », et rejettent l’idée d’un entretien obligatoire.
De leur côté, les acteurs engagés dans la prévention du suicide ont exprimé des réserves sur l’instauration de centres de conseil agréés pour recevoir les candidats au suicide en entretien. Selon eux, il faudrait plutôt financer durablement et fédérer les structures régionales déjà existantes, ainsi que les services d’écoute téléphoniques et en ligne. La seconde proposition de loi a été particulièrement critiquée par ces spécialistes de la prévention car le délai minimum de trois semaines envisagé est bien trop court pour surmonter une crise suicidaire en étant accompagné.
Ces deux propositions de lois ont finalement été rejetées. En revanche, les députés du Bundestag ont adopté à une écrasante majorité de 688 voix (une seule voix contre) une résolution pour renforcer la prévention du suicide. Cette résolution demande au gouvernement de présenter un projet de loi et une stratégie de prévention du suicide avant le 30 juin 2024. Une ligne téléphonique nationale unique devra être mise en place pour les personnes ayant des idées suicidaires et leurs proches.
Dans son récent communiqué, l’Ordre des médecins salue cette initiative. Il salue également l’annonce faite par le Ministère de la Santé d’avoir déjà commencé à travailler à une stratégie nationale. Maintenant, selon eux, il ne faudrait pas que la prévention du suicide reste un concept. « Les propositions expérimentées et les structures ne doivent pas être abandonnées pour des raisons financières et une agence nationale d’information et de coordination pour la prévention du suicide ne doit pas échouer à cause du financement ».
Selon le Dr Stefan Schumacher, responsable d’un service d’écoute téléphonique, les personnes qui vivent une crise suicidaire n’ont actuellement pas toujours suffisamment rapidement accès à un service d’écoute téléphonique ou en ligne, par manque de capacité. Il convient donc d’augmenter leur accessibilité par une coordination au niveau national. De son côté, Claudia Bausewein, présidente de la Société allemande de soins palliatifs, regrette les inégalités d’accès aux soins palliatifs et une information très variable selon les maladies. « Le pas vers le suicide assisté semble parfois plus petit » a-t-elle mis en garde.
Comme on le voit, les échecs des tentatives d’encadrement légal du suicide assisté en Allemagne illustrent bien l’impossibilité à concilier encadrement du suicide assisté et politique de prévention du suicide. Une politique cohérente de prévention du suicide ne souffre aucune exception.
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