Suicide assisté : controverse sur l’avis de l’Académie de médecine
L’Académie de médecine a publié un avis controversé le 13 juillet 2023 sur la fin de vie concluant à une ouverture sous condition au suicide assisté. Un membre de son comité d’éthique dénonce un passage en force et la non validité d’un tel vote.
La controverse est double sur le fond et sur la forme.
Rupture avec le code de déontologie
Sous le titre « Favoriser une fin de vie digne et apaisée : répondre à la souffrance inhumaine et protéger les personnes les plus vulnérables », le comité d’éthique de l’Académie de médecine a souhaité donner un avis pour contribuer au débat dans le cas où « le législateur retiendrait une aide active à mourir ».
Après avoir rappelé que «le devoir de respect de la vie humaine et de non-abandon des plus fragiles est le pilier essentiel de la vie en société », les auteurs reconnaissent que la loi actuelle suffit pour l’ensemble des personnes dont le pronostic de mort est prévu à court terme. L’avis s’emploie ensuite à déployer des arguments pour exclure l’euthanasie qui transgresse le Serment d’Hippocrate « je ne provoquerai jamais la mort », transcrit dans le code déontologie.
La réflexion porte donc essentiellement sur l’assistance au suicide, et sa potentielle légalisation pour « abréger les souffrances d’une existence sans espoir » dans des cas de pronostic de décès à moyen terme. Ces situations ne sont pas clairement explicitées. Paradoxalement, il est souligné que « les personnes impliquées (gravement malades, handicapes, proches …) sont plus nuancées et aspirent d’abord à un meilleur accompagnement » plus qu’à une « aide active à mourir » exprimée dans les sondages.
Plusieurs risques sont soulevés :
- Pour les patients, celui de la nature de la demande, appel au secours ou réelle volonté de mourir et de la persistance de l’inégalité territoriale d’accès aux soins palliatifs
- Pour la société, de devoir assumer de donner la mort et en particulier de transférer aux soignants un acte que la plupart ne veulent pas pratiquer.
- Pour les personnes souffrant de handicap : « Franchir le pas de l’assistance au suicide est une rupture et une transgression qui met à mal notre conception ordinaire de la solidarité et du respect de la vie ». Les académiciens insistent sur le caractère violent que peuvent ressentir ces personnes de ne « plus être autorisées à exister ». Reprenant l’appel du collectif Soulager mais pas tuer, et les propos de la présidente du groupe Poyhandicap, l’avis souligne l’exigence de protéger ces personnes comme celles qui présentent une altération du discernement.
Pour contrer ces risques, les auteurs proposent un encadrement d’une assistance au suicide qui se rapprocherait de celui de l’Oregon où le médecin prescrit le produit sans l’administrer après une évaluation collégiale « suite à la demande de la personne en capacité de discernement et bénéficiant de soins palliatifs ». En seraient exclus les maladies psychiatriques, les états dépressifs, les pertes de discernement, les mineurs.
C’est ce qui constituerait pour eux un moindre mal, « le terme « assistance » signifiant accompagner étroitement et soulager la personne endurant une existence sans espoir, par une démarche respecteuse de ses hésitations à aller ou non au terme de sa demande » .
Que des membres éminents de l’Académie de médecine proposent d’abdiquer tout soulagement de certains patients en provoquant la mort et de les exclure de la prévention du suicide est plus que troublant. Et en complète contradiction avec l’appel des professionnels de la psychiatrie, psychanalyse et psychologie publié le 7 juillet dernier qui rappellent que « l’interdit de participer de près ou de loin à la mort garantit la sécurité de la relation et permet d’être inventifs et imaginatifs ».
On peut également regretter que l’Académie de médecine se sente obligée d’imaginer une légalisation d’une « aide active à mourir » par le gouvernement comme une fatalité à laquelle il faudrait se plier. Imagine-t-on la même académie débattre des conditions de la levée de la peine de mort si le gouvernement le décidait ?
Soupçon d’invalidité du vote
Un des membres du comité d’éthique vient cependant bousculer ce qui a été présenté comme un avis majoritaire voté le 27 juin dernier par 60 voix pour, 24 voix contre et 10 abstentions. Le professeur Patrice Queneau dénonce les conditions du débat de cet avis qui n’a pas fait l’objet d’une séance entière et a été présenté en même temps que deux autres rapports et d’autres communications, tout cela avant la suspension des travaux de l’Académie pendant l’été.
Le professeur Queneau explique la confusion qui a eu lieu au moment du vote : il a été proposé que le texte soit modifié. Selon lui, c’est l’accord pour apporter des modifications au texte qui a été voté et non pas l’avis en lui-même.
Ce qui pousserait à reconsidérer la réelle validité de cet avis.
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