La Cour des Comptes appelle à un renforcement des soins palliatifs

13/07/2023

La Cour des Comptes appelle à un renforcement des soins palliatifs

 

Dans un rapport épais de 124 pages, la Cour des Comptes publie un état des lieux des soins palliatifs et appelle à leur renforcement.

Intitulé « Les soins palliatifs, une offre de soins à renforcer », ce rapport avait été commandé par la présidente de la Commission sociale de l’Assemblée en juillet 2022. Son constat général est en demi-teinte comme le souligne le titre, et il s’articule autour de trois grands axes :

  • une situation générale en amélioration avec des besoins encore largement non pourvus,
  • une politique publique plus volontaire mais une organisation  administrative trop timide,
  • un accès aux soins palliatifs trop centré sur l’hôpital et encore insuffisant en ville.

La Cour des Comptes formule dix recommandations pour améliorer les outils d’évaluation et de suivi de l’offre et des besoins, pour piloter le développement attendu dans les prochaines années, et améliorer l’accès pour les patients.

Les constats sur l’offre actuelle de soins palliatifs

L’accès aux soins palliatifs est un droit, inscrit dans l’article L1110-9 du code de la santé publique. Il comprend le soin et l’accompagnement : « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement« . Ce droit relève du droit constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, la prise en charge de la souffrance étant « un des aspects les plus importants de cette dignité« .

La définition des soins palliatifs établie dans le code de santé publique se retrouve au début du rapport : « soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage« . Les auteurs soulignent également que « le concept de soins palliatifs a ainsi évolué : la notion de phase curative puis palliative d’une maladie s’efface au bénéfice d’une prise en charge coordonnée et adaptée tout au long de la maladie. »

En partant d’une définition canadienne des besoins en soins palliatifs qui s’appuie sur une liste de pathologies, la Cour estime qu’un peu plus de 60% des personnes décédées dans l’année devraient bénéficier de ces soins. Cette estimation est fortement dépendante de la liste des pathologies. Dans une annexe, le rapport utilise trois méthodologies distinctes et obtient des pourcentages entre 62% et 80%.

Selon la Cour, la hausse des besoins à venir viendra essentiellement du vieillissement de la population d’ici à 2050. L’estimation des besoins passerait de 379 000 à 470 000 en 2046.

Pour estimer « l’offre disponible », les auteurs admettent ne pas avoir les informations adéquates. Cependant, ils affirment que l’offre a augmenté sur les dernières années. Ainsi, à l’hôpital, entre 2013 et 2021, on dénombre environ 1500 lits supplémentaires pour atteindre 7529 lits au total. Les disparités régionales demeurent cependant fortes. Il est plus difficile d’évaluer la situation pour les soins en ville et à domicile.

Au total la dépense publique pour les soins palliatifs est évaluée à 1,5 Milliards d’euros en 2021, en hausse de 25% depuis 2017.

Limites de la politique publique sur les dernières années

Depuis 1999, la loi garantit « le droit à l’accès aux soins palliatifs au sein des institutions sanitaires ou médico-sociales comme à domicile. » Des plans se sont succédés depuis, avec deux périodes non couvertes. Le rapport note que « le plan 2008-2012 a donné une nette impulsion aux soins palliatifs en France, avec trois grands axes : la poursuite du développement de l’offre hospitalière et l’essor des dispositifs extrahospitaliers, l’élaboration d’une politique de formation et de recherche et l’accompagnement offert aux proches« .

Malgré l’ambition affichée par le plan 2015-2018, l’impact a été « modeste », le rapport pointant un manque d’outils de pilotage, c’est-à-dire des objectifs chiffrés assortis d’un calendrier. Ce manque a une incidence à la fois sur la mise en œuvre et sur la possibilité d’un suivi et d’une évaluation.

Le rapport pointe directement le flou de certains axes du plan : « La mesure 9 attachée à l’axe 3 « développer les soins palliatifs en Ehpad » renvoie, par exemple pour la présence des infirmières de nuit en Ehpad, à un groupe de travail qui « fera des propositions » ou à des « partenariats, des accords ou des outils d’évaluation », une mesure ressemblant davantage à une déclaration de (bonne) intention qu’à un plan d’action… Le rapport qualifie enfin le plan actuel 2021-2024 : il « comporte les mêmes défauts que le plan précédent, sans objectifs qualitatifs et calendaires ». Cette situation semble assez courante.

Selon un rapport de l’OCDE, sur 23 pays étudiés, 14 n’ont ni programme ni stratégie. Les auteurs suggèrent que le Royaume Uni et l’Autriche pourraient inspirer la France pour sa stratégie.

Par ailleurs, ces plans ont le défaut de ne pas être inscrits dans la stratégie nationale de santé, et ils ne sont pas articulés avec les autres plans ciblant des pathologies (plan cancer, plan maladie neuro-dégénératives…). Entre autres exemple cités : « le 3ème plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur comportait des mesures concernant les soins palliatifs dans les Ehpad, sur la formation des personnels soignants et sur la collaboration entre les différents acteurs. Néanmoins ce plan n’a pas été renouvelé depuis 2010« .

Selon les auteurs, il faudrait aussi un pilotage unique au niveau national en lien avec les Agences Régionales de Santé.

Etudiant la question épineuse du financement, le rapport souligne que « la prise en charge palliative, lorsqu’elle a lieu au bon moment, et de façon suffisamment précoce dans le parcours de soins, mobilise des soins moins onéreux que ceux qui sont prodigués sans soins palliatifs. C’est le résultat de l’analyse de plusieurs études, française et anglaise, aux termes desquelles la notion de sobriété thérapeutique, inhérente aux accompagnements en soins palliatifs, permettrait des parcours significativement moins dispendieux« . Ce résultat souligne la compatibilité, par une approche palliative, de qualité de fin de vie et maîtrise du coût des soins.

La diffusion des directives anticipées, et leur numérisation, est un axe poussé par la Cour des Comptes. Selon la Haute Autorité de la Santé (HAS), 70% des Américains auraient rédigé leurs directives anticipées DA, alors que le pourcentage est inconnu en France, mais probablement très faible.

Concernant l’accompagnement de la fin de vie, le rapport note l’existence dans des pays étrangers (Danemark, Autriche) « dans un registre différent de celui du bénévolat d’écoute, du bénévolat de service« . L’association Visitatio -voisins et soins, de même inspiration, est citée par la Cour.

Les auteurs recommandent le développement de cet « accompagnement non médicalisé aux soins palliatifs » qui « relève, pour une large part, de l’empathie et de la capacité à accompagner, par une présence, par des mots choisis, et par de la bienveillance, le patient souvent apeuré par l’arrivée imminente de la mort. Des bénévoles formés et encadrés peuvent être une source d’apaisement et de généralisation de culture palliative, qui se doit d’être bienveillante. Le ministère de la santé pourrait donc lancer sans tarder, dans le cadre du futur plan 2024-2027, un groupe de travail pour la généralisation du bénévolat à l’accompagnement à la fin de vie« .

Elargir l’accès aux soins palliatifs en dehors de l’hôpital

53% des Français meurent à l’hôpital (chiffre 2018), mais 60% souhaitent mourir chez eux (sondage CNSPFV).

L’offre de soins à domicile et en Ehpad est insuffisante. Environ 150 000 personnes décèdent chaque année dans un Ehpad, et « la prise en charge palliative en Ehpad est l’un des enjeux-clefs pour développer l’accès aux soins palliatifs, mais, de l’avis de l’ensemble des ARS interrogées, les principaux obstacles sont, comme pour les soins de ville, outre la démographie médicale déclinante, à laquelle s’ajoute plus spécifiquement le manque d’infirmière disponibles, surtout la nuit, l’insuffisante formation des aides-soignantes et de l’ensemble du personnel non médical intervenant en Ehpad« .

Le rapport appuie donc les initiatives locales de formation et de coordination entre les équipes mobiles et les Ehpad. Il appelle à un « plan de formation d’envergure pour les professionnels non médicaux« .

Dans sa conclusion, le rapport synthétise ses recommandations pour renforcer l’offre de soins palliatifs et rendre le droit à ces soins effectifs. Une note de bas de page précise qu’en « complément de la réflexion qui s’engage sur le suicide assisté, certaines associations font valoir que si l’offre de soins palliatifs pouvait couvrir complètement les besoins, la demande de suicide assisté serait moindre« . De fait, différentes études ont montré la très faible persistance de demandes lorsque les malades sont pris en charge.

Mais au-delà d’une approche économique de type « offre et demande », c’est bien le principe de dignité et de droit aux soins qui doit conduire les pouvoirs publics pour la mise en place du plan 2024-2027. Et cette dignité n’est pas compatible avec un projet de légalisation d’une forme de mort administrée.

 

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