Le 3 avril dernier, Emmanuel Macron a prononcé un discours sur la fin de vie pour annoncer la préparation d’un « modèle français ».
Reçus à l’Elysée au lendemain de la clôture de leurs travaux, les membres de la Convention citoyenne ont écouté un long discours faisant l’éloge de leur parcours délibératif et dessinant les prochaines étapes. Le président de la République a repris à son compte les deux volets des débats et des conclusions de la Convention citoyenne : développement des soins palliatifs et convergence sur « l’aide active à mourir ».
« Participer à la formation de la décision collective »
Evoquant le risque de « rouille démocratique », le discours d’Emmanuel Macron a fait plusieurs fois l’éloge des travaux de la Convention citoyenne. Qualifiée « d’innovation démocratique« , les mérites de la Convention seraient à la fois d’être une enceinte pour que « se joue toute la complexité du débat » et un lieu qui « apaise parce qu’elle est une enceinte de scrupules, de travail, de pure aventure intellectuelle et éthique« . Sans remplacer le processus parlementaire, dont « la légitimité de son pouvoir est un pilier de notre démocratie », la convention aurait donc la vertu de « préparer » et même « permettre » la délibération parlementaire.
« Donner une place à la voix minoritaire »
Les votes de la Convention citoyenne ont largement appuyé une forme de légalisation de la mort administrée. Tout en reconnaissant qu’ « au moment du vote, le fait majoritaire peut donner le sentiment qu’il écrase les voix minoritaires », Emmanuel Macron a estimé que le rapport a donné une place au dissensus. La méthode de la Convention a permis de faire émerger des voix majoritaires tout en respectant les voix minoritaires.
Comment ? « En leur donnant une place et en leur permettant de cheminer à côté, en les entendant, en leur donnant leur place dans la délibération, puis en les reconnaissant dans le travail ». Le discours ne précise pas si cette voix minoritaire sera intégrée dans les choix à venir. Le process d’écoute et de cheminement de citoyens est présenté en soi comme un résultat. Il s’est construit « un modèle français d’éthique de la discussion, une éthique de la discussion organisée par une institution de la République et incarnée par des citoyens engagés« .
Ce modèle a dégagé un résultat : « Vous y avez apporté des réponses claires, vous vous êtes forgé une conviction propre. Vous vous êtes prononcés aux trois-quarts pour une aide active à mourir, sous ses formes différentes, du suicide assisté, avec exception d’euthanasie ou des deux au libre choix de la personne concernée« .
Allant plus loin, le discours fait paraitre en filigrane une acceptation des résultats de la Convention :
« Vos réponses sont importantes parce qu’elles traduisent une forme de vérité qui ne peut qu’interpeller. Comme il y a une volonté générale qui dépasse la somme de toutes les volontés particulières, voilà une conviction générale, au sens où elle est celle formée, forgée au-delà de la conviction de chacun. Celle-ci est non le produit d’une somme de perception, mais elle est le fruit d’une délibération. Elle est un ouvrage même de réflexion. Et je le dis clairement, cette expression de la Convention porte en elle une exigence et une attente, c’est celle d’un modèle français de la fin de vie. Nous y répondrons.«
L’esquisse du « modèle français » de la fin de vie
Un des éléments forts du discours est logiquement l’annonce d’un projet de loi sur la fin de vie élaboré d’ici la fin de l’été. Mais il évite de tracer des contours trop net en parlant de « co-construction » entre le gouvernement, le Parlement, et « en lien avec toutes les parties prenantes« . Les parties prenantes ne sont pas nommées : les soignants seront-ils interrogés particulièrement ?
En parallèle, le discours mentionne le besoin de trouver « les bons mots« , mission confiée à Erik Orsenna, pour pouvoir « ainsi, à travers cette maturation, permettre, je le souhaite, je le crois, de tracer un nouveau jalon vers ce modèle français de la fin de vie« .
Premier volet de ce modèle, les soins palliatifs dont la Convention a souligné l’importance. Emmanuel Macron a repris cette urgence à son compte : « Je crois qu’une solution unanimement préconisée doit être maintenant rigoureusement mise en œuvre. Il nous faut mieux faire appliquer la loi Claeys-Leonetti, comme le souligne aussi très bien la mission d’évaluation de l’Assemblée nationale. Nous avons en la matière une obligation d’assurer l’universalité de l’accès aux soins palliatifs, de diffuser et d’enrichir notre culture palliative et de rénover la politique de l’accompagnement du deuil. »
En conséquence, un plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et pour les soins palliatifs est annoncé.
Sur la question de la mort administrée, euthanasie ou suicide assisté, des « lignes rouges » paraissent « utilement encadrer l’hypothèse d’un modèle français de la fin de vie, et constitue notre point de départ. »
Les lignes citées sont le discernement et « l’expression de la volonté libre et éclairée », la condition médicale présentant un caractère de souffrance réfractaire, d’incurabilité, « voire l’engagement du pronostic vital ». Sont mentionnées également le besoin de procédures, le refus d’ouvrir cette possibilité aux mineurs, et l’attention au fait que « jamais une aide active à mourir, ne devrait, ne devra être réalisée, pour un motif social pour répondre à l’isolement qui parfois peut culpabiliser un malade qui se sait condamné à terme et voudrait en hâte programmer l’issue, afin de ne pas être une charge pour les siens et pour la société ».
Au total, une nouvelle séquence s’ouvre avec la préparation d’un projet de loi sur la fin de vie selon un modèle français qui reste à définir. Le discours tente une synthèse « en même temps » entre soins palliatifs et ouverture d’une forme d’euthanasie et, ou de suicide assisté. Un exercice de juxtaposition que d’autres pays ont déjà tenté, sans succès. Comme l’indiquait Theo Boer dans une tribune de décembre :
« Si le système le plus encadré et le mieux contrôlé au monde (ie les Pays Bas) ne peut garantir que l’aide à mourir reste un dernier recours, pourquoi la France y arriverait-elle mieux ?« .
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