Aux Etats-Unis, un divorce a remis l’embryon humain au cœur d’une bataille judiciaire. A Fairfax, dans l’Etat de Virginie, un couple est en conflit sur le sort à réserver à ses embryons congelés, conçus lors de leur vie conjugale par les techniques de procréation artificielle, comprenant la fécondation in vitro, suivi de la conservation de ces embryons ainsi conçus dans l’azote liquide, à -196 degrés. Cette technique, qui permet de les conserver pendant de très nombreuses années, créée de nombreux enjeux, notamment celui qui revient sur le devant de la scène à l’occasion de ce procès.
La femme, Honeyhline Heidemann, souhaite récupérer et implanter, en vue d’une grossesse, ses embryons, alors que son ex-mari, Jason, refuse. Ses avocats ont déclaré qu’autoriser son ex-femme à implanter les embryons qu’ils avaient créés lorsqu’ils étaient mariés « contraindrait M. Heidemann à procréer contre son gré et violerait donc son droit constitutionnel à l’autonomie en matière de procréation ».
L’avocat de l’ex-épouse a fait valoir que le droit de sa cliente l’emporte sur les objections de son ex-mari, parce qu’il n’aurait aucune obligation légale d’être leur parent et parce qu’elle n’a pas d’autres options pour concevoir des enfants biologiques, car elle a depuis subi des traitements contre le cancer qui l’ont rendue infertile.
Au départ, le juge, Richard Gardiner était du côté de l’ex-mari. Il avait statué que les embryons ne pouvaient être considérés comme « des biens achetés ou vendus » et que donc l’ex-épouse n’avait aucun recours pour en réclamer « la garde ». Mais l’avocat de la mère a demandé au juge de reconsidérer la question. Gardiner s’est alors replongé dans l’histoire de la loi. Il est ensuite revenu sur sa décision en s’appuyant sur une loi du 19ème siècle ; d’avant la guerre civile, qui régissait le traitement de l’esclavage. Il a alors reconsidéré les embryons comme « des biens ». « Comme il n’y a pas d’interdiction sur la vente d’embryons humains, ils peuvent être évalués et vendus, et peuvent donc être considérés comme des biens », a-t-il écrit.
L’avocat de l’ex-femme a également fait valoir que l’accord de séparation initial que le couple avait signé en 2018 traitait déjà les embryons comme des biens. Dans un sous-titre intitulé « Division des biens personnels », le couple avait mentionné que les embryons resteraient dans un stockage cryogénique jusqu’à ce qu’un tribunal en ordonne autrement.
Susan Crockin, avocate et universitaire à l’Institut Kennedy d’éthique de l’Université de Georgetown, experte en droit des technologies de reproduction a commenté cet avis comme étant « moralement répugnant », et précisant qu’elle « ne connaissait aucun autre juge aux États-Unis qui ait conclu que les embryons humains peuvent être achetés et vendu « . Pour elle, « la tendance, au contraire, a été de reconnaître que les embryons sont différents de la simple propriété ».
Cet avis n’est que préliminaire, pas définitif.
La congélation embryonnaire, quasi systématiquement réalisée lors des processus de fécondation in vitro (FIV), aboutit régulièrement à des questionnements éthiques auxquels les couples n’ont pas toujours été suffisamment préparés. En France, au 31 décembre 2020, on dénombrait 265 489 embryons conservés. L’équivalent de la ville de Bordeaux. Ce procès emblématique illustre les problèmes inextricables que peut générer parfois cette technique, pourtant souvent présentée sous le seul angle du « progrès ».
Dans ce cas particulier, l’avocat fait ressurgir des lois dépassées de cette période américaine où on pouvait « posséder » des êtres humains ce qui est particulièrement choquant.