Mission Falorni sur la loi Claeys-Leonetti : urgence de développer plus de moyens pour la fin de vie

31/03/2023

Mission Falorni sur la loi Claeys-Leonetti : urgence de développer plus de moyens pour la fin de vie

 

Après plus de deux mois de travaux et 90 acteurs de la fin de vie auditionnés, dont Alliance VITA, la mission d’évaluation de la loi du 2 février 2016 sur la fin de vie, dite « Claeys-Leonetti », a remis son rapport mercredi 29 mars. Si les rapporteurs reconnaissent que cette loi répond à la grande majorité des cas de fin de vie, ils soulignent un accès encore insuffisant aux soins palliatifs, une méconnaissance des directives anticipées et de la personne de confiance et un recours très limité à la sédation profonde et continue jusqu’au décès.

Depuis le mois de janvier, la mission d’évaluation a auditionné une grande variété d’acteurs de la fin de vie, dont les auteurs et rapporteurs de la loi Claeys-Leonetti, le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), des professionnels de santé, des sociétés savantes, diverses associations, des fédérations, des juristes, philosophes, écrivains et des représentants des cultes.

Le président et les rapporteurs de la mission ont également visité une unité de soins palliatifs, un centre hospitalier et une équipe mobile de soins palliatifs. Il s’agit de la première mission d’évaluation parlementaire de la loi, après les évaluations réalisées en 2018 par l’IGAS et le Conseil d’Etat.

 

Des difficultés à évaluer une loi en l’absence de données

Si la mission se félicite d’avoir pu mener à bien une évaluation qualitative de la loi, il en est tout autrement de l’évaluation quantitative, tant les données sur la fin de vie manquent aujourd’hui en France. Ainsi, aujourd’hui, les sédations profondes et continues jusqu’au décès ne sont pas codifiées sous un code spécifique et on est incapable de les dénombrer précisément. Il n’existe pas de données sur les parcours des patients en fin de vie. Les recherches sur la fin de vie sont aussi insuffisantes.

 

Néanmoins, malgré ces manques de données qui fragilisent le travail d’évaluation, quelques enseignements majeurs se dégagent des travaux de la mission.

 

Des soins palliatifs insuffisants

Alors que la loi Claeys-Leonetti réaffirmait le droit d’accéder aux soins palliatifs, la mission constate un maillage territorial encore insuffisant, avec 21 départements qui ne disposaient pas encore d’unité de soins palliatifs fin 2021. Elle note aussi les pénuries de soignants qui touchent la filière des soins palliatifs.

 

Directives anticipées et personne de confiance, des dispositifs encore méconnus

S’appuyant une enquête du CNSPFV d’octobre 2022 la mission note que les directives anticipées sont très peu connues et que moins de 8% des répondants les ont rédigées.

 

Un recours rare à la sédation profonde et continue jusqu’au décès

Les travaux de la mission ont révélé que le recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès reste très rare. En l’absence de données systématiques, la mission évoque le résultat d’une étude qui estime à moins de 1% le recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès dans les structures palliatives. Dans les faits, elle est très difficile à mettre en œuvre hors de l’hôpital.

 

Le rapport montre aussi les questionnements des soignants et des proches autour de cette procédure. Dans l’esprit de la loi et conformément aux critères établis par la Haute Autorité de Santé (HAS), elle se distingue d’une euthanasie par l’intention, qui n’est pas de donner la mort mais de soulager le patient. Néanmoins, les rapporteurs reconnaissent que sa mise en œuvre peut poser problème aux soignants et aux familles en particulier lorsqu’elle s’accompagne d’un arrêt d’hydratation et d’alimentation.

 

Les auteurs du rapport évoquent également les situations où la sédation dure plus longtemps que prévu, où le malade « n’en finit pas de mourir ». Les rapporteurs ont été marqués par une sédation sur un nouveau-né qui a duré plus de huit jours.

Il faudrait alors, selon leur recommandation, permettre aux soignants de se réunir à nouveau « afin de se positionner sur l’adaptation des soins à apporter au patient ».

Cette recommandation interroge, car s’il s’agit d’augmenter les dosages pour faire partir le patient « plus vite », on basculerait alors dans une logique euthanasique.

 

Euthanasie et suicide assisté insidieusement en embuscade

 

En conclusion, si les auteurs du rapport déplorent une loi encore peu connue et peu appliquée faute de moyens, il ressort selon eux « que le cadre juridique actuel institué par la loi Claeys-Leonetti répond à la grande majorité des situations et que, dans la plupart des cas, les personnes en fin de vie ne demandent plus à mourir lorsqu’elles sont prises en charge et accompagnées de manière adéquate. »

On peut s’étonner alors qu’en toute fin, le rapport affirme que « le cadre législatif actuel n’apporte pas de réponses à toutes les situations en fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme. », sans pour autant apporter de preuves et de données, puisque cela n’est pas l’objet de cette mission. A quelles situations est-il fait référence ? Les rapporteurs vont jusqu’à exprimer que le législateur devrait débattre et se positionner prochainement sur la question de « l’aide active à mourir ».

 

Cette conclusion interroge, et ce pour plusieurs raisons. D’une part, le rapport démontre qu’il reste tant à faire pour mieux faire connaître et appliquer la loi Claeys-Leonetti et que l’accès aux soins palliatifs reste largement insuffisant. D’autre part, le rapport insiste sur l’absence de données et de recherches sur la fin de vie en France. Comme le souligne le député Thibault Bazin dans sa contribution au rapport, une évolution législative dans ces conditions pourrait conduire à ce que « l’aide active à mourir « soit demandée par défaut, faute de pouvoir bénéficier d’un accompagnement satisfaisant en fin de vie.

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