Belgique : 2 nouveaux cas d’euthanasie pour troubles psychiques font polémique
20 ans après le vote d’une loi dépénalisant l’euthanasie en Belgique, deux nouveaux cas douloureux d’euthanasie pour causes psychiatriques connaissent un fort retentissement médiatique. Ils viennent corroborer, une fois de plus, les dérives de l’euthanasie dans ce pays.
Euthanasie en Belgique pour causes psychiatriques : le cas de Nathalie Huygens
Le premier concerne Nathalie Huygens, une femme d’une cinquantaine d’années à qui le “droit à l’euthanasie” vient d’être accordé. Cette mère de deux enfants vit avec d’importantes séquelles psychologiques depuis une violente agression, avec viol, qu’elle a subie en 2016.
Son fils, dans une lettre ouverte publiée en 2022 explique le quotidien de sa mère qui a basculé après ce traumatisme puis le divorce de ses parents, les tentatives de suicide et aussi le laxisme juridique vis-à-vis de l’agresseur.
Il explique que sa mère lui a confié « “J’ai vraiment besoin de retourner à l’hôpital pour une longue période, mais je n’ai tout simplement plus d’argent.” En effet, son assurance hospitalière refuse de prendre en charge les hospitalisations psychiatriques. »
Cette situation interroge gravement l’accès aux traitements et la notion d’incurabilité en cas de souffrances psychiques, condition invoquée par la loi belge.
Second cas d’euthanasie en Belgique pour troubles psychiques : Geneviève Lhermitte
Le deuxième cas d’euthanasie concerne une femme en libération conditionnelle et internée en psychiatrie. Elle vient d’être euthanasiée, le 28 février 2023, à sa demande. Elle avait elle-même choisi la date de son euthanasie : 16 ans après le meurtre qu’elle a perpétré sur ses 5 enfants et pour lequel elle avait été condamnée à perpétuité en 2008.
Après sa condamnation à la prison à vie, Geneviève Lhermitte dont le procès avait été retentissant, « avait intenté en 2010 un procès au civil à son ancien psychiatre, lui réclamant jusqu’à trois millions d’euros de dommages et intérêts pour son «inaction» face à un drame prévisible. » rapporte le journal suisse Le Temps.
L’euthanasie de personnes condamnées par la justice est une question sensible en Belgique
La première euthanasie d’un détenu en prison en Belgique a eu lieu en 2012 sur un homme, condamné à une lourde peine et très malade. Une dizaine d’autres détenus auraient, depuis, exprimé la même demande. Lors de l’affaire « Van Den Bleekenn », en 2014, l’euthanasie avait d’abord été accordée puis la procédure avait été interrompue et il avait été orienté vers des traitements appropriés. La ligue des droits de l’Homme avait alors vivement réagi invoquant une forme de peine de mort déguisée et dénonçant un désinvestissement des infrastructures de soins pour internés par l’Etat.
Vers des suicides par euthanasie ?
Dans son analyse du rapport de la commission de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie pour 2020-2021, l’Institut européen de bioéthique souligne que « 91 personnes souffrant de troubles mentaux et de comportement ont été euthanasiées au cours de la période 2020-2021, ce qui constitue une augmentation par rapport à la période précédente. Parmi elles, 49 personnes ont été euthanasiées pour troubles cognitifs(démence). Rappelons que ce nombre se situe au double de celui de 2016-2017 (24). »
Au fil des rapports de la Commission de contrôle, on constate qu’il s’opère un glissement vers l’acceptation de cas d’euthanasie pour des pathologies mentales ou des polypathologies avec une interprétation de plus en plus large de l’incurabilité et de la notion de souffrance qui ne pourrait être soulagée.
La Commission de contrôle va jusqu’à écrire dans ce dernier rapport que « les tentatives de suicide ratées ont fait prendre conscience aux personnes concernées qu’il existait aussi une autre façon, plus digne, de mettre fin à ses jours ».
Si les psychiatres belges demeurent divisés, spécialement dans la partie francophone, un psychiatre qui pratique ce type de suicide par euthanasie avance que « Dans l’euthanasie, il s’agit d’une certaine manière de civiliser le suicide ».
Cette présentation de l’euthanasie est glaçante et en vient à valider le suicide, plutôt que de le prévenir.
Interrogée par le Point, Ariane Bazan, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie à l’Université de Lorraine et l’Université libre de Bruxelles, qui s’est inquiétée des cas d’euthanasie pour motifs psychiques dès 2015 « voit dans l’autorisation d’euthanasie un détournement du texte voté en 2002 par le Parlement et une manière cynique de répondre aux défaillances du système de prise en charge des pathologies psychiatriques. »
Elle souligne que « La loi belge dépénalise l’euthanasie dans des cas de souffrances insupportables et incurables. Or, si les souffrances psychiques sont en effet extrêmement lourdes à porter, leur incurabilité ne peut être objectivée comme celle d’un cancer ou d’une pathologie neurodégénérative. Ce que l’on fait ici, à mon sens, c’est prendre en otage le texte existant et le tordre pour en faire une loi sur le suicide assisté. »
Pour cette experte : « nous sommes face à une véritable épidémie de mal-être psychique ». Elle constate que le profil moyen des patients qui demandent l’euthanasie pour motif psychiatrique sont pour « deux tiers des femmes, qui ont souvent eu des parcours de vie très difficiles, avec des maltraitances et des abus, qui ont développé des pathologies comme des troubles de la personnalité borderline, avec des automutilations, des tentatives de suicide, des troubles des conduites alimentaires. »
La Belgique, prise par certains pour modèle dans le débat sur la fin de vie en France, apparait clairement comme un anti-modèle à partir du moment où l’interdit de tuer est levé : l’encadrement ne fait que dériver de manière de plus en plus inquiétante. Aujourd’hui, c’est la prévention du suicide qui est sapée dans certains cas, vouant les personnes les plus fragiles à l’abandon et à l’auto-exclusion.
Pour rappel : le nombre d’euthanasies officiellement pratiquées en Belgique est en augmentation constante. L’année 2022 a atteint le niveau le plus haut : 2 966 euthanasies ont été déclarées à la Commission en 2022 soit une augmentation de 9,9% par rapport à l’année précédente. A ce chiffre il faudrait ajouter les euthanasies non déclarées, évaluées à 25 ou 35% en Flandre qui représentent 75% du total des euthanasies.
Voir toutes nos publications sur l’euthanasie dans les pays étrangers.