Session 7 de la Convention citoyenne : des propositions pour améliorer l’accompagnement de la fin de vie

09/03/2023

Après une audition sur le discernement et les maladies psychiques, la Convention citoyenne sur la fin de vie a poursuivi son travail lors de cette 7e session du 3 au 5 mars. 67 propositions ont ainsi été votées pour améliorer « le cadre actuel d’accompagnement de la fin de vie »  lesquelles figureront dans le document final remis au gouvernement. Par ailleurs, de nouveaux votes ont eu lieu sur l’aide active à mourir, faisant apparaître des évolutions de positionnement.

 

Une table ronde sur le discernement et les maladies psychiques à la Convention citoyenne

Vendredi en fin d’après-midi, les participants de la Convention citoyenne ont pu assister à une table ronde réunissant le Docteur Saena Bouchez, psychiatre à l’hôpital Lariboisière, le Docteur Sophie Moulias, médecin gériatre à l’APHP et le docteur Jacques Grill, pédiatre neuro-oncologue à l’Institut Gustave Roussy.

L’objectif de cette table ronde était d’aider les citoyens à évaluer dans quelle mesures les personnes âgées, les enfants et les personnes atteintes de troubles psychiques sont en mesure de formuler une demande consciente et autonome d’aide active à mourir (euthanasie ou suicide assisté).

 

A l’issue de cette table ronde, plusieurs enseignements se dégagent :

  • Le recueil de la volonté du patient exige qu’on prenne en compte les spécificités de ces situations :

> Les maladies neuro-évolutives peuvent provoquer des changements dans le discernement de certaines personnes âgées, qui parfois souhaitent que leurs enfants décident pour elles.

> Chez les enfants, la parole est assez difficile à dissocier de celle des parents.

> Certaines pathologies psychiques peuvent être à l’origine d’un trouble du discernement.

  • Que ce soit chez les personnes âgées ou chez les enfants, les demandes de mourir restent exceptionnelles. Le Dr Sophie Moulias dit même n’en avoir jamais rencontré. Les personnes âgées peuvent éprouver une lassitude, souffrir de l’isolement, de la perte sensorielle ; elles ne demandent pas pour autant à mourir.
  • Aujourd’hui, l’urgence est à un meilleur accompagnement des malades et des personnes âgées. Pour le Dr Sophie Moulias, la solitude est la « vraie pathologie de notre société ». Selon elle, « la mort sociale touche beaucoup de gens du grand âge, beaucoup du monde rural. [….] Les médicaments ne remplaceront pas l’humain. » En écho à ces propos, le Dr Jacques Grill complète : « Aujourd’hui, ce n’est pas la loi qui nous empêche d’être humain avec nos malades, c’est le manque d’humains pour être là avec les malades. ».
  • Pour les personnes âgées comme pour les enfants, la légalisation de l’euthanasie et/ou du suicide assisté n’est pas sans risque :

> Il y a le risque, pour les personnes âgées, que ce soit les familles qui fassent la demande pour elles.

> De même, en pédiatrie : « Si on ne réussit pas à recueillir de façon correcte la parole de l’enfant, c’est donc le tiers qui prend la décision pour autrui. Et c’est un pouvoir qu’on donne aux parents, mais c’est un pouvoir extrêmement dangereux pour eux, parce qu’ils vivent après avoir pris la décision de l’euthanasie ou du suicide assisté de leur enfant. » explique Jacques Grill.

> Enfin, légaliser l’euthanasie risque de décourager les soignants et de les pousser au départ. Selon Sophie Moulias, « envisager l’euthanasie serait pour l’immense majorité des soignants de gériatrie quelque chose d’extrêmement choquant. »

  • Aujourd’hui, le Dr Saena Bouchez estime que la psychiatrie manque encore de critères pour définir les troubles réfractaires aux traitements et tout ce qui peut amener un patient à faire une demande d’aide active à mourir parce que sa souffrance n’a pas pu être soulagée.

67 propositions pour améliorer l’accompagnement de la fin de vie

Après des travaux en groupes toute la journée du samedi, notamment sur l’aide active à mourir (arguments pour/contre, parcours, critères d’accès), les citoyens étaient réunis en plénière le dimanche, pour voter sur les propositions d’amélioration du « cadre actuel » d’accompagnement de la fin de vie qui figureront dans le document final à remettre au gouvernement. 67 propositions ont été retenues autour de 9 thèmes.

  • Respect du choix et de la volonté du patient : choix du lieu de sa fin de vie, parcours d’orientation, renforcement des directives anticipées et de la personne de confiance.
  • Accompagnement à domicile : projet thérapeutique, accompagnement des aidants, implication d’associations de bénévoles, renforcement du contrôle des sédations profondes et continues à domicile, mise en place d’une astreinte.
  • Garantie des budgets nécessaires. Sur ce thème, les citoyens ont décidé d’appliquer le principe du « Quoi qu’il en coûte » aux soins palliatifs, en revoyant le budget, leur système de tarification et de financement, et en améliorant les conditions de travail des personnels. Le système de tarification à l’acte (T2A) doit être « questionné » ou « revisité ».
  • Le développement des soins palliatifs. La proposition phare est de « parvenir à une égalité d’accès aux soins palliatifs pour tous et partout ».
  • Egalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie. Il s’agit de développer la couverture en soins palliatifs dans toutes les régions, renforcer la coordination, l’approche pluridisciplinaire, développer l’accès à l’information sur les directives anticipées…Une proposition a été adoptée pour inscrire dans la loi un « droit opposable à l’accompagnement à la fin de vie et aux soins palliatifs. ». Il faut savoir qu’un tel droit existe déjà dans la loi depuis la loi de 1999 qui affirme le droit d’accès de tous à des soins palliatifs.
  • Information du grand public. Sur ce thème, au-delà de campagnes d’information et d’interventions d’associations, les citoyens ont adopté des propositions pour favoriser dans la société un « changement de regard » sur la vieillesse et la fin de vie.
  • Formation des professionnels de santé : développer la formation initiale sur les soins palliatifs, la prise en charge des douleurs et de la fin de vie et intégrer un cycle de formation sur « les questions éthiques, la vie et la mort » dans leur formation initiale.
  • Organisation du parcours de soins. Ce thème regroupe des propositions très diverses, sur des parcours de soins spécifiques pour les maladies neuro dégénératives, l’accompagnement psychologique et social, les formations à l’écoute, la profession d’aide-soignant, les aidants et l’instauration d’un comptage des sédations profondes et continues.
  • Moyens dédiés à la recherche et développement pour mieux prendre en charge la souffrance et inventer les futurs remèdes.

 

L’ensemble de ces propositions peut être consulté sur le site de la Convention citoyenne.

De nouveaux votes sur l’aide active à mourir

De plus, dans un tweet du 4 mars, Antoine d’Abbundo, journaliste à La Croix, révèle que de nouveaux votes sur l’aide active à mourir et les conditions d’accès ont eu lieu lors de cette session.

A la question « L’accès à l’aide active à mourir devrait-il être ouvert ? », les résultats changent peu par rapport aux votes qui avait eu lieu lors de la dernière session, si ce n’est qu’ils sont légèrement plus nombreux à avoir voté « non » (24% contre 19%).

Toutefois, sur les critères d’accès, l’appréciation des citoyens semble avoir évolué depuis la dernière session puisqu’ils sont 48% à considérer que la majorité légale est un critère important à prendre en compte, 64% à considérer un pronostic vital engagé à court terme comme un critère important et 60% pour un pronostic vitalm engagé à moyen terme.

En comparaison, lors de la précédente session, ils étaient respectivement 67% et 56% à se prononcer favorablement pour l’euthanasie et le suicide assisté pour les mineurs, et 45% étaient favorables au suicide assisté pour des personnes « atteintes de maladies incurables provoquant des souffrances ou douleurs réfractaires sans pronostic vital nécessairement engagé ».

Un résultat est néanmoins inquiétant, puisque 63% des citoyens considèrent que le discernement via une personne de confiance est un critère important à prendre en compte. La personne de confiance pourrait-elle donc décider d’une euthanasie à la place du patient ?

Enfin, 55% des citoyens rejettent la prise en compte des souffrances psychiques et existentielles pour l’accès à une aide active à mourir.

Sur ces questions, les votes définitifs devraient avoir lieu lors de la prochaine session du 17 au 19 mars. Un débat est également prévu sur la fin de vie dans 10 ans.

Finalement, la Convention citoyenne remettra les conclusions de ses travaux le 2 avril plutôt que le 19 mars, date initialement prévue. C’est le mouvement social qui a conduit la Convention à décaler ses deux dernières sessions.

Des remous après la session 6 de la Convention fin de vie

Par ailleurs, comme l’a révélé un article du Figaro, certains membres de la Convention citoyenne ont éprouvé un réel malaise sur la communication qui a été faite après les votes de la session 6 sur l’aide active à mourir. 

Une quarantaine de citoyens ont demandé au comité de gouvernance de relayer un communiqué de presse pour s’élever contre ce traitement médiatique focalisé sur les résultats de votes provisoires.

Comme l’explique une citoyenne signataire, Soline, lors de la conférence de presse qui a suivi la session, « on avait fait un week-end très riche, plein de débats et plein de contenus, et il n’y a eu que les chiffres qui sont ressortis ». Ces citoyens ont regretté que tout le travail fait par un groupe important de la Convention sur des « propositions transverses » et notamment sur le développement des soins palliatifs, ne soit pas relayé. « On s’est senti lésé d’un manque de médiatisation de ces propositions », selon Soline.

Il reste à espérer que les médias, ainsi que le gouvernement, sauront accorder l’attention qu’elles méritent à ces propositions lors de la remise du rapport final.

 

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