Session #5 Convention citoyenne : De la sédation au débat sur l’aide active à mourir

10/02/2023

Du vendredi 3 au dimanche 5 février, la Convention citoyenne sur la fin de vie s’est réunie pour son cinquième week-end. Après l’audition de Régis Aubry sur la sédation profonde et continue jusqu’au décès, cette session a donné une large part à un débat sur l’autorisation de l’aide active à mourir et sur ses modalités de mise en œuvre.

L’intervention de Régis Aubry

-sur la sédation profonde et continue jusqu’au décès

En ouverture de cette troisième et avant-dernière session de la phase de délibération, le professeur Régis Aubry, Président de l’Observatoire National de la Fin de Vie et co-rapporteur de l’avis n°139 du CCNE, était invité pour apporter ses éclairages sur la pratique de la sédation profonde et continue jusqu’au décès et répondre aux questions des citoyens.

Celui-ci a commencé par expliquer de quoi il s’agit. Cette disposition figure dans la loi Claeys-Leonetti de 2016. Elle correspond à un « coma pharmacologique, médicamenteux » où la vigilance est altérée jusqu’au décès. Le médicament utilisé est le Midazolam.

Régis Aubry a également rappelé les trois cas dans laquelle ce type de sédation peut être utilisée :

  • Maladie grave et incurable avec un pronostic vital engagé à court terme,
  • Arrêt d’un traitement « vital » (respiration artificielle par exemple),
  • Patient non conscient, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, au terme d’une procédure collégiale.

Rapidement a été posée la question de l’efficacité de la sédation pour soulager la douleur. Sur ce point, Régis Aubry a indiqué qu’il demeurait encore des « zone d’incertitude » et que des recherches étaient actuellement en cours. Surtout, il convient de distinguer les douleurs physiques, que l’on peut prendre en charge par des antalgiques, et les souffrances d’ordre moral ou existentiel, fréquentes en fin de vie.  Pour cela, l’écoute revêt une importance majeure mais n’est pas toujours valorisée.

  • Euthanasie versus suicide assisté

La discussion n’est pas restée cantonnée à la seule pratique de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, mais a également porté sur l’aide active à mourir. Sur cette question, Régis Aubry a souligné l’incompatibilité pour les professionnels de santé entre soigner et donner la mort : « Comment pouvons-nous nous dissocier sur un plan humain au point de pouvoir un jour tout faire pour lutter contre la douleur et accompagner la souffrance, et le lendemain injecter un produit létal ? ». Il a également rappelé que les demandes d’euthanasie pouvaient évoluer dans le temps, voire disparaître. Il a mis en garde particulièrement sur la situation des personnes âgées dépendantes, se sentant un poids pour la société. Selon lui, avant toute évolution éventuelle de la loi, il doit y avoir au préalable « un engagement politique fort, clair et constant, pour que notre société accompagne les personnes en situation de vulnérabilité ».

Néanmoins, il convient selon lui d’envisager la possibilité d’une aide active à mourir lorsque la volonté du patient « semble correspondre à sa demande. » Au cours de son intervention, il a alors développé des arguments pour bien distinguer l’euthanasie et le suicide assisté. La première ne laisse pas la possibilité au patient d’être ambivalent dans la demande de mort, et implique un tiers (le médecin), tandis que, dans le cas du suicide assisté, non seulement le médecin n’est pas impliqué, mais il y aurait la possibilité de respecter l’ambivalence et les évolutions du patient. Régis Aubry s’appuie sur l’exemple de l’Oregon où seule une petite partie des personnes ayant fait une demande pour un produit létal se le procurent puis l’absorbent.

C’est la position défendue dans l’avis n°139 du CCNE, dont il est co-rapporteur, plaidant à la fois pour un « respect de la volonté » du patient et un devoir de solidarité pour les personnes plus vulnérables.

On peut néanmoins se demander si l’acceptation du suicide pour certaines catégories de personnes, au nom du respect de leur volonté propre, est réellement compatible avec ce devoir de solidarité, alors que le Ministère de la Santé vient de rappeler dans un communiqué du 3 février que la prévention du suicide était un enjeu majeur de santé publique. De plus, n’est-il pas illusoire de penser qu’il est possible de reconnaître, derrière l’expression d’une demande d’aide à mourir, une volonté absolument autonome et libre de toute pression, même intériorisée ?

La mise en œuvre de l’aide active à mourir au cœur du programme de cette session

Au cours de la journée du samedi, les citoyens étaient invités à travailler sur quatre « nœuds du débat » : l’éventuelle ouverture de l’accès à l’aide active à mourir, les éventuelles modalités d’accès de l’aide active à mourir, la forme de l’aide active à mourir (euthanasie, suicide assisté ou les deux) et la pleine application du cadre actuel et l’accompagnement de la fin de vie repensé. Au cours des débats, les citoyens ont constitué des groupes pour défendre les différentes positions. Le journal La Croix donne des chiffres sur la répartition des groupes :  « À la question « Faut-il ouvrir l’accès à une aide active à mourir ? », 27 participants ont choisi de soutenir que non, 41 ont défendu l’idée d’une ouverture à toute demande, 95 ont estimé que cette ouverture devait être conditionnée et 2 sont restés indécis. ».

Même si, selon les propos de la présidente du comité de gouvernance, Claire Thoury, « chacun peut encore changer d’avis », cette répartition donne toute de même une première idée des équilibres au sein de la Convention citoyenne.

Alors qu’il ne reste qu’un seul week-end avant de passer à la dernière phase de conclusion et de restitution des travaux, on peut s’interroger sur le temps de débat consacré à la seule aide active à mourir, et sur le choix d’imposer à tous les citoyens, même ceux qui y sont opposés de débattre sur des modalités éventuelles de mise en œuvre. Au regard des dix enjeux prioritaires qui avaient été fixés par les citoyens, ce temps dédié à cette seule question paraît, pour le moins, démesuré.

 

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