iAu début de cette nouvelle année, la situation des professionnels comme celle du système de santé reste préoccupante. Les chiffres publiés pour l’année 2022 semblent même indiquer que l’état de santé des soignants s’est aggravé.
Des chiffres préoccupants en 2023 sur l’état des soignants
En effet, en janvier 2021, 97,3% des professionnels de santé estimaient qu’ils rencontraient des difficultés à l’origine de souffrance au travail. En 2022, selon une enquête menée entre août et septembre par le collectif Santé en danger, 98,4% l’affirment et 77.9 % d’entre eux déclarent avoir déjà été diagnostiqués en burn-out.
En ce début d’année 2023, de nombreux services sont surchargés, certains d’entre eux sont même fermés la nuit pour manque de personnel.
Autre donnée inquiétante, le taux de suicide chez les internes est 3 fois plus élevé que dans le reste de la population française.
Et les démissions continuent de s’accélérer : 71,3% des professionnels de santé envisagent une reconversion professionnelle, alors qu’ils étaient 67,1% en 2021.
98.2% des professionnels de santé interrogés estiment que la souffrance au travail a augmenté au cours des deux dernières années. Les causes invoquées sont:
- le manque de reconnaissance (75,2 %),
- le manque de personnel (73.8 %),
- l’augmentation de la cadence de travail (56.6 %),
- l’accroissement des tâches administratives (52.8 %)
- ou encore un manque de sens (44.9 %).
Bien sûr, les démissions et les burn-out touchent les services hospitaliers de façon inégale. Le service des urgences est particulièrement impacté : 90% des soignants des urgences de l’hôpital de Pontoise (Val-d’Oise) ont ainsi déposé le 9 janvier 2023 des arrêts maladie pour alerter sur la dégradation de leurs conditions de travail, information très reprise par les médias.
A St Avold, 36 sur 38 infirmiers des urgences sont également en arrêt maladie pour épuisement, et les urgences fermées à partir de 19h à cause du manque de personnel.
Quant au CHRU de Brest, il a donné son préavis de grève pour le 12 janvier 2023. Une soignante de Brest a pointé une logique économique court-termiste.
Pour faire face aux causes de leur souffrance au travail, les soignants interrogés par le collectif Santé en danger demandent considération (79,4%) et écoute (74,9%).
Alliance VITA, consciente de cette situation, propose depuis 2021 un service d’écoute confidentiel et anonyme, Thadeo.
Prendre soin des soignants est un facteur de santé publique à ne pas négliger. Pour comprendre les difficultés actuelles du système de santé, en particulier le manque de soignants, l’état de santé de ceux qui sont en première ligne, leur bien-être au travail doit intéresser les décideurs mais aussi la population qui bénéficie de leurs soins.
Quelques signaux faibles pointant vers une dégradation de la situation sanitaire chez les soignants ont paru dans la presse sur les dernières années. Ainsi, un drame lors d’un accouchement mettait en lumière la question de l’addiction chez certains médecins. Une étude menée par l’IFOP avant l’épidémie de la COVID pour la Mutuelle du Médecin faisait ressortir quelques chiffres inquiétants : plus d’un praticien libéral sur deux se disait concerné par un risque cardio-vasculaire. 34% des généralistes se déclaraient insatisfaits de leur situation professionnelle (un chiffre au-dessus de la moyenne des Français qui se situait à 25%), et 15% des généralistes libéraux indiquaient avoir pris des antidépresseurs au cours des 5 dernières années.
La santé mentale des médecins libéraux s’est-elle dégradé avec la Covid ?
Une étude publiée dans la presse récemment s’est penché sur la question de l’impact de l’épidémie sur la santé mentale des médecins libéraux en France.
Le contexte avant l’épidémie était particulièrement tendu : manque d’effectifs, vieillissement de la population médicale, lourdeur de la charge administrative, attentes plus importantes de la population sur la santé, budget de la Sécurité Sociale contraint par l’ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance maladie). De nombreuses enquêtes ont révélé l’impact négatif sur la population générale de l’épidémie de Covid et les difficultés qu’elle a générées. Ciblant les médecins libéraux, l’étude a recueilli le ressenti de 1992 médecins libéraux en France. Les symptômes de souffrance psychologique sont mentionnés dans des proportions importantes. Ainsi, 46% disent souffrir d’insomnie, 59% de symptômes anxieux et 27% de symptômes dépressifs. Au cours de la dernière année, 31% déclaraient avoir pris des médicaments psychotropes et 28% avaient augmenté leur consommation de tabac ou d’alcool. Ces résultats recoupent d’autres donnéesrecueillies sur la France. En plus des facteurs cités plus haut, la violence à laquelle des médecins sont confrontés ajoute un poids de stress. L’observatoire de la sécurité des médecins recense un peu plus de 1000 déclarations d’incidents (1050) par an sur les dernières années. Un chiffre en hausse puisque la moyenne sur les années 2005-2015 s’établit à 757 (+38%).
Une opportunité pour améliorer la relation soignants-soignés ?
Quelques mesures ont été prises pour prendre en charge ce problème : un numéro vert a été mis en place par le Conseil National de l’Ordre des Médecins en 2018, et il existe quelques structures d’écoute et d’entraide. Il ne semble pas que ces dispositifs ont pu couvrir l’ensemble des besoins et des questions, amplifiés par l’épidémie de Covid. Les résultats de l’enquête citée ci-dessus l’attestent. Si les associations professionnelles et les pouvoirs publics doivent être en première ligne pour répondre à ce problème, il concerne l’ensemble de notre pays. L’attractivité des professions de santé est un enjeu fort dans le contexte actuel où le système de santé français est en surtension comme en témoignent les nombreux articles de la presse sur ce sujet. Sur les 4 dernières années, le solde entre les entrées et les sorties pour la profession de médecin est négatif à 7500, soit 3.5% des médecins en activité. Les réponses de type administratives, par exemple la question des statuts et des conditions d’exercice, ne peuvent suffire quand il s’agit de problèmes humains.
C’est en effet l’occasion d’élargir la réflexion sur la relation soignants-soignés et de ne pas l’enfermer dans une simple demande de prestation de santé, de consommateurs à producteurs. La fragilité mise en lumière dans ces études est commune aux soignés comme aux soignants. Le soin n’est pas un service banal, mais un lieu de relations humaines complexes où la compétence et la technique ne peuvent effacer le besoin de respect et d’écoute réciproques.
Avec son service d’écoute Thadeo à destination des soignants, Alliance VITA entend également apporter sa contribution pour un meilleur être des soignants.