Du vendredi 6 au dimanche 8 janvier, la Convention citoyenne sur la fin de vie s’est réunie pour sa troisième session, qui ouvre la phase de « délibération », après les deux premières sessions consacrées à « l’appropriation » en décembre ». Une délibération qui commence en abordant la question de l’aide active à mourir.
Après une première journée qui comprenait des ateliers en groupes et des échanges avec le Ministre Olivier Véran, les citoyens de la Convention ont assisté, dans la matinée du samedi 7 janvier, à une table ronde sur « l’aide active à mourir », expression qui désigne à la fois l’euthanasie et le suicide assisté. Les intervenants de cette table ronde étaient Jonathan Denis et Claire Fourcade, respectivement Président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) et Présidente de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP).
On peut s’étonner du choix des invités. Pour s’opposer à l’ADMD, en dehors du monde des soignants et accompagnants engagés dans les soins palliatifs, il existe aussi des citoyens opposés à l’euthanasie. Comme le souligne Tugdual Derville, porte-parole d’Alliance VITA, dans un tweet, « réduire l’opposition à l’euthanasie aux soins palliatifs est… réducteur. Non seulement bien d’autres spécialités médicales sont concernées, mais surtout la prévention du suicide (drame national) et de la désespérance concerne TOUS les citoyens. »
Les deux intervenants ont défendu deux visions opposées de la société. Le président de l’ADMD a plaidé pour une ouverture du « champ des possibles », c’est-à-dire une légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, au nom de la liberté, y compris pour les souffrances psychiques et pour les mineurs (à titre personnel). Aux antipodes, Claire Fourcade a défendu une société solidaire envers les personnes les plus fragiles, qui leur envoie le message « Vous comptez pour nous », ainsi que le rôle des soignants : « L’idée que la main qui soigne pourrait aussi être la main qui tue est quelque chose qui pour eux est tout à fait inenvisageable ». Sa lecture d’une « lettre ouverte à un patient », au début de la table ronde, a ému les citoyens. Elle a insisté sur le risque de perte de sens pour les soignants en cas de légalisation de l’euthanasie. Selon une enquête menée auprès d’acteurs des soins palliatifs, un tiers démissionnerait en cas d’évolution de la loi. Evoquant les jeunes soignants de son équipe, Claire Fourcade a plaidé pour qu’ils soient soutenus, accompagnés : « Ils ont besoin de savoir que ce qu’ils font au quotidien a du sens pour vous. » Des propos qui ont été applaudis par le public.
Une grande partie des questions des citoyens ont porté sur les risques de dérives et cas problématiques d’une légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté : dérives observées à l’étranger, euthanasie pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques, pour les mineurs, répercussion possible pour les personnes âgées qui feraient le choix de mourir plus tôt « pour ne pas déranger » …Un citoyen a pointé l’état catastrophique dans lequel se trouvent l’hôpital et les EHPAD aujourd’hui. « Est-ce que vous n’avez pas peur que la légalisation de l’euthanasie, dans ce contexte d’un monde médical qui apparaît au bord de la rupture, n’amène pas à des erreurs, à des dérives, à des négligences qui seraient absolument intolérables vu le sujet dont on parle ? »
Dans la matinée du troisième jour de cette session 3, était organisée une table ronde avec les « spiritualités non-religieuses », c’est-à-dire, pour les organisateurs de la Convention, les représentants de quatre obédiences maçonniques et deux philosophes, Monique Canto-Sperber et André Comte-Sponville. L’ensemble des invités étaient unanimement favorables à « l’aide active à mourir ». On peut tout de même s’étonner que le CESE ait choisi d’inviter, avec les Francs-Maçons, uniquement des philosophes dont les positions en faveur de l’euthanasie ou du suicide assisté sont bien connues. André Comte-Sponville est de surcroît membre du comité d’honneur de l’ADMD. Où sont donc passés les principes de neutralité et d’équilibre qui font pourtant partie de la feuille de route de la Convention Citoyenne ?
D’après des informations rapportées par La Croix et La Vie, un vote a été organisé à l’improviste à la fin de la session pour répondre à la question : « Êtes-vous, à ce stade, en faveur d’une évolution du cadre légal ? ». 105 votants sur 158 se sont exprimés pour, 13 contre, et 38 se sont abstenus. Là aussi, ce vote non prévu au programme interroge, alors que certains citoyens étaient partis et que la délibération commence tout juste. La Convention doit encore se réunir pendant six week-ends jusqu’au 19 mars. Ce vote, proposé par les organisateurs, ne risque-t-il pas de biaiser les prochains travaux ?
Néanmoins, ce vote ne dit rien de la direction dans laquelle le cadre légal doit évoluer, et l’on peut penser, au vu des questions posées lors des tables rondes, que les citoyens sont très divisés là-dessus. D’après le journal La Croix, parmi 77 propositions discutés le samedi, seules celles prônant une meilleure information sur la fin de vie et celles visant à développer l’offre de soins palliatifs font l’unanimité. Prochaine étape de la délibération : la session 4, prévue du vendredi 20 au dimanche 22 janvier.