Quelles sont les raisons et les motivations dans une demande d’euthanasie ?
Quelques études menées en milieu hospitalier sur les demandes d’euthanasie apportent un éclairage sur les raisons et les motivations des patients. Ces études ont permis d’estimer le faible nombre des demandes initiales formulées par des patients (entre 0.7 et 3%), ainsi que leur persistance encore plus faible (0.3% selon une des études).
La note d’analyse publiée cette semaine apporte des informations complémentaires sur les motifs de ces demandes ainsi que sur le contexte médical des patients.
Un contexte médical où la douleur demande un soutien psychologique
Dans l’étude datant de 2012 menée par Ferrand, parmi les 476 demandes d’accélération de la mort exprimées par des patients, beaucoup (82.4%) ont vu soit un psychologue soit un psychiatre. Et selon les soignants, 13,9% des patients qui demandent d’accélérer la mort, souffrent d’un syndrome dépressif en cours. L’étude note d’ailleurs que ces situations peuvent « laisser des doutes sur la capacité à prendre des décisions importantes sur la fin de vie ».
Des perceptions différentes entre patients, soignants et proches
Lorsque la demande est exprimée par le patient, Les symptômes cliniques principaux (>40%) sont la souffrance physique contrôlée (55,3%), les difficultés d’alimentation (54,6%), les difficultés motrices (46%). 5% souffrent de manière incontrôlée.
Les trois principaux motifs de demandes d’accélération de la mort chez les patients sont liés à la perception de leur image et de la qualité de leur vie relationnelle :
- Culpabilité d’être un fardeau pour sa famille et ses amis
- Peur de présenter une image intolérable de soi-même
- Vie inutile
L’étude fait ressortir des différences notables selon que la demande d’accélération est exprimée par des patients, des soignants ou par des proches du patient :
- Les troubles cognitifs et de communication sont davantage (respectivement 5 et 4 fois plus) mentionnés par les proches et le personnel médical que par les patients ainsi que les difficultés d’excrétion (2 fois plus) et les difficultés d’alimentation (1,5 fois plus).
- La douleur incontrôlée est peu citée par les patients (5%). Elle n’est pas perçue de la même manière par les proches ou les soignants. Ces derniers ne la mentionnent pas du tout.
Approche nouvelle basée sur des entretiens directs qui donnent la parole aux patients qui font une demande d’euthanasie
Une étude récente menée en Bourgogne Franche Comté et publiée cette année a interrogé uniquement des patients faisant une demande d’accélération de la mort. A partir des 15 entretiens menés, cette étude confirme des résultats précédents.
Ainsi, les motifs invoqués sont d’une part la douleur physique après des épisodes aigus des maladies, d’autre part un appel des patients à reconnaitre une souffrance existentielle qu’ils jugent insupportable. Cette catégorie inclut :
- La détresse psychologique de voir son corps et ses fonctions se détériorer, la perte de contrôle de sa vie.
- Les sentiments de solitude liés à la désespérance qu’ils ne peuvent pas partager, un sentiment d’inutilité auprès des autres, la difficulté à communiquer…
- L’angoisse projective de souffrir dans le futur juste avant la mort notamment en faisant référence à des épisodes traumatiques vécus par des proches souffrant à l’approche de leur fin de vie.
L’étude a aussi fait ressortir d’autres motivations :
- Le souhait d’équilibrer et investir la relation avec l’équipe des soignants. Les patients ont exprimé avoir vu un changement d’attitude du personnel soignant après avoir exprimé une demande d’euthanasie et se sont sentis rassurés par la capacité des soignants à gérer la souffrance physique et les symptômes.
- Une réaffirmation de leur liberté par rapport aux contraintes médicales.
- Une capacité à imaginer pour soi-même un futur désirable.
- Le test de la possibilité de transgresser l’interdit de l’euthanasie.
L’étude conclut que l’adoption d’une attitude d’écoute des unités de soins palliatifs face à ces demandes permet de créer un espace de discussion à même de favoriser l’interaction avec le patient au lieu de répondre à cette demande d’euthanasie par une solution irréversible.
La prise en charge des impacts psychologiques de situations douloureuses vécues par des patients en soins palliatifs reste un axe important pour leur assurer une meilleure qualité de vie jusqu’à la fin de leur vie.
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