Filiation et libre circulation en Europe : vigilance

16/12/2022

Filiation et libre circulation en Europe : vigilance

La Commission européenne a initié en 2020 une procédure de proposition de règlement (initiative) visant « à ce que la parentalité, telle qu’établie dans un pays de l’Union européenne (UE), soit reconnue dans toute l’UE de manière à ce que les droits des enfants soient maintenus dans des situations transfrontières, en particulier lorsque leur famille voyage ou se déplace à l’intérieur de l’UE. » La Commission dans sa consultation des associations et des citoyens précise que l’initiative ne vise pas à harmoniser les législations nationales relatives à l’établissement de la parentalité.

En effet l’établissement de la filiation est de la compétence nationale de chaque état. Cependant une récente décision de la Cour européenne de justice pourrait sembler contourner quelque peu cette approche au nom de la liberté de circulation au sein de l’UE, sans pour autant imposer à un Etat membre la reconnaissance de filiation qu’il n’entend pas établir.

Ce jugement concerne une affaire relative à un différend concernant deux femmes mariées selon la loi espagnole -l’une bulgare et l’autre résidente de Gibraltar – et un enfant né en Espagne, pays qui a établi l’acte de naissance les inscrivant comme deux mères. Selon la loi espagnole, un enfant ne peut obtenir la nationalité de ce pays si aucun des parents n’est espagnol. En revanche la loi bulgare octroie de facto la nationalité bulgare si l’un des parents est de nationalité bulgare.

Mais la Bulgarie ne reconnaissant pas les mariages de personnes de même sexe,  son administration n’a pas pu transcrire l’acte de naissance lors de la demande de papiers d’identité. D’où la difficulté d’établir des papiers d’identité pour l’enfant. Dans sa décision, la Cour a enjoint les autorités bulgares « à délivrer une carte d’identité ou un passeport bulgare, indiquant son nom patronymique tel qu’il résulte de l’acte de naissance établi par les autorités espagnoles, indépendamment de l’établissement d’un nouvel acte de naissance ».

La Cour a précisé qu’un tel document, seul ou associé à un document délivré par l’État membre d’accueil, doit permettre à « un enfant d’exercer son droit de libre circulation, avec chacune de ses deux mères, dont le statut de parents de cet enfant a été établi par l’État membre d’accueil » se référant à la directive  relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

Il en ressort que si des différences d’attribution de la filiation existent entre Etats membres, il demeure essentiel que les litiges soient appréciés au cas par cas.

Alliance VITA a émis un avis en réponse à la consultation de la Commission européenne qui met en garde sur une systématisation des reconnaissances de filiations au sein de l’UE en maintenant le principe de subsidiarité des états en la matière. Une telle procédure pourraient mettre en danger les enfants eux-mêmes dans un contexte tendu de croissance d’un « marché de la procréation » et de risque de trafic d’êtres humains.

« Il importe en outre de prêter une attention particulière aux graves dangers que comporte la pratique de la gestation pour autrui (GPA, ou maternité de substitution) sur le plan de l’intérêt supérieur de l’enfant et des droits fondamentaux de la femme, s’agissant en particulier de son exploitation.

L’imposition d’une reconnaissance systématique de la parentalité issue d’une GPA par l’UE vis-à-vis d’un État membre, que cette parentalité ait été initialement reconnue dans un autre État membre ou dans un pays tiers, conduirait à ce que la GPA se voit de facto encouragée et juridiquement acceptée, en dépit des graves atteintes aux droits fondamentaux qu’implique cette pratique ».

Le 7 décembre 2022, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement en matière de reconnaissance de filiation entre les Etats membres. Uniquement en anglais, le texte va être publié dans les différentes langues de l’Union européenne sous peu. Plusieurs éléments doivent être questionnés.

  • L’intitulé de ce règlement fait référence à la parentalité qui n’est pas un élément juridique au lieu d’utiliser l’expression de filiation.
  • Obligation serait faite aux pays de l’Union de reconnaître des filiations établies à l’étranger, y compris pour des pratiques interdites dans la plupart des états membres comme la gestation par autrui. Si la régulation n’entend pas intervenir dans les législations nationales, elle impose clairement les effets de pratiques prohibées.
  • L’établissement d’un certificat européen de « parentalité » affaiblirait les états notamment en matière de lutte contre le trafic des êtres humains.

 

Une analyse approfondie va être conduite par Alliance VITA et transmise à la Commission avant le 8 février 2023.

Pour aboutir, ce type de régulation nécessite d’être approuvée par le Parlement européen et un vote à l’unanimité au Conseil européen (art. 81-3- Traité du fonctionnement de l’Union européenne). Le prétexte de la liberté de mouvement au sein de l’Union européenne ne doit pas masquer l’ingérence qu’elle constituerait pour les Etats en matière de filiation et de sécurisation des droits de l’enfant.

 

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