Extension continue de l’euthanasie au Canada et au Québec
Après avoir étendu l’accès à l’euthanasie aux personnes dont la mort naturelle n’est pas « raisonnablement prévisible » à peine 5 ans après la première loi votée en 2016, le Canada entend organiser son accès aux personnes ayant une maladie mentale à partir du 17 mars 2023.
L’euthanasie, désignée par l’expression d’« aide médicale à mourir » (AMM, MAiD en anglais) dans la loi canadienne, a été ouverte en mars 2021 à toute personne atteinte d’une affection grave et incurable et qui souhaite mourir. Depuis lors les médias rapportent des cas troublants d’euthanasie alors que des personnes handicapées ou malades souhaiteraient continuer à vivre.
Ce sont notamment des personnes en situation de précarité ou privées de prise en charge adéquate qui sont conduites à ces demandes, sans autres options comme le décrit un article récent.
Cette inflation de demandes d’euthanasie est saisissante. A titre de comparaison, en Californie, Etat démographiquement comparable au Canada (40 millions d’habitants) et qui a également légalisé le suicide assisté en 2016, 486 personnes sont décédées par suicide assisté en 2021 quand la même année 10 064 personnes sont décédés par « AMM » au Canada, soit 3,3% des décès.
Controverses sur l’évolution de la loi sur l’euthanasie au Québec
Le Québec n’a pas encore transposé l’évolution de la loi fédérale canadienne : un projet de loi devrait être présenté prochainement. Un premier projet (C-38) proposé en mai 2022 a fait l’objet de fortes controverses. Outre la transposition de la loi fédérale, Il prévoyait également d’autoriser une demande anticipée à mourir « aux personnes atteintes d’une maladie grave et incurable menant à l’inaptitude ». Cela concernerait notamment des personnes atteintes d’Alzheimer, de démence, de Parkinson dans certains cas. Des associations se sont élevées contre l’absence de débat sur cette question.
Euthanasie et maladie mentale
Au niveau fédéral, la loi de 2021 avait exclu la maladie mentale jusqu’au 17 mars 2023 afin de donner au gouvernement le temps d’évaluer les conditions de proposition d’euthanasie ou suicide assisté qui assurent assez de sécurité. La loi exigeait que les ministres de la Justice et de la Santé réunissent un groupe d’experts « chargé d’examiner les protocoles, les orientations et les mesures de sauvegarde relatives à l’AMM dans le cas de personnes atteintes d’une maladie mentale ». Ce groupe de travail a formulé des recommandations d’ordre réglementaire dans un rapport au printemps 2022.
Selon les experts, « Bien qu’il existe une forte association entre le décès par suicide et la présence d’un trouble mental diagnostiqué, la grande majorité des personnes atteintes de troubles mentaux ne se suicident pas (…). Dans toute situation où les tendances suicidaires constituent une préoccupation, le clinicien doit adopter trois perspectives complémentaires : tenir compte de la capacité de la personne à donner son consentement éclairé ou à refuser les soins, déterminer si les interventions de prévention du suicide – y compris involontaires – doivent être déclenchées, et proposer d’autres types d’interventions qui pourraient aider la personne. »
Ces distinctions risquent d’être difficiles à évaluer. Et comme le note une journaliste analysant l’impact de la loi et de ses extensions sur la prévention du suicide « Qui bénéficie de la prévention du suicide et qui bénéficie de la facilitation du suicide ? Si la mort est exécutée sur la base du consentement momentané de quelqu’un, alors où en est la légitimité de tenter de dissuader une personne en détresse ?»
Les extensions des conditions de recours à l’euthanasie observées au Canada montrent comment les promesses d’un encadrement strict de cette pratique se sont avérées intenables. Réalité cruciale à prendre en compte dans le débat qui s’ouvre en France sur une éventuelle évolution de la loi.
Voir toutes nos publications sur l’euthanasie et le suicide assisté.