Mobilisation “anti-spéciste” le 27 août : une idéologie ambigüe
Sous l’impulsion en 2015 d’une association suisse, Ecologie et Altruisme, une “journée mondiale pour la fin du spécisme” a lieu le dernier samedi du mois d’août dans plusieurs pays dont la France. Cette initiative privée rassemble des militants anti-spécistes. L’an dernier, l’association d’origine américaine PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) avait lancé à cette occasion une campagne d’une centaine d’affiches dans Paris.
Sur une photographie d’animaux d’élevage en format portrait de groupe, les passants pouvaient lire le slogan #NonAuSpécisme : Nous aussi ressentons la douleur, l’amour, la joie et la peur. Vivez végan.
La capacité de sentir, premier critère moral dans l’antispécisme
Néologisme forgé en 1970 par Richard Ryder, psychologue impliqué dans la protection animale, le mot spécisme entend à la fois désigner et dénoncer une approche qui fonde les droits et la morale sur la distinction entre espèces, en particulier la distinction entre les humains et les animaux. A la vision anthropocentrique, l’antispécisme entend opposer un “pathocentrisme” (“painism” selon l’expression forgée par R Ryder).
Le statut moral, le fait d’être pris en compte dans les considérations éthiques, découle de la capacité de sentir et souffrir, la sentience, mot clé dans l’approche antispéciste. Là est le critère fondamental de cette approche, la ligne de démarcation éthique, exprimée déjà au XVIII° siècle par Jeremy Bentham (voir notre précédent article sur le sujet du « droit des animaux »).
L’antispécisme s’inscrit donc dans une approche individualiste. C’est sur la base de sa capacité à sentir que s’établit un « droit » pour l’être en question, animal ou humain. La différence de traitement entre un humain et un animal, si elle n’est pas justifiée par d’autres critères, est alors dénoncée comme une discrimination et une exploitation. Des sites antispécistes présentent ainsi leur cause comme la suite logique des luttes sociales contre le racisme et le sexisme, avec comme but ultime la libération animale, titre d’un livre de Peter Singer paru en 1975.
Diminuer la quantité de souffrance : l’antispécisme est un utilitarisme.
L’antispécisme s’inscrit dans la lignée des morales utilitaristes. Selon elles, est éthique ce qui maximise le bien-être collectif. Et ce bien-être collectif est défini à partir de la somme de bien-être des individus. L’antispécisme étend la recherche du bien-être collectif maximal à tous les êtres vivants qui ressentent la douleur, désignés comme les individus sentients. Partant du postulat que “nous sommes tous égaux devant le ressenti de la souffrance et voulons vivre une vie heureuse”, l’objectif des associations “antispécistes” sera la diminution de la quantité de souffrance des espèces animales, par l’arrêt des expérimentations scientifiques sur les animaux, l’arrêt de la consommation de viande…
Mais cette notion de “quantité de souffrance” masque des difficultés à la fois théoriques et pratiques. En effet, comment mesurer la souffrance d’êtres vivants sur une échelle unique qui permet de s’assurer que la quantité est bien minimisée puisque c’est l’objectif affiché? Peut-on mesurer la douleur de la poule, et la comparer à celle du mouton ?
Plus encore, l’approche antispéciste masque dans ses affirmations des anthropomorphismes qui ruinent l’apparente évidence de leurs slogans. Dans celui cité plus haut, un amalgame se glisse entre le ressenti de la douleur, une notion qui a un sens biologique, et l’amour ou la joie. L’amour ressenti par le cochon ou la vache, qu’est-ce que cela veut dire ?
L’anthropocentrisme : une responsabilité pour l’ensemble de la terre.
L’animal n’est pas une simple machine dotée de mouvement, et il est légitime et juste de dénoncer des abus d’exploitation et des maltraitances. Des progrès immenses restent à faire dans ce domaine. Mais plutôt que de projeter sur les animaux des notions humaines, un anthropocentrisme fécond voit l’humain comme responsable de l’ensemble de l’éco-système de la terre, l’ensemble de la création. Les dinosaures ne se sont pas préoccupés de leur extinction, l’actualité nous montre que les hommes peuvent porter le souci de l’ensemble du vivant.
Dans une approche d’écologie humaine, si l’être humain est au sommet du vivant, il en est aussi au cœur, pour porter la préoccupation des plus fragiles de ses semblables et la protection de son environnement.
L’antispécisme, comme idéologie qui remet en cause la dignité supérieure de l’être humain, finit par se retourner contre l’homme lui-même.
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