Hiver démographique ou surpopulation ? L’ONU publie ses nouvelles projections

19/07/2022

Hiver démographique ou surpopulation ? L’ONU publie ses nouvelles projections

 

Dans un rapport publié début juillet, l’ONU met à jour ses projections démographiques pour le monde. Ce rapport est la vingt septième édition des estimations officielles et des projections publiées par l’ONU depuis 1951. Le rapport comporte trois grands volets :

  • Une description des tendances démographiques depuis 1950 et les projections les plus probables d’ici 2050,
  • Une évaluation des principaux facteurs de la démographie -fertilité, mortalité, immigration -,
  • Des projections démographiques sur 2100 associées à des probabilités.

 

Le cap des 8 milliards d’habitants sera atteint le 15 novembre 2022, et la croissance de la population ralentit.

Selon ce rapport, la population mondiale devrait atteindre 8 milliards le 15 novembre prochain. Selon les termes des auteurs , « les dernières projections suggèrent que la population mondiale pourrait croître à 8.5 Mds en 2030, 9.7 Mds en 2050 et 10.4 Mds en 2100 ». En 2020, la croissance de la population est passée sous la barre de 1% pour la première fois depuis 1950.

Les deux grands facteurs expliquant les tendances démographiques – la fécondité et la mortalité – font l’objet de projections. Ainsi, l’espérance de vie à la naissance n’a cessé d’augmenter, passant à 72.9 ans en 2019, une hausse de presque 9 ans comparé à 1990. L’espérance de vie serait de 77.2 ans en moyenne en 2050. L’espérance de vie à la naissance reste plus élevée, quelles que soient les régions, pour les femmes.

En moyenne, leur espérance dépasse celle des hommes de 5.4 années. L’indice de fécondité est estimé à 2.3 naissances par femme en 2021, une forte baisse comparée à son niveau de 5 en 1950. Il pourrait se situer à 2.1 en 2050. Les tendances démographiques actuelles expliquent la projection pour 2050. Selon le rapport, les politiques mises en œuvre dans certains pays pour réduire l’indice de fécondité impacteront davantage la seconde partie du 21° siècle.

 

Les tendances démographiques différent fortement en fonction des régions.

L’Asie, au total, est la région la plus peuplée, avec 4.4 milliards d’habitants soit 55% de la population. La Chine et l’Inde sont bien sûr les deux pays les plus peuplés. La population de l’Inde devrait dépasser celle de la Chine dès 2023. La moitié au moins de la hausse attendue d’ici 2050 devrait se concentrer sur 8 pays : la République Démocratique du Congo (RDC), l’Egypte, l’Ethiopie, l’Inde, le Nigéria, le Pakistan, les Philippines et la Tanzanie.

Le rapport indique que l’Europe et l’Amérique du Nord verraient leur population décliner à partir de la fin des années 2030. La population chinoise devrait entamer sa baisse dès 2023. Le revirement de la politique chinoise, avec un soutien annoncé pour un troisième enfant en mai 2021, ne suffira sans doute pas à enrayer le vieillissement enclenché par des années de politique coercitive imposant une faible natalité.

Au total, 61 pays devraient être touchés par une baisse de leur population d’ici 2050, avec parfois des pourcentages élevés. Ainsi la Bulgarie, la Lituanie ou la Serbie, entre autres, verraient leur population décroître de plus de 20%.

L’hiver démographique, une réalité pour l’Occident

Pour ces pays, l’expression crash ou hiver démographique semble confirmée par les projections de l’ONU. Ce terme implique qu’à la fin de la transiteion démographique, la fécondité ne se stabilise pas au niveau du taux de mortalité mais poursuit sa décroissance, ce qui accentue le vieillissement de la population puis sa diminution. Le rapport prévoit que les plus de 65 ans représenteront 16% de la population mondiale contre 10% aujourd’hui, et qu’en 2050, ce groupe de personnes sera deux fois plus nombreux que les enfants âgés de moins de 5 ans.

Des personnalités diverses ont abordé le sujet de l’hiver démographique. Le Pape François s’est inquiété à plusieurs reprises de ce phénomène, et plus récemment, Elon Musk. Le multimilliardaire a twitté au printemps dernier que « l’effondrement du taux de natalité est de loin le plus grand danger auquel la civilisation est confrontée ». L’homme le plus riche de la planète estime « faire sa part » puisqu’il est père de neuf enfants, selon les dernières informations connues.

Son ancienne compagne, la chanteuse Grimes, a fait appel à une mère porteuse pour leur deuxième enfant née en décembre dernier, quelques semaines après la naissance d’une paire de jumeaux qu’Elon Musk a eue avec une de ses employés, Shivon Zillis. Une approche de la paternité pour le moins fragmentée.

2100, des projections incertaines

Le rapport fournit enfin des projections pour 2100, tout en soulignant l’incertitude inhérente à ce type de travail. En définitive, le rapport fournit un scénario central où la population mondiale se situe entre 8.9 et 12.4 milliards d’habitants. Le rapport cite les scénarios de l’IHME (Institute of Health Metrics and Evaluation) un Institut en partie financé par la Fondation Bill et Melinda Gates, publié en 2020, qui voit un pic de population en 2064 à 9.7 milliards avec un déclin ensuite à 8.8 milliards (dans une plage de variation comprise entre 6.8 et 11.8 milliards).

La différence de projections réside essentiellement dans l’estimation de l’indice de fécondité: 1.66 pour l’IHME et 1.84 pour l’ONU. Ce type d’exercice est notoirement délicat : en 1992, un rapport de l’ONU projetait une population de 10 milliards en 2050 (scénario central).

Ces écarts significatifs incitent à la prudence quant aux projections annoncées. Les autorités publiques des pays ont tout intérêt à se montrer circonspectes face aux appels du rapport à faire baisser la fécondité dans les régions à taux élevé. Une vision quantitative, aux accents malthusiens, transparait parfois dans le rapport quand il aborde les sujets de croissance ou de développement durable.

Il est intéressant de noter que des voix différentes s’élèvent face à cette approche. Ainsi, dans une interview au JDD, le démographe Christophe Guilmoto estime que « le véritable danger ne se situe pas dans notre accroissement, mais dans nos modes de vie », car  « la particularité de l’empreinte carbone des pays pauvres qui ont la croissance démographique la plus importante, c’est qu’elle ne correspond pas à leur poids démographique, puisque ce sont eux qui polluent le moins ».

Et plus profondément encore, l’humaniste Jean Bodin le soulignait dès le XVI° siècle : il n’est de richesse que d’hommes.

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