L’avortement dans la Constitution ?
En réaction à la décision de la Cour suprême américaine sur l’avortement, des politiques et des militants souhaitent inscrire un droit à l’avortement dans la constitution française, une procédure complexe qui ne fait pas consensus.
Des propositions de loi en cours
Quatre propositions de loi ont été annoncées par divers partis : elles visent à inscrire le droit à l’avortement dans la constitution française. A l’Assemblée, le groupe Renaissance (ex LREM) a déposé une proposition qui n’est pas encore publiée dans la mesure où les instances ne sont pas encore en place, notamment la commission de recevabilité. Au Sénat, le groupe communiste a déposé une proposition ainsi que les socialistes. Actuellement le groupe La France Insoumise de l’Assemblée a également fait des annonces en ce sens.
Comme l’ont fait remarquer plusieurs juristes, la situation américaine est non transposable à la France. La juriste Anne- Marie Le Pourhiet interrogée par Marianne fait remarquer que « nous sommes un pays de tradition légicentriste er républicaine où c’est le parlement, représentant de la nation, qui fait le droit et non le juge (…) le Conseil constitutionnel a toujours validé , jusqu’à présent, tant l’extension du délai de recours à l’IVG que la suppression, pourtant discutable, de la condition de détresse».
Modifier la constitution : une procédure complexe
L’article 89 de la Constitution du 4 octobre 1958 fixe les règles de révision de la Constitution.
La procédure prévue par l’article 89 présente la caractéristique de requérir l’existence d’un consensus au sein de l’exécutif (gouvernement) et l’accord des deux assemblées (assemblée nationale et sénat). L’opposition du Président de la République, du Premier ministre ou de l’une des deux assemblées suffirait, en effet, à empêcher la révision d’aboutir.
La révision de la Constitution peut avoir lieu soit à l’initiative du Président de la République, il s’agit d’un projet de loi, soit à l’initiative du Parlement, il s’agit d’une proposition de loi.
1ére étape : adoption d’un texte commun
Dans ce domaine, les deux assemblées parlementaires disposent des mêmes pouvoirs, ce qui implique que le projet ou la proposition de loi constitutionnelle soit voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat ; contrairement aux autres lois, qui peuvent faire l’objet d’une commission mixte paritaire.
2ème étape : adoption définitive
Le texte est définitivement adopté soit par référendum (procédé utilisé une fois seulement lors de la révision constitutionnelle de 2000 visant à réduire à cinq ans le mandat du Président de la République), soit par un vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès à Versailles.
Dans l’état actuel de la composition de l’Assemblée et du Sénat, il semble difficile d’aboutir à l’adoption d’un texte commun. Si c’était le cas, la seconde étape est également à haut risque de ne pas aboutir.
Un consensus loin d’être acquis
François Bayrou, président du groupe modem, allié du parti majoritaire est l’un des premiers à sortir de l’unanimisme ambiant en déclarant : « Franchement, dans l’état où le pays se trouve, avec toutes les questions que nous avons devant, est-ce qu’il est bon et utile de faire ça ? Alors qu’aucun parti politique ne remet en cause la loi Veil et ce qu’elle est devenue par les évolutions différentes, je ne suis pas pour qu’on décalque la vie politique américaine.» Le président du Sénat Gérard Larcher quant à lui a mis en garde : « attention aux lois de pulsion ».
L’ancien garde des Sceaux macroniste Jean Jacques Urvoas, s’inquiètait également sur twitter le 24 juin dernier : « L’emballement n’est pas nécessairement de bon conseil. Est-il donc indispensable de se précipiter pour inscrire dans la Constitution des remèdes aux maux de la société américaine ? »
La démarche a assurément des allures de test des « majorités d’action » comme l’ont fait remarquer plusieurs observateurs, qu’elle aboutisse ou pas.
Même si la portée est avant tout symbolique, c’est une fuite en avant supplémentaire vers toujours plus de banalisation de l’avortement au détriment d’un véritable examen des causes, des conditions et des conséquences de l’avortement.
Pour Alliance VITA, il est temps de débattre de véritables politiques de prévention.
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