La loi bioéthique d’aout 2021 a introduit de nombreuses modifications dans le domaine de l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP). Désormais, l’accès à l’AMP n’est plus relié à la condition médicalement constatée d’infertilité. Les femmes seules ou en couples de femmes peuvent demander à bénéficier d’un don de sperme ou d’embryon. L’autoconservation des gamètes (sperme et ovocytes) est ouverte à tous, sans raison médicale. Désormais, les enfants nés de don anonyme auront accès à des informations sur leur donneur. Un comité national de suivi de son application a été mis en place par l’Agence de la biomédecine. Le 16 mai 2022 s’est tenue leur troisième réunion à l’issue de laquelle il a communiqué les premiers chiffres montrant l’impact de la loi. Ces données sont basées sur une enquête menée dans les centres autorisés à l’activité de don de spermatozoïdes sur 3 mois, entre le 1er janvier et le 31 mars 2022.
Concernant la PMA et les femmes seules et aux couples de femmes
Il y a eu 5126 demandes de consultation pour don de sperme par 47% de couples de femmes et 53% de femmes seules. 53 tentatives d’AMP avec don de spermatozoïdes ont été réalisées au bénéfice de ces nouveaux publics. Le délai moyen d’attente est de 15 mois environ. Les règles d’attribution viennent d’être clarifiées par décret. Celle-ci se fait dans l’ordre chronologique d’arrivée des demandes validées. Il est précisé dans ce décret que certains critères ne peuvent exclure, prioriser ou restreindre l’accès au don, par exemple : le fait d’être marié ou non, d’avoir déjà des enfants ou non, l’orientation sexuelle du ou des demandeurs.
Sur l’année 2019, les données de l’ABM montrent qu’il y a eu 409 naissances par don d’ovocyte (pour 2100 tentatives), 987 par don de sperme (pour 4814 tentatives) et 37 par don d’embryon (pour 151 tentatives) au sein de couples composés d’un homme et d’une femme, en âge de procréer et souffrant d’une infertilité médicalement constatée.
Par ailleurs, chaque couple ou femme seule peut choisir l’option « appariement » ou non. Entendre par là une demande de sélection de gamètes ou d’embryons selon des critères physiques tels que la couleur de la peau, des yeux, des cheveux. Cet appariement, précise le décret, est réalisé dans la mesure du possible à la demande de chaque bénéficiaire.
Concernant l’autoconservation des ovocytes et du sperme sans raisons médicales
La mise en banque de ses ovocytes constitue un processus complexe, lourd (stimulation ovarienne, ponction sous anesthésie générale) non dénué d’effets secondaires et n’assurant pas la garantie d’une maternité ultérieure. 2553 femmes ont déjà fait une demande de consultation en seulement 3 mois contre seulement 47 hommes.
Concernant le droit aux origines
A compter de septembre 2022, à leur majorité, les enfants nés de dons anonymes auront le droit d’accéder à l’identité du donneur à leur majorité, ainsi qu’à des données non identifiantes (âge, situation familiale et professionnelle au moment du don, motivations du don) des donneurs de gamètes ou d’embryons à l’origine de leur vie. Un registre national est en cours de création. Il sera aussi géré par l’Agence de la biomédecine. Pour toutes les personnes qui ont procédé à un don avant le changement de la loi, en pensant que leur anonymat serait protégé à vie, ils peuvent se manifester pour donner leur accord pour la transmission de toutes ces données aux enfants qui en feront leur demande. S’ils ne le font pas (par ignorance de ce changement de cadre législatif ou par souhait de rester anonymes) leurs données ne seront pas communiquées aux personnes nées de leur don et les gamètes éventuellement restant en stock seront détruits.
Tout au long du processus législatif, Alliance VITA n’a eu de cesse d’expliquer les enjeux sanitaires, éthiques et juridiques au regard de ces basculements majeurs.
Dès avant la modification de la loi qui réservait l’accès de la PMA aux personnes confrontées à une infertilité médicalement constatée, Il y avait plus de demandes d’accès aux dons que de donneurs.
La rareté des donneurs témoigne qu’il n’est pas si simple de procéder à des dons de gamètes, car en transmettant une part de son patrimoine génétique c’est sa paternité ou sa maternité potentielle qui est en jeu.
C’est pourquoi Alliance VITA a plaidé pour de véritables recherches sur les causes de l’infertilité, notamment comportementales et environnementales, et sa prévention ainsi que pour une recherche active sur la restauration de la fertilité proprement dite, pour limiter le recours à la PMA et en particulier la PMA avec donneurs.
Aujourd’hui, Il y a donc, et c’était prévisible, une pression exercée pour que des centres à but lucratif voient le jour. Avec derrière, un réel risque de basculer dans un marché de la procréation, déjà à l’œuvre dans d’autres pays.
L’ouverture à l’autoconservation des ovocytes est un procédé qui crée et instrumentalise l’anxiété des femmes à ne pas pouvoir avoir d’enfant, tout en les encourageant à repousser à plus tard leur grossesse, instituant ainsi une perte de chance. Le passage par la FIV étant rendu indispensable, leur faible taux de succès se voit en plus aggravé lorsque l’âge avance. Cette fausse « assurance maternité » crée en réalité un nouveau marché sur le ventre des femmes.
Enfin, il convient de rappeler que notre pays a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant. Un texte à valeur juridique internationale et contraignant – supérieur aux lois nationales – qui dispose le droit pour tout enfant, dès sa naissance, à un nom, une nationalité et, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux. Cette PMA dite « pour toutes » qui organise la conception d’un enfant d’une manière qui fait volontairement disparaitre le père en lui permettant un simple accès à « l’identité » de son « géniteur » et seulement à sa majorité rentre en contradiction avec ce droit international, ratifié par la France, qui vise à protéger les enfants.
Pour aller plus loin :
PJL bioéthique : Décryptage après la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale
Plus qu’un don de gamète, une hérédité
Congeler ses ovocytes ? On n’épargne pas sa vie…
Connaître ses origines