Les amyotrophies spinales sont un groupe de maladies neuromusculaires rares d’origines génétiques. Elles se caractérisent par une dégénérescence et une perte de motoneurones, conduisant à une faiblesse musculaire. Evolutives et invalidantes, elles font partie des maladies neuromusculaires rares dont la cause génétique est parfaitement identifiée, contrairement à d’autres. Lorsque des symptômes évocateurs sont relevés, le diagnostic de la maladie se pose par une analyse d’ADN sur une prise de sang. La prévalence est estimée à environ 1 à 3 sur 30 000. Leur gravité et leur évolution sont variables d’une forme à l’autre et d’une personne à l’autre. Quatre formes ont été décrites selon l’âge d’apparition et la sévérité de la maladie : le type I, forme la plus sévère, débute avant l’âge de 6 mois ; le type II débute entre l’âge de 6 et 18 mois ; le type III débute dans l’enfance ou l’adolescence ; le type IV, forme la moins sévère, débute à l’âge adulte. Les formes les plus graves sont celles qui touchent le très jeune enfant, elles peuvent engager le pronostic vital en quelques années. Plus le dépistage est précoce, plus les chances de survie et d’amélioration des conditions de vie sont grandes. L’idéal, en termes de stratégie thérapeutique, étant de pouvoir agir avant l’apparition des premiers symptômes.
Cette maladie ne fait pas partie du dépistage néonatal généralisé en France. Actuellement, six maladies comme la phénylcétonurie, hypothyroïdie congénitale, hyperplasie congénitale des surrénales, mucoviscidose, drépanocytose… font l’objet d’un dépistage chez les nouveau-nés. Il consiste à prélever une goutte de sang pour chercher s’il contient des éléments inhabituels, évocateurs d’une de ces maladies. En cas de doute, la confirmation sera recherchée par un test génétique en tant que tel, à savoir l’analyse de l’ADN pour y détecter la présence d’un gène ou d’une mutation. Actuellement, la recherche explicite d’une maladie génétique chez un nouveau-né n’est possible que dans des cas particuliers, lorsqu’il y a par exemple suspicion d’une maladie héréditaire.
Une étude pilote nommée Depisma va déployer un dépistage génétique systématique de l’amyotrophie spinale dans deux régions, le Grand Est et la Nouvelle-Aquitaine, pendant deux ans. « On va tester des centaines de milliers de bébés et, d’après nos estimations, en détecter 32 atteints d’amyotrophie spinale », précise Vincent Laugel, neuropédiatre au CHU de Strasbourg. Ces enfants pourront alors bénéficier d’un traitement précoce pour espérer réduire considérablement l’impact de la maladie.
Généraliser le dépistage génétique d’une maladie aux nouveau-nés est une nouveauté rendue possible par un amendement de la loi de bioéthique, adoptée en août 2021. Un nouvel article précise que les modalités d’organisation du dépistage néonatal (incluant les examens des caractéristiques génétiques) et la liste des maladies sur lesquelles il porte sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de la Haute Autorité de santé et de l’Agence de la biomédecine. Il s’agit d’une évolution notable qui n’est pas sans soulever des questions éthiques si le dépistage allait de plus en plus loin et pour tous. Dans le cas présent, la recherche portera seulement sur les mutations d’un gène précis. Et la maladie concernée dispose de traitements existants. Il s’agit donc d’un progrès thérapeutique concret qui accompagne un progrès des connaissances et techniques génétiques.
Mais dans le futur, pourquoi ne pas élargir de plus en plus l’enquête, et surtout au fur et à mesure de l’avancée des connaissances, à d’autres gènes ou mutations ? Que faire si on détecte une anomalie en l’absence de tout traitement ? Comment accueillir l’annonce d’une prédisposition génétique à telle ou telle maladie, survenant plus tard. Y a-t-il un « droit de ne pas savoir » ?
Les progrès en diagnostics génétiques ne peuvent faire l’économie de réflexions éthiques approfondies, autour de l’annonce, de la protection des données médicales mais aussi et surtout pour se prémunir de toute dérive eugénique et éviter de tomber dans des décisions qui ne seraient pas un progrès contre les maladies, mais une victoire de la sélection. Un risque d’euthanasie s’ajoute à celui de l’eugénisme. Certains de ses plus fervents promoteurs comme l’ancien député Jean-Louis Touraine a toujours assumé vouloir « procéder par étapes, d’abord questionner les adultes en capacité de donner un avis, puis envisager ultérieurement le cas des grands prématurés, par exemple. »
Pour aller plus loin :
Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) vient de publier son avis 138 intitulé « l’eugénisme : de quoi parle-t-on ? » ce 16 février 2022.
La médecine prédictive – Dr Xavier Mirabel, Université de la vie 2015 – Le corps, de la vie à la mort.
L’eugénisme, aujourd’hui – Blanche Streb, Université de la vie 2019 – La vie, à quel prix ?