Dans une réforme votée en mars dernier et prenant effet début juin, le royaume de Belgique a dépénalisé la prostitution. Se présentant comme le premier pays à le faire en Europe, et deuxième dans le monde après la Nouvelle Zélande, cette loi qui couvre plus largement les infractions sexuelles était portée par le ministre fédéral de la justice Vincent van Quickenborne, du Parti libéral flamand. La prostitution étant pratiquée et tolérée dans ce pays, la dépénalisation signifie que la Belgique cesse de pénaliser les parties tierces “sauf en cas de profit anormal”. Concrètement, un loueur ou une banque travaillant avec une prostituée ne tombera pas sous le coup de la loi, et les prostituées bénéficieront d’un accès à la protection sociale au titre de leur activité. Le proxénétisme reste en revanche interdit. Autre pan de cette réforme, la notion d’attentat à la pudeur disparaît et est remplacée par la notion d’atteinte à l’intégrité sexuelle. Celle-ci se définit comme “tout acte qu’une personne normale et raisonnable considère comme sexuellement inapproprié”. La définition du viol est élargie et les peines alourdies, tandis que les peines pour voyeurisme sont allégées.
Parmi les arguments avancés pour cette réforme par le personnel politique ou des associations de prostituées, sont souvent cités les mots : “donner un cadre à une activité dans l’ombre”, “faire évoluer la loi aux problématiques actuelles”, ou encore “criminaliser c’est créer des zones de non-droits”.
L’Allemagne, terrain expérimental de la légalisation de la prostitution.
Sur la question de l’encadrement d’une activité existante et de ses bénéfices potentiels, l’exemple de l’Allemagne peut éclairer le débat. Une réforme législative portée par le parti des Verts en 2002 et votée au Parlement fédéral supprimait l’interdiction générale de la promotion de la prostitution et permettait aux prostituées d’obtenir des contrats de travail. Dans une interview à Public Sénat, la Sénatrice et ancienne ministre Laurence Rossignol rappelle que le marché de la prostitution a été multiplié par 4 en 10 ans dans ce pays (2003-2013). La légalisation avec encadrement a entraîné en fait une forte hausse de la demande. La hausse de la demande nécessitant une hausse de l’offre, il ne semble pas que l’objectif de combattre la traite humaine en supprimant les “zones de non-droits” selon l’expression des promoteurs de la légalisation, soit atteint. Une étude approfondie datant de 2012 et portant sur 150 pays a conclu que l’effet de la légalisation de la prostitution sur la traite humaine était négatif. Selon les termes des économistes auteurs de l’étude, l’effet d’échelle, c’est-à-dire la hausse de la demande, l’emporte sur l’effet de substitution, qui verrait une préférence des clients pour des prostituées “légales” réduire la demande pour des prostituées en situation illégale. “En moyenne, les pays où la prostitution est légale expérimente des flux plus importants de traite humaine” selon les termes de l’étude.
La dignité humaine, irréductible à une approche marchande.
Les facteurs conduisant aux situations de prostitution sont complexes. L’approche choisie par la Belgique est d’inspiration néo-libérale : “laissez faire” afin que l’offre et la demande trouve un “équilibre”, la légalisation de ce “marché” solutionnant magiquement la question des trafics illégaux.
Ce choix de la Belgique va à l’opposé de celui de la France qui reste dans une approche abolitionniste. La loi du 13 avril 2016 visant à “renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées” a institué une pénalisation des clients. La notion de non-marchandisation du corps humain, entre autres, soutient la philosophie de cette loi. La dignité humaine n’est tout simplement pas compatible avec une approche marchande. Criminaliser les atteintes à la dignité humaine, ce n’est pas favoriser des trafics, c’est fonder en droit et garantir le combat contre ces atteintes.