Nécessité d’un suicide ?
Aide au suicide : relaxe par un tribunal d’Angers
Un homme a fourni à un ami souffrant de la maladie de Charcot une ordonnance lui permettant de se suicider. Lundi 2 mai 2022, le tribunal correctionnel d’Angers l’a relaxé en première instance en se fondant sur « l’état de nécessité ». Le parquet a fait appel.
Le prévenu est un vétérinaire de 62 ans. Tenant à rester anonyme, il affirme, selon son avocat, avoir agi « par compassion et empathie » en 2019, en permettant à un ami âgé de 59 ans qui souffrait de la maladie de Charcot ou SLA (sclérose latérale amyotrophique), de se procurer un produit vétérinaire pour mettre fin à ses jours. La SLA est une affection neurologique invalidante évolutive de plus en plus souvent invoquée par les promoteurs de l’euthanasie.
Quelques jours avant le second tour de l’élection présidentielle, c’est à la compagne d’un patient atteint de la même maladie que le candidat-président Emmanuel Macron a fait état de sa préférence pour le « modèle belge », en matière d’euthanasie…
Le métier de vétérinaire n’autorise pas la prescription de médicaments aux êtres humains ; fournir des moyens illégaux pour se suicider est par ailleurs condamné par la loi française. Au départ poursuivi par le parquet pour « assassinat et tentative d’assassinat », un non-lieu a été prononcé sur ces chefs d’accusation ; le prévenu n’a donc été poursuivi que « pour faux et usage de faux », en raison de la fourniture d’une ordonnance factice.
Pour le dédouaner de cet acte manifestement illégal, les magistrats ont utilisé un concept juridique centenaire, quoique rarement produit devant les tribunaux : « L’état de nécessité ». Ce moyen fut inventé en 1898 pour dédouaner une jeune femme d’un vol de pain dicté par la misère et la faim de sa famille. Il est en principe soulevé pour que ne soient pas condamnées des personnes qui ont commis un acte délictueux pour des motifs louables.
Soulever devant un tribunal, l’état de nécessité vise à demander aux juges de renoncer à un jugement inhumain. Mais cela peut également être perçu comme un moyen abusif de s’exonérer à bon compte de ses responsabilités. Dans le cas d’espèce, peut-on aussi y déceler une volonté de « faire bouger les lignes » en provoquant, une dépénalisation jurisprudentielle de l’assistance au suicide ? L’avocat du vétérinaire affirme que « son geste n’a rien de militant », mais il n’est pas exclu que la posture des magistrats ait une dimension provocatrice.
Certains commentateurs de la décision la saluent comme les prémices d’une future loi, qu’ils estiment inéluctable, d’autres tentent d’exhumer la notion, « exception d’euthanasie » qui, à leurs yeux, permettrait, sans dépénaliser le geste euthanasique, de ne pas le sanctionner, dans certains cas, sous le contrôle des magistrats. En 2019, le tribunal correctionnel de Lyon avait relaxé au nom de « l’état de nécessité » des militants écologistes qui avaient décroché les portraits officiels du président de la République, pour protester contre son « inaction » écologique. En appel, puis en cassation, cette décision avait été annulée, en toute logique.
Il devrait en être de même pour le relaxé d’Angers, car il y aura lors d’un second jugement : le parquet ayant confirmé le 5 mai avoir fait appel, l’affaire sera réexaminée ultérieurement. L’état de nécessité suppose un « danger actuel ou imminent », un « acte nécessaire à la sauvegarde de la personne » et une « disproportion entre les moyens employés – qui ne doivent pas être exorbitants – et la gravité de la menace ». Aucun de ces critères ne semble ici opérant : il n’y avait pas urgence dans la cadre de cette maladie chronique, et l’acte de provoquer la mort, qui contredit la sauvegarde de la personne, est exorbitant, d’autant qu’il y avait d’autres moyens pour soulager et accompagner le patient.
A ce titre, Alliance VITA, déplore l’utilisation croissante de la maladie de Charcot dans le débat sur la fin de vie. Il est injuste de laisser entendre que les patients atteints d’une telle pathologie – certes gravissime – n’ont pas d’autre solution que le suicide ou l’euthanasie. On risque de stigmatiser ces patients, leur proches et leurs soignants. En réalité, les patients souffrant de SLA ne génèrent pas des situations cliniques ingérables pour des équipes correctement formées.
La formation des soignants est d’ailleurs le « nouveau combat » du courageux rappeur Pone qui vit à Gaillac, au milieu de sa famille, malgré sa lourde paralysie due à la maladie de Charcot. Non seulement les soins palliatifs sont particulièrement appropriés pour accompagner ces patients sans acharnement thérapeutique, ni euthanasie, mais surtout exclure des soins palliatifs et de la prévention du suicide ceux qui en ont le plus besoin serait aussi absurde qu’inhumain.
Pour aller plus loin :
Etude : quel accompagnement pour la maladie de Charcot (SLA) ?
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