La guerre en Ukraine se poursuit avec son cortège de drames humains, dont les conséquences de la GPA pratiquées sur son sol font partie. Les déplacements de population civiles sont immenses. Le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU publie des estimations vertigineuses. Sur une population de 45 millions d’habitants, 6 millions auraient quitté leur pays et 7 millions seraient déplacés au sein de l’Ukraine. Parmi tous ces déplacements tragiques, quelques femmes, mères porteuses ayant signé des contrats avec des agences de GPA, sont arrivées en France récemment afin, selon l’expression d’un père commanditaire, de « finir le programme en France« . La mécanique juridique, alors que les contrats de GPA sont illicites en France, utilise l’accouchement sous X avec reconnaissance préalable de paternité par le donneur de sperme. Une procédure d’adoption permettra ensuite à la compagne d’être reconnue comme la mère de l’enfant.
La mondialisation du moins disant éthique.
De ces quelques situations douloureuses pour la mère qui porte l’enfant et ce bébé, certains argumentent en faveur d’une légalisation, d’un « encadrement ». Le raisonnement est le suivant : une pratique légale dans un pays finit toujours par s’exporter dans les autres pays. De même que des produits illicites peuvent être importés dans un territoire, de même pour des services. A l’heure de la mondialisation, rien ne servirait de défendre un interdit, selon certains juristes. Argument surprenant, pour plusieurs raisons. Tout d’abord la contestation de la « mondialisation heureuse« , cette promesse des années 2000, se fait toujours plus forte, en particulier sur les coûts écologiques et sociaux. Surtout, parler de la mondialisation, c’est reconnaître sans s’émouvoir de la nature profondément marchande de la pratique de la GPA. Mondialisation, division du travail, échanges transfrontaliers, ce vocabulaire s’applique aux biens. Mais est-il éthique de l’appliquer aux personnes ? Derrière ces cas difficiles médiatisés, transparait ainsi une réalité plus sordide. Selon un de ses promoteurs, « la GPA doit être un business sinon ça ne marche pas« . Tout « business » est-il incontournable ?
Un fatalisme déguisé en pragmatisme : l’encadrement des pratiques.
Cet appel à l’encadrement des pratiques met en lumière une mécanique bien huilée. L’exception doit confirmer la règle, et au bout de compte la règle est devenue une exception. Dans une tribune récente, un argument équivalent était présenté. L’interdiction crée les filières parallèles, voire des trafics. Appliquer ce raisonnement à l’ensemble des activités ou de l’économie conduit rapidement à en voir l’absurdité. Argument ad hoc, il accroche par son constat factuel. L’interdiction de la traite humaine, ou du travail des enfants n’empêche pas son existence, malheureusement. Faut-il renoncer à leur interdiction ? Et si l’objection à cet argument est que dans le cas de la GPA, il y a consentement de la mère porteuse, il est important de se pencher sur les conditions de ce consentement.
Un état de nécessité qui crée des GPA.
Sur les quelques cas de femmes ukrainiennes accouchant en France, des avocats de cette pratique ont mentionné l’état de nécessité comme une justification de pratique visant à contourner la loi française. De fait, la guerre provoque des bouleversements imprévus et douloureux. Elle produit des dangers réels, imminents, qui nécessitent la sauvegarde des personnes, en particulier civiles. Mais cette situation visible ne peut occulter la cause de départ de la GPA, à savoir l’état de nécessité de femmes pauvres recourant à cette pratique afin de survivre. Concernant l’Ukraine, de nombreux reportages l’ont amplement montré. Le salaire d’une grossesse équivaut à 5 années de salaires dans certains cas. L’état de nécessité à adresser est donc le terreau d’injustice qui pousse ainsi des femmes à accepter un contrat sur leur corps.
Une ligne rouge poreuse ?
Le garde des Sceaux Eric Moretti avait affirmé que « la GPA est une ligne rouge que nous ne souhaitons absolument pas franchir ». Cependant, laisser cette pratique s’instaurer, accepter qu’elle soit objet de publicité en France, ne pas lutter contre la GPA au plan international, autant d’attitudes qui risquent de grignoter cette ligne au point qu’il n’y aura plus besoin de la franchir.
La guerre est une entreprise qui cause des dégâts sans retour. La GPA aussi. L’urgence demeure d’interdire la GPA et le trafic des mères porteuses au plan international.
Pour aller plus loin : [Vidéo Replay] – Webinaire « La réalité de la GPA » – Alliance VITA