L’Union Européenne impose une législation sur la régularisation du numérique
La régulation du numérique au sein de l’Union Européenne a fait l’objet d’un accord samedi dernier entre les membres de l’UE, concrétisé dans un projet de Directive porté par la Commission (Digital Services Act, DSA). Ce Règlement complète le volet sur les marchés numériques (Digital Market Act, DMA) sur lequel un accord a été trouvé en mars et qui s’attaquait aux pratiques anti-concurrentielles.
Le DSA met à jour également une Directive sur le Commerce électronique adoptée en 2000, au début de l’ère internet. Son objectif est de règlementer les abus et mettre fin aux zones de non-droit. Thierry Breton, Commissaire Européen au marché intérieur, a résumé la portée de la réglementation future en disant que « tout ce qui est interdit hors ligne doit l’être en ligne ».
Cette mise à jour s’imposait compte tenu de l’importance qu’ont pris les échanges sur le numérique, que ce soit du point de vue du commerce et des services que du point de vue de l’information et des interactions personnelles. Quelques chiffres permettent de mesurer la situation. Le commerce électronique représente 14% du commerce de détail en 2021, un chiffre en hausse constante (source Fevad). Aujourd’hui la France compte 127000 sites de e-commerce et 300000 points de vente. 39 millions de Français font des achats en ligne, 14 millions utilisant leur téléphone mobile.
La connexion de ces plateformes de commerce avec les réseaux sociaux est notable. Une étude YouGov montrait qu’en 2020, 31% des Français ont effectué un achat via un Réseau social, cette part montant à 38% pour la tranche des 18-34 ans. Bien sûr, les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram… captent une majeure partie de ce flux. Derrière l’influence, le partage d’idées, de contenus, de photos, l’aspect « business » n’est pas loin.
Responsabiliser les plateformes et les réseaux sociaux est l’ambition de la DSA. La lutte contre les contenus illégaux, l’incitation à la haine, la vente de produits défectueux, la lutte contre la désinformation, les atteintes aux mineurs et à leur santé mentale font partie des objectifs de la réglementation.
Les grandes plateformes, définies comme ayant plus de 45 millions d’utilisateurs dans l’UE auront les obligations les plus lourdes. « Obligation de moyens et de transparence » qui inclut plus d’information sur les algorithmes utilisés pour le ciblage des propositions de produits ou de services. Concrètement, les autorités nationales pourront avoir accès à ces algorithmes afin de mieux contrôler le traitement des différentes informations.
L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pour le commerce ne cesse d’augmenter. Des cas célèbres, comme celui de l’élection présidentielle américaine de 2016 ont mis en lumière auprès du grand public l’enjeu stratégique de ces données, de leur propriété et de l’utilisation qui en est faite. Le profilage des données produites par les utilisateurs de plateformes et de réseaux est une réalité bien connue. « Dis-moi ce que tu achètes et ce que tu consultes, je te dirai ce que tu désires ».
La personnalisation du service apportée par les algorithmes ne doit pas masquer un enjeu de liberté : il s’agit de ne pas enfermer l’utilisateur dans un profil figé.
Les apports de cette nouvelle réglementation demanderont également une évaluation fine afin de respecter la liberté d’expression. En France, le Conseil Constitutionnel avait censuré plusieurs dispositions de la loi dite « Avia » destinée à lutter contre les contenus haineux sur internet. L’absence de contrôle par un juge du contenu qui était retiré menait à un risque de sur-censure de la part des plateformes, ce que des partis de toute tendance dénonçaient.
Certains observateurs ont qualifié notre époque d’entrée dans l’ère de « l’homo numericus » qui prendrait la suite de l’homo sapiens, le « cogito », la capacité à réfléchir, laissant la place à un « connecto ». La fameuse phrase de Descartes « je pense donc je suis » devient « je suis connecté donc j’existe » ! Comprendre les technologies que nous utilisons, rester maître des outils et des données, sont des enjeux pour les prochaines années. Les propositions d’Alliance VITA pour les élections comportent un axe prioritaire dédié à ces sujets.
Au-delà de ces enjeux politiques et économiques importants, ce sont aussi des visions différentes de la vie humaine qui se dessinent. La vie humaine n’est pas une simple connexion qu’on débranche après production et consommation de données, mais un donné qu’on ne peut jamais complètement posséder.
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