La revue Science vient de publier six articles : « des régions de l’ADN encore inexplorées ont pu être lues ». Hormis le chromosome Y, masculin, un génome complet a été décrypté.
En 2001, après plus de dix ans de travail et un investissement de 3 milliards de dollars, le déchiffrage de l’ADN avait abouti à la lecture d’une immense partie du génome. Mais depuis lors, environ 8% était resté en suspens, en raison de zones qu’on dit « ultra-répétées » dispersées sur le génome ou de zones très « enroulées » ou nichées dans les centromères ou les télomères (au centre et aux extrémités des chromosomes). Ces zones n’étaient pas accessibles avec les techniques de l’époque qui ne pouvaient pas lire plus de mille bases à la fois – notre ADN compte environ trois milliards de paires de bases- donc seulement de petites séquences de fragments d’ADN. « Pour obtenir la séquence d’un génome entier, nous devons donc le déchiqueter en petits morceaux, séquencer ces petits morceaux, puis trouver où ils se chevauchent et les recoller » explique Nicolas Altemose, chercheur à Berkeley (Etats-Unis) et premier auteur d’une des nouvelles publications.
Mais de nouvelles technologies ont été mises au point et permettent de déchiffrer des séquences de 20 000 à 100 000 bases. Le consortium Telomere-to-Telomere (T2T) a été lancé en 2018. Il est financé par les instituts américains de la santé et associe 33 institutions et universités, principalement américaines. Il a travaillé au séquençage complet du génome d’un seul être humain, à partir de cellules prélevées sur un embryon non viable.
Les scientifiques ont séquencé 225 millions de paires de bases supplémentaires qui n’avaient pas été identifiées ou bien localisées. Ces nouvelles régions permettent de supposer que 182 protéines présentes dans l’espèce humaine n’avaient pas encore été repérées. Les centromères quant à eux jouent un rôle spécifique pendant la division cellulaire (mitose). Les étudier permettra de mieux comprendre ce mécanisme et apportera des informations sur le rôle que jouent ces parties de nos chromosomes dans l’hérédité.
Les débouchés de ces progrès sont importants. Ils permettront notamment une meilleure compréhension du vieillissement, des cancers, de découvrir le fonctionnement de nouvelles maladies génétiques ainsi que de nouvelles thérapies.
Cette méthode « crée encore des erreurs », précise Christophe Lanneau, directeur du département recherche du Génopole, à Évry (Essonne). Par ailleurs, il s’agit du génome d’une personne, l’objectif du consortium T2T est de continuer ces travaux pour avancer dans la description de la diversité de l’espèce humaine, au moyen du séquençage du génome de centaines de personnes autour du monde.
L’amélioration continue des connaissances dans le domaine de la génétique constitue d’immenses sources de progrès aux indéniables bénéfices, notamment thérapeutiques. L’ère « post-génomique », dans laquelle nous nous trouvons rend obsolète tout postulat d’un « déterminisme génétique ». Nous savons qu’il faut se garder de tout « réductionnisme génétique », qui consisterait à croire que nos caractéristiques humaines ne sont déterminées que par nos gènes.
De nombreuses découvertes sur l’ensemble des facteurs qui jouent dans l’hérédité, en particulier l’influence de l’environnement sur l’expression des gènes, nous permettent de prendre conscience que tout est bien plus complexe. Les gènes interagissent entre eux et avec l’environnement. La modulation de l’expression de gènes dépend de milliers de facteurs aussi insoupçonnés que variés, influencés par notre mode de vie, notre environnement, notre histoire.
L’épigénétique reste encore un domaine plein de mystères. L’homme reste un mystère. Sans nier l’importance de la pièce maîtresse qu’est le génome, unique et infiniment respectable, nous sommes plus qu’un « code-barres génétique ». Comme le rappelle l’Unecso dans la déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme :
« Chaque individu a droit au respect de sa dignité et de ses droits, quelles que soient ses caractéristiques génétiques. Cette dignité impose de ne pas réduire les individus à leurs caractéristiques génétiques et de respecter le caractère unique de chacun et leur diversité ».