Par une décision du 21 décembre 2021, le Conseil d’Etat a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par l’association Dignitas Suisse portant sur la remise en cause de l’interdiction du pentobarbital, un puissant barbiturique.
Le dépôt de cette QPC avait été largement médiatisée le 22 septembre 2021 pour forcer la légalisation de l’euthanasie et le suicide assisté au nom d’un prétendu « droit de mourir dans la dignité ». En Suisse et en Belgique, ce produit est autorisé chez l’homme, pour des suicides assistés. Ce produit est également utilisé parfois aux Etats-Unis pour exécuter les condamnés à mort.
L’association militante Suisse avait déclaré dans un communiqué que « la législation actuelle en France sur la vie de vie, la loi Claeys Leonetti, est inadéquate (…) le pentobarbital est considéré comme le moyen le plus fiable et le plus sûr de mettre fin à sa propre vie. En Suisse il est utilisé depuis de nombreuses années pour le suicide assisté ». Dignitas se targue d’avoir contribué à ce que le suicide assisté soit reconnu par les cours constitutionnelles allemandes et autrichiennes.
La question prioritaire de constitutionnalité est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Le litige à l’occasion duquel la QPC a été posée portait sur une affaire de trafic de pentobarbital démantelé en 2020. 130 flacons de ce produit étaient détenus par des personnes soupçonnées de trafic, militantes de l’association pro-euthanasie « Ultime liberté ».
L’association a concentré sa critique sur les dispositions de l’article L. 5132-8 du code de la santé publique qui prévoient que : « La production, la fabrication, le transport, l’importation, l’exportation, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition et l’emploi de plantes, de substances ou de préparations classées comme vénéneuses sont soumises à des conditions définies par décrets en Conseil d’État. / Ces décrets peuvent prohiber toute opération relative à ces plantes et substances ; ils peuvent notamment, après avis des Académies nationales de médecine et de pharmacie, interdire la prescription et l’incorporation dans des préparations de certaines de ces plantes et substances ou des spécialités qui en contiennent. / Les conditions de prescription et de délivrance de telles préparations sont fixées après avis des conseils nationaux de l’ordre des médecins et de l’ordre des pharmaciens ». Ces dispositions sont assorties de sanctions pénales fixées aux articles L. 5432-1 à L. 5432-5 du même code, les substances classées comme stupéfiant étant en outre soumises à des dispositions pénales supplémentaires qui leur sont propres.
Pour refuser de transmettre la QPC ainsi posée au Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat a considéré, d’une part, que l’article L. 5132-8 du code de la Santé n’était pas applicable au litige en cause, qui est une des conditions nécessaires à la recevabilité d’une QPC. D’autre part, invoquant une incompétence négative du législateur, Dignitas a soutenu que ces dispositions en prohibant l’utilisation du Pentobarbital empêcheraient la reconnaissance ou l’exercice d’un « droit à mourir dans la dignité ».
Toutefois, le Conseil d’Etat a considéré que les dispositions de l’article en cause « participent du régime de police spéciale instauré par le législateur en vue de réglementer les opérations relatives aux substances présentant des risques directs ou indirects pour la santé publique », de sorte qu’« un tel grief ne peut être utilement présenté (…) qu’ à la condition de contester les insuffisances du dispositif qu’elles instaurent et non pour revendiquer la création d’un régime dédié ».
À noter que Dignitas Suisse reproche explicitement à la France, sur son site Internet, sa politique de prévention du suicide. Cela en dit long sur l’idéologie de cette association qui cherche à imposer ses pratiques mortifères dans les pays étrangers.