Ehpad : les défis de la prise en charge de la dépendance

04/02/2022

Ehpad : les défis de la prise en charge de la dépendance

 

La publication du livre « Les Fossoyeurs » du journaliste Victor Castanet a créé une onde de choc médiatique et financière autour des Ehpad (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), remettant l’accueil de la vulnérabilité et la solidarité envers les plus fragiles au cœur de l’actualité.

 

Les situations que la presse appelle parfois « le scandale des Ehpad » ne sont pas nouvelles. Durant l’été 2017, le journal Le Monde s’était fait le relai d’une longue grève des aides-soignantes dans un Ehpad du Jura, pour dénoncer des modes d’organisation du travail de soignants conduisant à la maltraitance. Le rapport parlementaire qui avait suivi en 2018 soulignait que « la profonde crise des Ehpad ne peut laisser indifférent ».

Dans ce secteur réglementé, 7517 Etablissements accueillent 606400 résidents en 2020. 51% des places sont publiques, 29% tenues par des organismes privés à but non lucratif et 20% par des organismes privés à but lucratif (enquête DREES).

Des statistiques générales sur la dépendance sont disponibles grâce à l’INSEE ou la DREES. On sait ainsi que la moyenne du prix de séjour se situe sur la France entière, autour de 2 000 euros par mois, avec une moyenne de 1 884 euros dans le secteur public, de 2 009 euros dans le privé non lucratif, et 2 657 euros dans le privé commercial. En 2019, le coût de la dépendance était évalué à 30 Mds d’euros, dont 24 Mds pris en charge par la dépense publique.

Pour les Ehpad, les ARS (Agences Régionales de Santé) financent les soins, et les Conseils généraux financent la dépendance.

La DREES a publié une étude en 2018 sur le personnel et les difficultés de recrutement en Ehpad. 430 000 personnes y travaillent, et les taux d’encadrement diffèrent selon les structures. Ainsi, en moyenne, les structures publiques emploient 70.6 personnes pour 100 résidents contre 52.3 dans le privé commercial. Un écart en partie expliqué par l’externalisation de certaines tâches. Le taux d’encadrement de soignants est à 22.8 pour les structures privées à but lucratif pour 100 résidents contre 36.7 pour les structures publiques.

Dans cette étude, la DREES pointait le renouvellement fréquent du personnel (15% ayant moins d’un an d’ancienneté), et les sous effectifs, 63% des Ehpad signalant la présence de postes non pourvus depuis plus de 6 mois.

Une étude plus poussée en 2020 sur les taux d’encadrement des Ehpad en 2015 a décelé des facteurs « non attendus » qui influent sur ce taux. Ainsi les structures situées dans une commune isolée ont un encadrement en moyenne plus élevé, tandis que les établissements dans les pôles urbains petits et moyens ont un taux plus faibles que dans les grands pôles urbains.

Dans un avis n°218 sur les enjeux éthiques du vieillissement, le CCNE dénonçait de son côté une concentration des personnes âgées dépendantes et leur exclusion comme « probablement le fruit d’une dénégation collective de ce que peut être la vieillesse, la fin de la vie et la mort ».

Le CCNE soulignait le risque de l’émergence d’une « perversion de la relation » avec d’un côté des « bien-portants » qui verraient les personnes vulnérables comme des coûts et d’un autre côté des personnes vulnérables qui risqueraient de développer un sentiment de culpabilité et d’indignité. Un rapportpublié en 2013 par le CNBD (Centre National pour la Bientraitance et les Droits des personnes âgées et des personnes handicapées) rappelaient que 40% des résidents présentaient un syndrome dépressif et 11% des idées suicidaires.

Le CCNE dans son avis fournissait des pistes allant de l’éducation (inciter les jeunes à une « réflexion morale ayant pour but de faire percevoir les concepts d’altruisme et de solidarité ») à l’encouragement du maintien à domicile, du bénévolat, du mécénat, et la promotion d’un concept « d’Ehpad hors les murs » pour créer un réseau effectif de soins et de solidarité.

Le rapport de Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale avait émis 175 propositions en mars 2019, préconisant par exemple 80 000 postes supplémentaires d’ici 2024. L’absence de loi grand âge n’a pas permis de porter un projet d’envergure sur ce sujet. Pourtant, les projections démographiques de l’INSEE donne une estimation de 17.2 millions de personnes de plus de 75 ans en 2060 contre 9.5 aujourd’hui.

A l’occasion de la journée mondiale des personnes âgées à l’automne 2021, Claire Héron, défenseure des Droits, a publié un dossier spécial sur les droits fragilisés par la dépendance. 80% des 900 réclamations reçues par ses services les 6 dernières années concernent des atteintes aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes en Ehpad. Dans un échange récent avec des lecteurs du Monde, Claire Héron rappelle que la plupart des maltraitances constatées sont la conséquence d’un manque de moyens humains et financiers.

Parmi les 900 réclamations reçues, 45 % des dossiers concernaient un Ehpad public, 30 % un Ehpad à but non lucratif et 25 % un Ehpad privé à but lucratif. Claire Héron réaffirme que « notre seule boussole doit être le respect des droits et de la dignité des personnes. Nous devons changer de regard sur les personnes âgées et la façon de traiter leur vulnérabilité. »

Ce constat résonne avec la campagne menée par Alliance Vita. Pour changer la vie des personnes fragiles, il est urgent de changer notre regard : Alliance VITA demande aux pouvoirs publics de s’engager avec les Français pour que la génération du grand âge et de l’ultime vulnérabilité ne se sente pas abandonnée aux marges de la société.

 

Voir la campagne : https://www.alliancevita.org/changeons-nos-regards-pour-changer-sa-vie/

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