Développer la solidarité intergénérationnelle, nos constats
La pandémie de Covid-19 a jeté une lumière crue sur la situation des plus vulnérables dans notre société : confinement sévère pour les personnes âgées, grande pauvreté jusqu’à la privation de nourriture pour les familles les plus précaires et à faibles revenus, fermeture des écoles et des cantines scolaires, solitude accrue et, pour tous, difficultés à gérer les injonctions et émotions contradictoires liées à la situation.
Un élan de solidarité intergénérationnelle à encourager
Pour la première fois dans l’histoire des sociétés modernes, il a été décidé de donner la primauté à « sauver des vies » sur le fonctionnement de l’économie.
Au cours de cette période, deux constats peuvent être établis quant à l’expression de cette solidarité :
- d’une part, l’arrivée d’une population de bénévoles plus jeunes que ceux habituellement engagés dans les structures d’aide organisée,
- d’autre part, la multiplicité des formes d’action et d’aide, avec un développement notable de solidarités de voisinage non organisées et fondées sur la proximité.
Les enquêtes du projet CoCo (Coping with Covid-19/Faire face au Covid-19), menées tous les 15 jours depuis le 1er avril 2020 par l’Observatoire Sociologique du Changement et le Centre de Données Socio-Politiques de l’Institut d’Etudes politique (IEP) de Paris en s’appuyant sur le panel ELIPSS (échantillon représentatif de la population résidente en France métropolitaine) ont permis de couvrir différentes phases de la crise et de suivre les changements dans les pratiques d’aide et de solidarité.
C’est cette orientation qui mérite aujourd’hui d’être fortement encouragée, de telle façon que des personnes, jeunes ou moins jeunes, viennent à discuter régulièrement avec des personnes situées dans un rayon assez proche de chez elles puis à les aider en fonction de leurs besoins réels.
L’urgence de créer du lien social : séniors et jeunes en souffrance face à l’isolement
Déjà été cruellement mis en lumière au moment de la canicule à l’été 2003, l’isolement des seniors s’est renforcé avec la crise sanitaire : selon les Petits frères des Pauvres, 720 000 seniors n’ont eu aucun contact avec leur famille pendant le confinement ; 13 % ont ressenti de la solitude de façon régulière ; 15 % des plus de 60 ans ne seraient pas sortis pendant le premier confinement. D’après l’observatoire national du suicide de 2020, les personnes de plus de 75 ans se suicident deux fois plus que le reste de la population.
Et le baromètre sur la solitude et l’isolement des plus de 60 ans publié par les petits frères des pauvres en septembre 2021 a révélé que 530 000 personnes âgées sont pratiquement en situation de mort sociale.
Concernant les jeunes , d’après le baromètre[1] de la DJEPVA (direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative sur la jeunesse) un jeune sur deux considère ainsi la pandémie comme une période très pénible à vivre. Les jeunes interrogés ont particulièrement mis en avant les difficultés d’ordre psychologique et le sentiment d’isolement, devant les difficultés socio-économiques.
Le sentiment de solitude a été particulièrement exacerbé par la crise sanitaire. En janvier 2021, 33% des 18–30 ans se sentaient seuls contre 21% en moyenne dans la population, un écart qui s’est amplifié depuis le début de la pandémie. Cependant, la crise sanitaire n’a pas freiné l’engagement bénévole des jeunes : 64 % des 18-30 ans interrogés étaient engagés en 2021 au sein d’une structure (association, syndicat, parti politique…), contre 51 % en 2019.
Leurs motivations sont multiples : davantage de temps pour se consacrer aux autres, l’envie d’agir sur le terrain, de rompre avec la solitude…
L’urgence doit être de briser l’isolement d’un trop grand nombre de personnes en France (quel que soit leur âge) et de créer autour d’elles du lien social.
L’insuffisance de la politique du vieillissement
Les défis du grand âge sont immenses. Le rapport Libault, publié en mars 2019, estime que le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie devrait passer de 1 265 000 en 2015 à 2 235 000 en 2050, avec une forte accélération entre 2030 et 2040 du fait de l’arrivée à un âge avancé des premières générations du Baby-Boom.
En 2050, le nombre de personnes de 85 ans et plus atteindrait les 4,8 millions. Actuellement, une personne sur cinq de plus de 85 ans vit en EHPAD, établissements qui accueillent chaque année 608 000 résidents. Ils font face à des difficultés structurelles de recrutement : 63% de ces établissements déclarent avoir au moins un poste non pourvu depuis 6 mois ou plus.
L’épidémie de COVID-19 a été un révélateur des insuffisances de la politique d’accompagnement du vieillissement et de la fin de vie.
L’analyse du Cercle Vulnérabilités et Société « Fin de vie en EHPAD : de l’hébergement à l’accompagnement », rendue publique au mois d’octobre 2020, interroge les insuffisances et pose les nouveaux défis. La sous-médicalisation des EHPAD, le déficit de compétences spécifiques en matière de fin de vie, un manque de temps et de reconnaissance de l’importance des aspects relationnels, trop peu d’anticipation et de réflexion collégiale interdisciplinaire, s’ajoutent à des freins administratifs et financiers importants.
La publication d’un livre-enquête sur des dysfonctionnements et dérives au sein d’un groupe international à but lucratif, en janvier 2022, signe une nouvelle fois l’urgence de prendre cette grave question à bras le corps.
Il est temps de repenser le modèle d’accompagnement de nos aînés : que voulons-nous pour eux ? Quels sont les moyens alloués ? Le modèle des EHPAD et l’industrialisation du « prendre soin » sont remis en cause. Encourageons le développement d’autres modèles plus petits – maisons accueillant 8 personnes âgées, intégrées dans une vie de quartier – pour que la qualité de la relation soignant-soigné et le « vivre avec » soient au cœur du dispositif.
[1] https://injep.fr/publication/barometre-djepva-sur-la-jeunesse-2021/
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