Il s’agirait d’une première mondiale : un homme âgé de 57 ans a reçu le 7 janvier dernier une greffe de cœur de porc, provenant d’un animal génétiquement modifié.
Il semblerait que ce patient américain ait été déclaré inéligible pour entrer dans un programme de greffe d’un cœur humain ou d’un cœur artificiel. Ainsi, selon lui, il n’avait le choix qu’entre consentir à cette expérimentation ou la mort à plus ou moins court terme. La Food and Drug Administration (FDA) a délivré une « autorisation d’urgence » pour tenter cette xénogreffe, à « titre compassionnel ».
Certains organes de porc, bien que différents des organes humains, présentent quelques similitudes, en particulier au regard de leurs tailles. C’est le cas du cœur. Cependant, comme dans le cas d’une greffe avec un organe ou un tissu humain issus d’un donneur, la question du « rejet » du greffon d’origine animale par le receveur se pose.
Le patient qui a subi cette xénotransplantation expérimente un nouveau traitement qui inhibe son système immunitaire pour éviter le rejet.
Et pour contourner au maximum ce problème, des chercheurs travaillent depuis quelques années à l’aide des outils de modification génétiques, désormais disponibles. Dans le cas présent, des embryons de cochons au stade de quelques cellules ont été modifiés génétiquement, in vitro. Plusieurs modifications génétiques ont été apportées dans l’objectif de limiter le plus possible le risque de rejet. Certains gènes porcins ont été supprimés (par exemple un gène qui participe grandement à identifier les cellules comme étant un corps « étranger ») ou inactivés (comme un gène de croissance a pour empêcher le développement du cœur porcin après l’implantation). Des gènes spécifiquement humains ont également été introduits. Puis, ces embryons ont été implantés dans l’utérus d’une truie qui les a mis bas. Le cœur a été prélevé sur l’un des cochons âgé d’un an. Ces travaux sont menés par la société United Therapeutics (Revivicor).
D’après le Dr Christine Lau, présidente du département de chirurgie de la faculté de médecine de l’université du Maryland, qui était présente en salle d’opération, « Ce patient est plus à risque parce que nous avons besoin d’une immunosuppression plus importante, légèrement différente de ce que nous ferions normalement pour une transplantation d’humain à humain ». Concernant l’évolution du patient, comme cela n’a jamais été fait auparavant, elle ne se prononce pas. Le patient sera également surveillé pour des risques d’infections transmissibles par l’animal (zoonose), notamment le rétrovirus porcin qui peut être transmis à l’homme, bien que le risque soit considéré comme faible.
Art Caplan, professeur de bioéthique à l’université de New York, a déclaré qu’il avait une certaine appréhension en apprenant la nouvelle de la transplantation de Bennett. « J’espère qu’ils ont les données nécessaires pour justifier cette tentative, sur la base de leurs études sur les animaux ». Selon lui, « il est trop tôt pour qualifier la transplantation cardiaque de succès. Cette hypothèse viendra si le patient a une bonne qualité de vie pendant des mois. Pour lui, « Il est important d’obtenir le consentement des personnes en fin de vie… mais cela ne suffit pas », suggérant alors qu’un comité d’éthique de la recherche intervienne.
Cette première mondiale soulève donc des espoirs et des questions complexes. Questions des risques encourus par le patient liés au caractère nécessairement expérimental du greffon et des traitements associés (par exemple pour l’immunosuppression), et question sur les conditions du consentement du patient, exclu d’autres programmes de greffe.