Protection des jeunes sur Internet : une loi encore timide
Le 18 janvier prochain sera examiné une proposition de loi visant à encourager l’usage du contrôle parental sur les terminaux permettant d’accéder à Internet présentée par les députés LREM, Modem et le groupe Agir ensemble. Cette loi prévoit l’obligation pour les équipements et services permettant d’accéder à Internet de comporter un dispositif de contrôle simple et systématique pour l’usage des parents.
Actuellement, les experts de l’enfance font le constat qu’il existe une augmentation exponentielle des risques et des conséquences néfastes de l’utilisation d’internet sur les jeunes par le développement de nouvelles formes de communication.
Tout d’abord, il y a le problème de la surexposition aux écrans qui peut entraîner des séquelles physiques et psychologiques, comme des troubles du sommeil, une prise de poids due à la sédentarité, des épisodes d’agressivité ou encore du décrochage scolaire.
Il y a également les mauvaises rencontres en ligne : E-mails, messagerie instantanée, réseaux sociaux qui sont des moyens de communications extrêmement pratiques pour échanger avec ses amis ou sa famille. Mais aussi une porte ouverte aux personnes ayant des intentions dangereuses.
Bien souvent, on peut également trouver sur internet, des vidéos en ligne destinées aux adolescents mettant en avant des prouesses physiques dangereuses, des conseils sur des régimes alimentaires potentiellement dangereux dans des blogs tendance ou encore des incitations à publier des photos de soi compromettantes, du harcèlement…
Enfin, ces derniers sont surtout exposés à des contenus non adaptés que cela soit des vidéos ou photos pornographiques, des contenus ou propos ultra violents, les paris en ligne, la ventes de drogues ou d’armes etc. Beaucoup de contenus et de sites ne sont pas faits pour les enfants.
Selon une étude menée par l’IFOP pour la Cnil, 82% des enfants de 10 à 14 ans vont régulièrement sur internet sans leurs parents, les enfants seraient connectés dès 7 ans pour jouer en ligne ou regarder des vidéos et seraient inscrits sur leur premier réseau social vers 8 ans et demi. A douze ans, un tiers d’entre eux aurait déjà été exposé à un contenu pornographique. Et seuls 46 % des parents auraient mis en place des solutions de contrôle parental.
L’accès facile et banalisé à la pornographie est une question cruciale : le président de la République avait insisté en novembre 2019 à l’Unesco sur la nécessité d’un contrôle parental des sites pornographiques, ne pouvant « fermer les yeux sur l’influence que peut exercer sur de jeunes esprits, un genre qui fait de la sexualité un théâtre d’humiliation et de violences faites à des femmes qui passent pour consentantes ».
En parallèle et paradoxalement, les parents équipent les enfants de plus en plus jeunes en smartphones et tablettes, ce qui leur donne accès à des contenus dont ils étaient jusque-là préservés.
Par ailleurs, « Les adultes, ne répondent pas aux questions légitimes des jeunes sur tous ces sujets. » déplore Thomas Rohmer, président de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique. C’est ainsi que « le porno devient leur principale source d’information sur la sexualité ».
En effet l’éducation sexuelle des adolescents se résume souvent à la seule information concernant la contraception et les MST. Or, une véritable éducation sexuelle et affective doit couvrir davantage de sujets tels que la différence et complémentarité homme-femme, le fonctionnement anatomique de chacun, l’amitié, l’amour etc.
En ce sens, les parcours Teenstar, les journées Cycloshow pour les filles, XY pour les garçons sont des véritables outils pour éduquer et protéger les enfants.
Thomas Rohmer précise « qu’on aimerait que la loi française tienne compte des évolutions du web et que le Code pénal qui interdit de diffuser des contenus pornos vers des enfants soit applicable et appliqué. C’est pour cela que nous avons déposé plainte il y a un an. Ça ne va pas vite, il y a des freins. Tous ceux qui ont l’illusion de croire qu’Internet est un espace de liberté vous considère soit comme un réactionnaire, soit comme voulant empiéter sur la liberté d’Internet. On touche à un sujet intime, difficile à aborder sans vision moralisatrice. Je travaille aussi sur les questions de radicalisation, c’est cent fois plus simple. »
Plusieurs associations de protection à l’enfance tirent la sonnette d’alarme depuis des années face à la recrudescence du visionnage d’images violentes et très crues par des mineurs de plus en plus jeunes. Ces dernières ont gagné une 1ère bataille en décembre dernier, après avoir saisi le Conseil de l’Audiovisuel, qui a sommé, au titre du Code Pénal français, 5 sites pornographiques d’empêcher leur accès aux mineurs, sous peine d’un blocage de leur accès.
Cependant, cette décision n’a été suivie ni d’effet, ni d’aucune condamnation…Cette situation est d’autant plus scandaleuse que lorsqu’il y a une véritable volonté d’agir, l’Etat arrive à ses fins de manière efficace. En effet, il suffit de se rappeler des moyens mis en place par l’Etat français pour lutter contre le téléchargement illégal de films ou de musique pour se rendre compte que les outils existent (déréférencement, blocage d’accès au site etc.) et fonctionnent parfaitement lorsqu’ils sont mis en œuvre.
Alors que de nombreux experts se mobilisent sur le sujet, que des livres sortent, que des conférences s’organisent de toute part, que des blogs de parents se créent tels que « Parents unis contre les smartphones avant 15 ans », les pouvoirs publics doivent prendre la mesure de l’ampleur et de l’urgence de la situation.
La proposition de loi examinée la semaine prochaine, si elle est louable et a le mérite de se mettre en place, elle ne résoudra malheureusement pas le problème. En effet, Thomas Rohmer, président de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique précise « Nous ce qu’on constate sur le terrain c’est que cela a déclenché des réactions un peu contraires de la part de certaines familles : comme si une fois le contrôle parental installé, ils n’avaient plus besoin de se soucier des pratiques de leurs enfants.
Or l’enjeu du dialogue familial autour de toutes ces questions est essentielle. Il faut que les parents s’intéressent aux pratiques numériques de leurs enfants. »
C’est donc par une véritable éducation des parents vis-à-vis de leurs enfants, soutenue par une politique volontariste de l’Etat sur ce sujet que les véritables améliorations verront le jour. S’agissant de protection de l’enfance, c’est également un sujet qui pourrait être travaillé par les Etats à l’échelle européenne.
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