Adaptation du livre d’Emmanuèle Bernheim publié en 2013 et qui racontait comment elle avait aidé son père, victime d’un AVC, à mourir, « Tout s’est bien passé » est sorti en salle le 22 septembre dernier précédé d’une campagne de promotion importante.
Interrogé dans les médias, son réalisateur François Ozon, s’est déclaré partisan résolu de la légalisation du suicide assisté. Alors que le film se veut un plaidoyer pour l’euthanasie et le suicide assisté, le spectateur découvre la violence d’une telle demande pour les proches et la réalité d’une famille sous la coupe d’un homme dont la volonté de puissance semble sans limite.
Raconté du point de vue de la fille choisie par son père pour l’aider « à en finir », il montre comment ce père, à la fois adoré et détesté, parvient à imposer sa volonté à ses proches.
Emmanuèle, interprétée par Sophie Marceau se précipite à l’hôpital au chevet de son père victime d’un AVC. Très affaibli cet ancien industriel et collectionneur d’art ne tarde pas à demander à sa fille de l’aider à mourir. Bien que physiquement terrassé, on sent chez lui une autorité intacte, rarement voire jamais contredite. Alors que son état s’améliore, sa volonté et son désir ne souffrent aucune contrariété. Si le premier mouvement d’Emmanuèle est de se dérober à cette demande impossible, elle finit par entrer dans le jeu et céder à l’emprise de celui auquel on ne peut manifestement rien refuser.
Dans une mise en scène clinique à l’image des échanges avec le personnage d’Hanna Shygulla, glaciale ambassadrice du suicide assisté suisse, François Ozon filme deux sœurs soudées par une enfance vécue entre un père humiliant et une mère dépressive. Dans le rôle des filles soucieuses de se plier aux caprices de leur père, Sophie Marceau et Géraldine Pailhas composent une partition délicate entre la colère, le doute et le chagrin. Face à elles, André Dussolier campe un André Bernheim fantasque et capricieux.
Face aux émotions de ses filles, de son amant, de sa cousine, André reste centré sur lui-même. Qu’on lui résiste, il pleure ou se mure dans le silence. Mais une fois la date du suicide fixée, le spectateur le voit renaître, à la fois drôle et cruel, charismatique et cynique. Car ce que cet ancien industriel veut, c’est garder le contrôle jusqu’au bout, sur sa vie et sur celle de ceux qui l’entourent. Les autres l’intéressent-ils ? Plutôt que d’euthanasie et de sa légalisation en France, ce film apparait d’abord comme le portrait d’un homme impérieux, voire tyrannique et le récit de son emprise sur ses proches. Cet homme semble n’avoir d’autre horizon que lui-même et la satisfaction de sa volonté laquelle n’admet aucune limite même incarnée par l’amour que les autres ont pour lui. Au terme d’un suspense assez démonstratif, afin qu’on n’oublie pas que le suicide assisté, interdit en France, implique de transgresser la loi, le film s’achève sur le compte-rendu clinique venant de Suisse et résumé dans la phrase « tout s’est bien passé ». Sans émotion sans espérance, rien.