Charte éthique pour l’accompagnement du grand âge
En 2020, les personnes âgées de plus de 65 ans étaient au nombre de 13,7 millions, soit 20,5 % de la population française. Elles seront 20 millions en 2030 et près de 24 millions en 2060. Il s’agit d’une véritable révolution de la longévité.
Ainsi, les besoins d’accompagnement des personnes en institution et à domicile sont de plus en plus nombreux et ont été exacerbés par la crise sanitaire. D’où l’inquiétude provoquée par les reports successifs de la loi Grand âge et autonomie annoncée dès 2017 par le président Macron.
Une large consultation
Madame Brigitte Bourguignon, ministre déléguée en charge de l’Autonomie, a confié, en novembre 2020, une mission au philosophe Fabrice Gzil, directeur adjoint de l’Espace éthique d’Île-de-France, pour soutenir l’engagement et la réflexion des professionnels avec qui elle entretient un dialogue régulier depuis sa nomination. La première partie des travaux a été présentée en février 2021 lors de la diffusion d’un document-repère intitulé « Pendant la pandémie et après : quelle éthique dans les établissements accueillant des citoyens âgés ? ».
Les conclusions des travaux ont été synthétisées le 2 septembre 2021 avec la parution d’une Charte éthique et accompagnement du grand âge. La rédaction de ce texte s’est appuyée sur le témoignage de 4 350 contributeurs : personnes âgées, aidants familiaux et proches aidants, professionnels du secteur, bénévoles et citoyens intéressés par ces questions.
Trois convictions portées par cette charte
- Il n’y a pas d’éthique spécifique aux personnes âgées. Celles-ci sont des citoyens partageant les mêmes droits et devoirs avec les autres membres de la société. C’est pourquoi la Charte énonce dix principes universels valables quels que soit l’âge et la situation de vie des personnes concernées, puis les décline pour tenir compte des spécificités du grand âge.
- La charte prend en compte la diversité des personnes qui avancent en âge : par leur histoire personnelle, leur environnement, leur lieu de vie, leurs problèmes de santé ou leurs éventuelles autres difficultés (physiques, sensorielles, psychiques, cognitives).
- La charte assume une éthique de la nuance et de la complexité face à des enjeux humains aussi délicats. Elle s’inscrit résolument dans une approche « capacitaire » et « inclusive » et renouvelle assez profondément la culture de l’accompagnement des personnes âgées tout en acceptant la difficulté qu’il y a, en situation, à faire vivre ces valeurs et ces principes.
10 grands principes
La charte retient dix points d’attention permettant aux acteurs du grand âge d’enrichir leur pratique quotidienne de l’accompagnement et du soin :
- Reconnaître chaque personne dans son humanité et sa citoyenneté, dans son inaliénable dignité et dans son identité singulière. Lui témoigner solidarité, considération et sollicitude quels que soient son âge, son état de santé, ses capacités ou son mode de vie.
- Favoriser l’exercice par la personne de l’ensemble de ses potentialités. Se préoccuper de l’effectivité de ses droits. Préserver le plus possible son intégrité, son bien-être, son confort et ses intérêts, tout en réduisant au maximum les restrictions éventuelles à l’exercice de ses libertés.
- Être à l’écoute de ce que la personne sait et de ce qu’elle exprime. L’informer de façon honnête, adaptée et respecter ses décisions. S’assurer de son consentement ou, à défaut, de son assentiment. Tenir compte de son histoire, de sa culture et de ce à quoi elle attache de la valeur.
- Garantir un accès équitable à des soins et à des aides appropriés. Faire en sorte que la personne puisse bénéficier, au moment opportun, d’une évaluation de sa situation et de ses besoins. Évaluer l’impact des interventions sur le bien être global de la personne.
- Protéger le droit pour chaque personne d’avoir une vie sociale, une vie familiale, une vie affective et une vie intime. Respecter son droit à la vie privée, préserver le plus possible son intimité ainsi que la confidentialité des informations et des données qui la concernent.
- Accompagner la personne de manière globale et individualisée, même lorsque des aides ou des soins importants sont nécessaires. Tenir compte de l’ensemble de ses besoins physiques, psychiques et sociaux. Favoriser son autonomie de vie et son inclusion dans la société.
- Faire en sorte que chacun puisse bénéficier, jusqu’au terme de son existence, de la meilleure vie et de la meilleure qualité de vie possible. Permettre aux personnes qui le souhaitent d’indiquer à l’avance leurs préférences et leurs volontés. Prendre soin des mourants et honorer les défunts.
- Respecter dans leur diversité les savoirs, les compétences, les rôles et les droits des familles et des proches. Soutenir les aidants familiaux et les proches aidants. Si la personne accompagnée n’y est pas opposée, s’efforcer de bâtir avec eux des liens de coopération et de confiance mutuelle.
- Prendre soin des professionnels et des bénévoles, les considérer et les soutenir dans leur engagement auprès des personnes. Faire en sorte qu’ils se sentent écoutés et reconnus dans leurs compétences. Les sensibiliser au repérage et à la prévention des maltraitances.
- Prendre des décisions informées, réfléchies et concertées, dans l’intérêt de tous. Encourager la production de savoirs et la remontée des informations. Préserver des espaces pour le questionnement et la réflexion. Renforcer la collégialité des décisions en consultant l’ensemble des personnes concernées.
L’actuel défi du vieillissement de notre société s’accompagne d’une évolution en profondeur des aspirations des aînés qui ne veulent plus être perçus comme des objets d’aide et de soins mais comme des acteurs, des citoyens, des sujets de droit. La démarche Citoyennage qui lie Citoyenneté et Grand âge en est une bonne illustration.
Confrontés à des demandes en mutation et à des difficultés nouvelles, les professionnels, les bénévoles, les proches aidants sont bousculés dans leurs pratiques au quotidien. L’équipe de l’Espace de réflexion éthique d’Île-de-France se tient à disposition pour les accompagner :
« L’éthique peut se définir comme une réflexion sur le sens et la valeur de nos actions. Dans le domaine du soin et de l’accompagnement, elle vise à rendre les pratiques plus responsables, justes et respectueuses de la personne. Elle n’est donc pas une affaire de spécialistes hors-sol, mais d’abord une relation entre des personnes en situation de vulnérabilité et tous ceux – professionnels, bénévoles, aidants familiaux, proches aidants – qui sont présents au plus près d’elles. »
La charte éthique et accompagnement du grand âge est disponible sous forme d’affiche en ligne. Elle est appelée à s’enrichir à travers les échanges et approfondissements qu’elle suscitera.
Ce travail de l’Espace éthique d’Ile-de-France est à saluer : il rappelle des principes universels. L’équilibre trouvé dans l’écriture de la charte ne minimise pas les difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs prenant soin de personnes vulnérables.
La multitude des rapports depuis 1999 nous interroge sur les modalités de diffusion, de mise en œuvre et d’évaluation de cette charte. Quels moyens humains, techniques et moyens de formation seront alloués pour son application afin de lutter contre la maltraitance, et le mal-être des soignants et des aidants confrontés à leur impuissance ?
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :