Les rétinopathies pigmentaires représentent un groupe hétérogène de maladies génétiques qui touchent l’œil, affectent la vision et conduisent parfois à la cécité. Elles ont pour caractéristique commune d’induire une dégénérescence progressive des cellules photoréceptrices de la rétine, aussi appelées photorécepteurs. Bien que les rétinopathies pigmentaires soient rares, c’est la plus fréquente des maladies oculaires d’origine génétique qui affecte environ 30 000 personnes en France et 400 000 en Europe.
Lorsque tout est normal, les photorécepteurs de l’œil transmettent le signal lumineux aux cellules ganglionnaires (neurones) de la rétine. Chacune de ces cellules possède un fin prolongement nerveux d’une dizaine de centimètres de long dont l’ensemble forme le nerf optique. C’est lui qui véhicule le message visuel jusqu’au cerveau.
Dans les rétinopathies pigmentaires, les photorécepteurs perdent leurs facultés normales. Mais il arrive que les cellules ganglionnaires continuent à fonctionner et soient donc capables de capter un signal visuel qui sera transmis au cerveau.
Une équipe de recherche internationale[1] a mis en évidence que la thérapie optogénétique pouvait restaurer partiellement la vision chez un patient aveugle atteint de rétinopathie pigmentaire. Les résultats de cette étude, une première mondiale, ont été publiés dans la revue Nature Medicine ce 24 mai 2021. L’optogénétique est un nouveau domaine de recherche et d’application qui émerge depuis une vingtaine d’années et qui associe la génétique et l’optique. La thérapie optogénétique consiste à modifier génétiquement des cellules de l’œil pour restaurer ou corriger leur fonctionnement. L’idée est de rendre les cellules à nouveau sensibles à la lumière.
Un patient a participé à cette étude clinique. La thérapie optogénétique qui a été mise en place a consisté à modifier génétiquement les cellules de sa rétine, afin qu’elles produisent une opsine qui détecte la lumière ambrée. Les opsines forment une famille de protéines impliquées dans la grande majorité des processus de photosensibilité ; elles sont capables de réagir à l’énergie lumineuse.
Pour cela, le gène qui code pour cette opsine, appelé ChrimsonR, a été injecté à l’aide d’un virus dans la rétine du patient. Cette injection a eu lieu en mars 2019 à l’hôpital des Quinze-Vingts, à Paris. Un délai de latence de plusieurs mois a été observé, pour laisser le temps aux cellules de la rétine de stabiliser l’expression de ce gène.
Puis des tests ont été mis en place pour étudier les effets du traitement. Le patient a été équipé de lunettes spécialement conçues par les chercheurs. Ces lunettes contiennent une caméra intégrée qui transforme les images environnantes en images de couleur ambre qui sont ensuite projetées sur l’œil du patient, et donc sur sa rétine, dans la bonne longueur d’onde à laquelle l’opsine synthétisée est sensible.
Le patient a commencé à rapporter des signes d’amélioration visuelle. Les résultats des tests montrent qu’avec l’aide des lunettes, le patient a touché l’objet à percevoir dans 92% des tests. Il n’a pu saisir l’objet que dans 36 % des tests. Il a pu compter avec justesse des objets 63 % du temps.
Lors d’un test de présence/absence d’un objet, l’activité cérébrale du patient a été mesurée. Cet examen a montré que les changements de l’activité cérébrale étaient concentrés dans le cortex visuel et « cette dernière évaluation a permis de confirmer que l’activité cérébrale est bien liée à la présence d’un objet, et donc que la rétine n’est plus aveugle » selon Botond Roska, l’un des professeurs qui a piloté cette étude clinique.
« Il faudra encore du temps avant de proposer cette thérapie aux patients » précise un autre directeur de l’étude, le Pr José-Alain Sahel. “Les personnes aveugles atteintes de différents types de maladies neurodégénératives des photorécepteurs et d’un nerf optique fonctionnel seront potentiellement éligibles pour le traitement, mais il faudra du temps avant que cette thérapie puisse être proposée. La société GenSight Biologics compte lancer prochainement un essai de phase 3 pour confirmer l’efficacité de cette approche thérapeutique”, conclut-il.