Une étude qualitative a été récemment réalisée dans une unité de soins intensifs en Irlande du Nord. Son objectif est d’explorer les causes de détresse morale chez les médecins et les conséquences qui en découlent dans la prise de décision pour les patients en fin de vie.
« La détresse morale survient quand on connaît la bonne action à poser ou la bonne chose à faire mais que les obstacles et des contraintes organisationnelles empêchent d’agir dans ce sens » d’après le Dr Andrew Jameton, un des premiers éthiciens qui a étudié la détresse morale des infirmières en 1984.
L’étude publiée dans le Journal International de Médecine révèle que « Les soins de fin de vie sont une source de détresse morale, car parmi les patients admis dans les unités de soins critiques (USC), environ 13 à 20 % décèdent à la suite de décisions de ne pas intensifier et/ou de retirer une thérapeutique vitale. Les directives anticipées des patients sont rarement connues et il incombe alors à d’autres personnes de prendre des décisions dans l’intérêt du patient. »
A partir d’études de cas de patients, une vingtaine d’entretiens approfondis avec des médecins seniors et juniors ont été analysés. Il en ressort que les décisions sont souvent prises « dans des conditions émotionnellement intenses et sont compliquées par l’administration de thérapies de maintien en vie et les difficultés à prédire le décès ». Deux thèmes prédominent dans les résultats :
- Chez les jeunes médecins, les cas de détresse morale sont déclenchés par le sentiment de futilité, le manque de continuité, les décisions prolongées et l’incapacité à assurer une « bonne mort ». Les médecins seniors semblent moins impactés par la détresse morale du fait de leur plus grand degré « d’autonomie » dans la prise de décision.
- Les conséquences de la détresse morale affectent la vie personnelle, les relations de travail et le choix de carrière des médecins.
Cette étude menée au Royaume-Uni est la première à explorer la détresse morale des médecins dans les décisions de fin de vie en soins intensifs. Ses résultats ont des implications dont il faut tenir compte pour la formation des médecins. La pandémie de Covid-19 a été un révélateur de ce que les soignants ne sont pas toujours suffisamment préparés à l’approche de la mort. En France, la Limitation et Arrêt de Thérapeutiques Actives (LATA) est réglementée par la loi Leonetti du 22 avril 2005 relative au droit des malades et à la fin de vie.
Cette étude a mis en évidence l’incompréhension potentielle du rôle des soins palliatifs qui permettent de soulager les symptômes et peuvent améliorer la qualité de vie du patient pendant toutes les phases de sa maladie, en prenant en compte de manière globale les dimensions psychologiques, relationnelles et spirituelles. Les soins palliatifs de support peuvent coexister harmonieusement et simultanément avec les objectifs du traitement ; cela montre la nécessité d’intégrer les soins palliatifs aux soins intensifs et aux programmes d’enseignement des étudiants en médecine.