Lors de la discussion en séance au Sénat du projet de loi Urgence Covid-19, le 19 mars dernier, la sénatrice Laurence Rossignol avait défendu un amendement prévoyant d’allonger de deux semaines le délai légal pour avoir recours à une IVG, faisant valoir que le confinement risquait d’entraver et retarder les demandes d’avortement. L’amendement avait été rejeté, le Gouvernement, ainsi que la Commission des lois du Sénat, ayant émis des avis défavorables.
Revenant à la charge lors des questions au gouvernement, transformées en question de contrôle durant l’état d’urgence sanitaire, la sénatrice Rossignol s’est appuyée sur une tribune parue dans le Monde la veille, signée par une centaine de professionnels de l’avortement qui revendiquaient des mesures pour faciliter l’IVG :
- un allongement des délais pour la pratique de l’IVG à domicile de 5 à 7 semaines de grossesse ;
- la dispense du délai de 48 heures pour les mineures entre la consultation psychologique préalable obligatoire et le consentement écrit pour l’IVG, en proposant que l’avortement soit pratiqué dans la foulée de la première consultation ;
- un allongement des délais légaux de 12 à 14 semaines de grossesse pour les femmes qui seraient hors délai, du fait de difficultés liées au confinement.
Interrogée sur France Inter dans la matinale du 1er avril, une des cosignataires de la tribune reconnaissait que des collègues gynécologues avaient reproché de vouloir profiter de la situation pour faire passer des revendications, ce dont elle s’est défendue.
Le ministre a dit examiner les aspects techniques pour l’allongement de délai des IVG médicamenteuses à domicile et affirmé que la question des IVG hors délai pourrait être évaluée à la fin du confinement, si cela se justifiait.
Allongement des délais des IVG médicamenteuses à domicile
En écho aux recommandations du collège des gynécologues, le ministre de la Santé préconise donc d’encourager les IVG médicamenteuses, tout en « garantissant le libre choix des femmes » sur la méthode d’avortement. Pour rappel, les IVG médicamenteuses sont pratiquées jusqu’à 5 semaines de grossesses à domicile et 7 semaines en établissement hospitalier. Au-delà de ces délais, l’avortement chirurgical est pratiqué.
Ce qui est réellement inquiétant, en période de confinement, c’est cette promotion d’une méthode d’avortement qui n’est pas sans risque physique et psychologique avec, par ailleurs, une incidence sur la précipitation de la décision d’avorter. Il est également préoccupant de constater la pression qui pourrait s’exercer sur les jeunes en supprimant le délai de réflexion.
De plus, il est reconnu que ces avortements induisent un risque sanitaire supplémentaire et nécessitent un suivi précis. La loi prévoit que la femme puisse, en cas de complication, se rendre dans un délai d’une heure maximum dans l’établissement de santé avec lequel le médecin ou la sage-femme du cabinet de ville, le centre de planification ou encore le centre de santé a signé une convention et qu’elle puisse être accueillie à tout moment par cet établissement. D’autre part, entre 5 et 7 semaines de grossesse, les protocoles sont spécifiques. Dans ces délais, les douleurs, les saignements et les risques d’hémorragie peuvent être plus importants.
Inciter à “avorter confinée” et mobiliser les soignants pour ce type d’acte, est-ce vraiment la priorité ? Est-ce respecter les femmes ?
IVG, IMG et détresse psychosociale
Quant aux revendications de retarder les délais de l’IVG chirurgicale de 12 à 14 semaines de grossesse, les promoteurs de cette demande précisent qu’il s’agirait potentiellement de femmes en situation de violences conjugales, comme si l’avortement était la seule issue dans ces situations. D’autant que l’on sait que la violence peut également s’exercer sur les femmes enceintes en les poussant à avorter contre leur gré. Le ministre a cependant dit étudier, selon les réelles demandes à la fin du confinement, la proposition de qualification d’IMG pour « détresse psychosociale », (autorisant à avorter pendant 9 mois) si la pandémie a retardé l’IVG.
On peut enfin s’étonner que l’inquiétude du ministre de la Santé soit la réduction du nombre d’avortements, alors que la France, comme une grande partie du monde, a choisi le confinement pour sauver des vies.
Mesurer l’accès à l’avortement par le nombre d’IVG pratiquées n’est pas utiliser le bon indicateur. Derrière ces chiffres à la baisse qu’il faudrait pouvoir objectiver, il peut y avoir également des femmes qui préfèrent poursuivre leur grossesse, même inattendue, en période de contagion du Covid-19. La pandémie et ses menaces peuvent changer le regard sur la vie émergente.
Pour ceux qui se réclament du féminisme, l’urgence est à la protection des femmes contre toute violence, sans omettre celle que constitue la pression – souvent masculine – qui les pousse trop souvent à avorter à contrecœur.