Depuis octobre 2019, une proposition de loi relative à l’avortement est examinée par le Parlement fédéral belge.
La loi devait être discutée à la Chambre (une des deux instances du Parlement belge) ce 12 mars, mais le débat a été reporté après que des députés ont annoncé leur intention de déposer des amendements qu’ils veulent envoyer pour avis au Conseil d’État. Le Conseil d’Etat a, quant à lui, déjà rendu un avis en février sur la teneur même de la loi.
La proposition de loi prévoit plusieurs dispositions, qui visent à modifier le cadre de l’accès à l’avortement.
- Le délai autorisé pour pratiquer une IVG, actuellement permis jusqu’à 12 semaines, serait allongé jusqu’à 18 semaines (soit 4 mois et demi de grossesse.)
- Serait abrogée toute sanction spécifique en matière d’IVG pratiquée hors cadre légal, dès lors que la femme y consent. Ce qui signifie donc qu’un médecin pourra pratiquer un avortement sur une femme bien au-delà de 18 semaines, avec le consentement de la femme, sans être condamné. Toutes les lois d’encadrement de l’IVG sont dès lors dépourvues de toute force contraignante effective.
- Le délai de réflexion minimum obligatoire pour prendre une décision après une première consultation passerait de six jours à 48 heures (hors urgence médicale).
- L’obligation d’informer la femme enceinte sur les aides financières, sociales et psychologiques offertes par la loi aux familles, aux mères (célibataires ou non) et à leurs enfants, ainsi que sur les possibilités d’adoption de l’enfant à naître, serait supprimée. Elle serait remplacée par une proposition d’accompagnement médico-psychologique, et ce seulement après l’avortement.
- L’accès à l’IMG (interruption médicale de grossesse) est élargie. Alors qu’à l’heure actuelle, une IMG ne peut être pratiquée que « lorsqu’il est certain que l’enfant à naître sera atteint d’une affection d’une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du diagnostic », la proposition de loi prévoit que l’IMG soit permise dès qu’il existe un « risque élevé, selon l’état actuel de la science. »
- Il serait interdit aux établissements de santé d’établir avec des médecins des conventions excluant la pratique de l’IVG.
- Concernant le délit d’entrave à l’IVG, la définition serait élargie et les sanctions renforcées. « Celui qui tente d’empêcher physiquement », « de quelque manière que ce soit » une femme d’aller subir une IVG » pourrait être condamné à une peine de prison (entre trois mois et un an) et une amende (cent à cinq cents euros).
- L’IVG serait considérée comme un acte médical, qui entrerait dans les droits des patients et dans le champ d’application du personnel médical.
Le Conseil d’Etat belge a rendu un avis sur la loi, pointant du doigt plusieurs contradictions. Concernant le délit d’entrave à l’IVG notamment, le Conseil relève que son champ d’application n’est pas clair : est-ce que sont sanctionnées seulement les fausses informations, ou également les opinions ? A partir de quand l’expression de la désapprobation, quand elle provient du conjoint de la femme, est-elle punissable ?
Cependant, le Conseil d’Etat est resté assez distant du reste de la loi, s’appuyant sur une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui laisse une « ample marge d’appréciation » aux Etats pour définir le cadre légal de l’accès à l’avortement.
Plus de 750 soignants ont signé une pétition pour s’opposer à cette proposition de loi, qui entraîne le « délitement des balises éthiques » et « brise le nécessaire équilibre entre la liberté de la femme et l’attention portée à l’enfant à naître qui se développe dans son corps ». « Tenter de faire croire que c’est un soin de santé comme un autre, c’est d’abord et avant tout mentir aux femmes » affirment-ils. Un collectif représentant 2500 soignants opposés à la proposition de loi, a tenu une conférence de presse, le 10 mars, demandant à être reçu par les députés.
L’éthicien, psychologue et infirmier Eric Vermeer, qui accompagne des femmes ayant subi un avortement, a dénoncé « une loi qui mène au silence » dans une tribune parue dans la Libre Belgique . « D’ici peu, l’avortement risque de devenir un acte médical, totalement dissocié d’un questionnement éthique » explique-t-il. « Aurons-nous encore le droit, demain, en tant que thérapeutes, d’oser parler des diverses conséquences négatives de l’IVG, en particulier du syndrome post-avortement, reconnu par la majorité des soignants concernés ? (…) Sans poser le moindre jugement sur la personne qui décide d’interrompre une grossesse, tout thérapeute mesure l’importance de « prendre soin » et d’ouvrir un espace d’écoute empreinte de douceur et d’empathie. »